Les moments préférés de ma vie personnelle sont ceux au cours desquels la discussion me permet de voir autrement ce qui est imposé à cette opinion dominante sans cesse avide de certitudes pouvant la rassurer ou l’intoxiquer. L’envie d’apprendre et de comprendre sauve parfois du naufrage de la vieillesse. Les jeunes et les moins âgés m’ouvrent parfois les yeux sur un monde que je continue à voir par le prisme d’une existence marquée par le système éducatif. C’est ainsi qu’au hasard des rencontres avec ces ouvreurs d’horizons nouveaux j’emmagasine des éléments bien différents de ceux que l’on nous fourgue à longueur de plateaux télés.
Récemment j’ai échangé avec un Créonnais installé à Singapour. Il y exerce des responsabilités dans une banque internationale sur les marchés financiers asiatiques. Issu d’une famille immigrée extrêmement modeste Hakim s’est construit grâce à son intelligence et une volonté de fer une carrière exceptionnelle à laquelle j’ai donnée à un moment donné un coup de pouce discret. Ce « trader » qui suit des portefeuilles de placements financiers n’oublie jamais de m’envoyer un petit message pour mon anniversaire.
Lors de cette discussion à distance il m’a éclairé sur ce monde que l’on pense ébranlé par les crises. Il m’a vite détrompé : « la finance aura été la grande gagnante de cette pandémie grâce au soutien des gouvernements apporté et les banques centrales. La seule question qui reste posée c’est de savoir quelles auraient été les conséquences si ces soutiens n’avaient pas existé ! ». Son analyse est complété par une considération encore plus lucide. Amar ajoute dans son message qu’il y a « longtemps que les dettes sont devenues insoutenables et que le point de non retour est dépassé. Il vaut mieux en rire ». Depuis Singapour en quelques mots il remet nos débats à leur vraie place.
Quand je le questionne pour savoir « si les marchés sont inquiets par le potentiel conflit Russo-ukrainien le trentenaire me répond : pas au point de tout vendre mais les marchés du pétrole et du gaz sont très tendus. Personnellement je pense que le baril de Brent va dépasser les 100 dollars sauf si un accord avec l’Iran venait à atténuer le choc de l’offre actuelle ! » Amar dresse en quelques mots une synthèse de cette mondialisation dont nous mesurons depuis quelques heures la dangerosité absolue. Aucune sanction économique n’arrêtera la volonté expansionniste de Poutine car pour garantir la survie de son pays il lui faut retrouver la carte stalinienne des productions agricoles ou industrielles. La Russie ne se suffira plus dans un avenir très proche.
Les mines ukrainiennes furent au cœur des rivalités russo-allemandes pour le contrôle de ce territoire Lors des deux conflits mondiaux les mines ukrainiennes ont été un enjeu majeur des guerres entre Allemands et russes.. Pourquoi le bassin du Donbass ? Simplement par ce que il possède de considérables richesses houillères (107 milliards de tonnes en 2013), l’immense gisement de fer de Krivoï-Rog (7 milliards de tonnes en 2002) et le célèbre gisement de manganèse de Nikopol, La conjugaison de ces productions contribue à la fabrication de l’acier ayant permis à l’URSS d’ériger son plus puissant centre sidérurgique et industriel autour de Donetsk.
De même, l’industrie soviétique de l’aluminium et, partant, son industrie aéronautique, devait beaucoup à l’énergie de la puissante centrale hydroélectrique du Dniepr (10 milliards de kilowattheures), en Ukraine. La récente découvert en Ukraine, sans minorer les enjeux agricoles (22% des terres arables d’Europe) d’un vaste champ de gaz de schiste explique pourquoi le maître de la Crimée lance ses chars vers des richesses risquant tomber aux mains du système libéral américain et européen. Le reste n’est que prétextes.
Un autre jeune Créonnais, géologue chercheur de sites exploitables pour des compagnies australiennes, canadiennes, chinoises, russes et autres… n’a cessé de me répéter que derrière « tous les conflits il faut chercher la maîtrise des ressources minières. » Il a bourlingué dans les zones sahéliennes avec d’impressionnants mesures de sécurité, a traversé des coups d’État fomentés par des pays voulant justement remplacer un pouvoir défavorable par un plus arrangeant, est parti précipitamment ou a dû renoncer pour renoncement de ses employeurs. Fabien qui a déjà un passé incroyable de géopoliticien est de la même trempe que Amar : l’un baigne dans la mondialisation financière et l’autre dans celle de la course aux minerais de demain.
Tous deux m’ont beaucoup plus appris. Ils m’ont aidé à me méfier des affirmations faciles, des communiqués grandiloquents, des déclarations de guerres en tous genres, des conflits réputés ethniques ou religieux, des enjeux purement financiers et des gesticulations médiatisées. Humanisme ? Humanité ? Des mots sans poids.
Bandeau : carte économique Ukraine avec sur la droite le Donbass
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On a compris depuis longtemps (depuis toujours ?) que depuis son arrivée le pépé Biden joue les pères fouettards pour faire capoter le projet Nord Stream, quitte à jouer les gros bras au détriment de la sécurité mondiale (ce qui nous voudra peut être de se geler l’hiver prochain, avec nos centrales nucléaires en rideau, on l’aura cherché).
Il est dans ce rôle pire que son lamentable prédécesseur, c’est dire !
Quant au Donbass et à l’Ukraine, si l’on en croit les historiens de carnaval d’Arte(la nouvelle voix de l’Amérique), contrairement à tout ce que l’on sait de l’histoire de l’Europe, ils ne feraient pas partie historiquement de la Russie ! Ce serait un fantasme poutinien.
