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Ne me parlez pas du muguet…

Je n’aime pas le muguet… Ses clochettes qui se dandinent à la moindre secousse ne conviennent pas à cette journée du premier jour de mai qui a plutôt besoin d’un symbole plus flamboyant, plus emblématique de son inscription dans l’histoire sociale. En plus ce brin vendu à prix d’or est associé à l’idée que la fête du travail serait celle du bonheur et pourquoi pas de la santé. Si l’on revient sur l’origine de ce qui est devenu une affaire économique reposant sur une tradition bien opportune. Journée des revendications et du combat des travailleurs, celle qui a permis durant des décennies de témoigner de l’unité syndicale et même parfois politique n’a plus de sens en cette période d’indifférence et de résignation.

Il faut remonter à 1560 pour retrouver les racines de l’offrande qu’il est de bon ton d’apporter à ses amis, ses voisins ou ses collègues. Elles sont , et ce n’est pas le moindre paradoxe, d’origine royale puisque ce serait Charles IX se serait vu offrir un brin de muguet lors d’une visite dans le Dauphiné. Il aurait tellement apprécié le geste qu’il aurait décidé de reprendre cette idée pour offrir, chaque printemps, un brin de muguet aux dames de la cour.  Il n’y pas de preuve réelle de cette origine de la tradition ce qui dans le fond peut rassurer les républicains. Tout le règne de ce troisième souverain de la lignée des Valois sera marqué par les guerres de religion, les assassinats et les massacres essentiellement effectués par les catholiques.

Les clochettes qu’offraient Charles IX étaient tachées du sang de l’intolérance, du cynisme et des pires atrocités à l’égard de celles et ceux qui refusaient de se soumettre au pouvoir temporel de l’église. Le créateur putatif de l’offrande du muguet couvrira l’affreuse nuit de la Saint Barthélémy du 24 août 1572 qui demeure une tache indélébile désormais oubliée dans l’Histoire de France. Il mourra en lassant un royaume divisé, traumatisé, ruiné par ces affrontements sanglants. Sans le savoir il avait ressuscité une coutume romaine qui célébrait l’arrivée des fleurs de muguet fin avril ou début mai de manière mouvante.

Il faudra attendre 1941 et l’initiative de « Maréchal nous voila » pour que « travail et muguet » soient associés. Il instaure le  24 avril 1941,« la fête du Travail et de la Concorde sociale » dérivé de la fameuse devise appliquant ainsi la devise qui hante toujours le esprits ultra-libéraux et réactionnaires « travail, famille, patrie « . La lutte des classes qui avait accompagné les mouvements sociaux entre les deux guerres n’est évidemment plus à l’ordre du jour. Durant ces années les participants aux manifestations et aux défilés arboraient la « fleur d’aubépine rouge ». Le régime à l’eau de Vichy décida donc de revenir en arrière et de mettre le brin à clochettes à l’ordre du jour. Plus de rouge !

Le muguet n’a pas l’heur de me plaire. Par mimétisme social il a pris une place prépondérante un jour de l’année depuis 1946 date à laquelle le 1er mai est devenu un jour férié et chômé. En 2025 une polémique est née : les pourvoyeurs de « boulot », ce pain blanc sans fioriture à la croûte dorée n’auraient plus le droit de tenir boutique. Ceux d’entre eux qui ont des salariés ne pourront pas les faire travailler. Du moins ils prendront le risque d’une dénonciation ou d’une inspection de représentants de l’État ainsi obligés de bosser le jour où seuls les services essentiels qui ne peuvent pas être interrompus y sont autorisés. Ils viendront peut-être avec un brin de muguet à la boutonnière.

Au sein du gouvernement la distribution de « brins » va se poursuivre de plus belle tant le climat est tendu et les affrontements patents sur le moindre sujet. Personne n’est d’accord avec personne puisque pour les ténors seuls les intérêts individuels Sont valeur pour l’intérêt général qui devrait être pourtant le nôtre. Alors les « communicants » qui entourent le Béarnais sourd, muet et aveugle auront probablement la bonne idée d’offrir à tour de bras du muguet. Il symbolise en effet la chance, la joie enfantine, la pureté, l’innocence, l’humilité, la jeunesse et la discrétion selon le dictionnaire du langage des fleurs. Autant de valeurs dont ils ont tant besoin dans la période actuelle mais qu’ils ont oubliées.

Je n’achèterai donc pas de muguet. Je n’offrirai pas de muguet. La tête baissée de ses fleurs résume trop la période actuelle. Et des boutonnières qui le porteront devant jeanne d’Arc ou ailleurs me révulse profondément. Je préfère le gentil coquelicot. Il allie à la fois fierté et simplicité mais il reste tellement éphémère dès qu’il est privé de ses racines terrestres qu’il n’a aucun espoir de parer une boutonnière ou de traîner sur la commode du salon.  Il irait pourtant tellement bien à un premier Mai unitaire et constructif. Seule la fée Clochette pourrait me satisfaire ! Vive la fraternité ! 