Je ne suis pas un partisan de Poutine, mais un chef d’état qui défend et veut récupérer un territoire, convoitise de goinfres étrangers me semble dans son droit.
Hier soir , le petit soldat béni oui oui Le Drian, jouant les vierges effarouchées m’a un peu « gonflé » dans son rôle de larbin.
Tu nous éclaire jean marie. Reste que l on voudrait bien savoir ce qui nous attend avec cette nouvelle guerre. Souhaitons que Poutine ne souhaite pas récupérer la totalité des pays frères de la défunte union soviétique. Ne pas oublier les goulags et le retard économique et social de ces pays. Certes comme le dit ton premier interlocuteur la finance se moque de la situation des individus mais même si ce n est pas bien c’est quand même mieux. De deux maux il faut choisir le moindre
Ne pas oublier les goulags….. et les Guantanamo et autres lieux plus ou moins connus de détention et de torture, la situation des afro américains, des hispaniques, des amérindiens et autres joyeusetés similaires soigneusement cachées , bref, l’infirmerie qui se moque de l’hôpital.
EclaireS
@ à Deyris
« Faute avouée est à moitié pardonnée »… Moi, je pardonne totalement !
Bonjour,
nous sommes tous les témoins d’une situation périlleuse. C’est la première fois que ce sont d’autres pays qui dictent leur loi à l’Occident plutôt que de recevoir des instructions sur la manière de se conformer aux lignes rouges américaines. Nous avons trois – et non une – mines à retardement, prêtes à se déclencher. Trois fronts : chacun d’entre eux est distinct, mais tous sont étroitement liés, et ils sont désormais soumis à des objectifs stratégiques et des synergies d’un niveau inconnu : l’Ukraine, Taïwan, et l’accord chancelant de Vienne sur le nucléaire iranien – qui suscite maintenant une angoisse indicible à Tel Aviv.
Trois fronts possibles d’embrasement sur trois théâtres d’opérations couvrant la planète.
A cela s’ajoute 4 cavaliers déstabilisant l’économie mondiale dans des transitions indispensables.
1 La pandémie – qui débouche sur un système mondial de réglementation de la santé ; 2 l’urgence climatique – qui débouche sur un régime mondial de crédits et de débits de CO2 ;
3 la révolution technologique et de l’intelligence artificielle – qui nous fait entrer dans l’ère mondiale de l’automatisation et des robots (et des pertes d’emplois) ;
et enfin,
4 la transition entre l’économie classique et la Théorie monétaire moderne mondiale , qui exige une mise à plat de la gigantesque dette mondiale qui ne sera jamais remboursée (voir notre discussion d’hier).
Il était bien entendu que toutes ces transitions bouleverseraient des modes de vie humains ancestraux et profondément enracinés, et déclencheraient inévitablement des dissidences – c’est pourquoi les nouvelles formes de « discipline » sociale et le transfert du contrôle de la responsabilité nationale vers le niveau supranational sont si importants. Telle est la réponse des milliardaires occidentaux,(grands artisans du théâtre de marionnettes joué sous nos yeux) dans le droit fil des rencontres de Davos.
L’idée étant d’organiser une lisibilité de l’avenir d’un monde en plein changement. La lisibilité étant la pierre angulaire de l’accroissement du gain pour les plus riches.
Les lignes rouges sont maintenant tracées par d’autres que l’oncle Sam.
Le président Poutine a prévenu que toute intrusion des infrastructures ou des forces de l’OTAN en Ukraine ne serait pas acceptée. Et que la Russie agirait de manière énergique pour l’empêcher. De même, l’Iran a déclaré explicitement qu’aucune attaque israélienne contre ses installations nucléaires ne serait tolérée. Elle entraînerait la destruction par l’Iran des infrastructures vitales israéliennes sur l’ensemble du territoire.
Et la position de l’Iran et de la Russie est identique à celle de la Chine à l’égard de Taïwan : Le président Xi l’a clairement indiqué lors du sommet virtuel qu’il a tenu avec Biden le 15 novembre 2021. Xi a prévenu que toute tentative de sécession de Taïwan était inacceptable et entraînerait une réponse militaire.
Le cauchemar des 3 fronts devient chaque jour plus prés de la réalité. C’est très nouveau : en géopolitique, des co-occurences de cette nature ne se produisent pas spontanément. Il est évident que les trois puissances sont stratégiquement alignées, politiquement et très probablement militairement aussi.
La vision du mondialisme est ébranlée par les nouvelles cartes lancées sur le tapis et les plans sur la comète édifiés à Davos sont compromis. Le nouvel ordre social mondial est l’enjeu dans cette partie.
Nous voila témoins d’une partie de cartes où quelque soit le résultat nous serons perdants!
Bonne journée
@ à facon j.f
Personnellement, à ton « perdant » je préfère « les dindons de la farce… » .
Emma, ma petite fille est géologue (sortie de Nancy) et travaille pour une structure qui, en janvier, l’a envoyée en Ukraine. Restant très discrète…, elle nous a pourtant annoncé ce que disent tes 2 amis !
… » la recherche des ressources minières… », nerf de la guerre depuis des siècles et des siècles… !
J’aurai bien mauvaise mine à te contredire!!!
et merci à tous pour ces moments de lucidité extrême…
La géopolitique? Je ne la connais qu’à travers Géotrouvetou, qui déjouait les plans des Rapetou pour dérober le fric de Picsou. J’y trouve des similitudes avec le sujet du jour. En plus drôle.