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Cet article a 8 commentaires

  1. Gilles Jeanneau

    Merci beaucoup pour cette rétrospective de la fête du muguet que je ne connaissais pas !
    Je m’associe à ta désillusion sur ce symbole mais tu te consoleras largement avec le coquelicot qui est aussi ma fleur préférée!
    Bonne journée quand même!

  2. christian grené

    Bonjour Gilou. Et bien moi, cher Jean-Marie, je vais te parler de Muguet, héros du premier roman d’Antoine Blondin: « L’humeur vagabonde ». L’histoire extravagante d’un ado de 18 ans à travers l’Europe pendant la seconde guerre mondiale. Un manifeste littéraire pour moi, comme « Les 9 vies d’Ezio ». A lire absolument, même un 1er mai.

    1. François

      Bonjour @JJM !
      Quoique retraité, l’agriculteur dit conventionnel que j’étais se permet de vous dire qu’un SEUL pied de cette charmante plante aux fleurs écarlates donne 20000 graines fertiles voire 50000 ! ! ! ! Ainsi, votre désolation d’écolo-bobo sera guérie vu l’envahissement engendré par …. Papaveraceae, l’ennemi de l’agriculteur raisonné ou raisonnable qui, lui, veut vivre en vous fournissant un bon blé ! !
      Amicalement

  3. J.J.

    Je crie , le poing en l’air ce jour du premier Mai : « Vive l’Églantine Rouge ! »
    Vous pouvez lire à ce propos l’excellent ouvrage de l’écrivaine Danielle Sallenave, membre de l’Académie Française(dont l’écriture étonne un peu, si l’on considère la qualification de vieux barbon accolée souvent un peu injustement aux académiciennes et académiciens, surtout depuis que des femmes y ont fait leur entrée) : « L’Églantine et le Muguet » chez votre libraire indépendant habituel.

    La fête du travail ! Quelle horreur, surtout quand on pense que ce sont des « croyants » (surtout des « réacs » fascisants) qui ont institué cette fâcheuse appellation.
    Si l’on s’en réfère aux textes prétendus sacrés : la Bible, on se souvient que le père éternel, après avoir découvert qu’Adam et Ève, avaient pris du bon temps en croquant une symbolique pomme (mais pourquoi donc cet hypocrite , [déjà !] les avait-il pourvus des organes idoines, si c’était avec l’interdiction de s’en servir ?) les menaça et les condamna aux pires maux, en particulier avec la fameuse déclaration : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ». Ce qui est d’ailleurs assez comique car il est fort probable qu’à l’époque (intemporelle ) à laquelle se déroulèrent ces faits, l’agriculture, donc le blé et la boulange et le concept même de pain n’existaient probablement pas.
    Je passe sur la suite de ce récit abracadabrant dont les croyants n’émettent par un doute sur l’improbabilité consubstantielle de tels faits.
    De cela il faut en déduire logiquement que le travail est une punition, et fêter une punition cela relève du pure sadisme.
    Il est vrai, et nous avons une incontestable preuve que les croyances font fi des détails, même si ces détails contredisent icelles croyances… Comme le déclarait le président Pompidou « Comprenne qui pourra » .
    Le premier mai n’est pas la fête du travail, mais celle des TRAVAILLEURS, qui ont acquis ce droit dans des circonstances tragiques.
    Deux exemples entre autres: mai 1886, événements tragiques aux USA au cours de manifestations ouvrières pour demander des conditions de travail moins inhumaines .
    Premier mai 1891 : À Fourmies, dans le Nord, la troupe ouvre le feu sur la foule qui manifeste pacifiquement pour « la journée de huit heures ». Bilan 9 morts dont deux enfants et 35 blessés.
    Et vous voudriez, sachant cela que l’on fête le travail en exhibant une fleur blanche(même si elle sent bon), symbole abhorré de l’absolutisme ?

  4. A. Blondinet

    Pardon M’sieur, j’aurais mieux fait de rester au lit plutôt que de me jeter sur ma « Roue Libre »! Muguet est bien le héros du premier roman de mon papa. Mais c’est dans « L’Europe buissonière ».
    J’ai coiffé tout seul mon bonnet d’âne.

  5. J.J.

    J’ai oublié un détail important : dans le muguet commun (Convallaria majalis) toutes les parties de la plante sont très toxiques. Le muguet est classé parmi les plantes à très haute toxicité, une ingestion d’une gorgée d’eau de muguet peut être fatale en quelques minutes.(Wikipédia)
    Le fruit de l’églantier (Rosa canina) qui est comestible en partie (confiture riche en vitamines C) contient aussi des poils irritant pouvant servir à confectionner du poil à gratter.(Expérience personnelle)

  6. facon jf

    Bonsoir,
    nonobstant les clochettes du muguet, j’espère que vous avez passé une bonne fête des travailleurs, anciennement saint Philippe. Tout a été dit ou presque sur cette fête dont le nom est fête internationale des travailleurs (en anglais : International Workers’ Day, IWD), ou encore journée internationale de lutte pour les droits des travailleuses et travailleurs . Instaurée par la IIe Internationale en 1889 pour obtenir la journée de 8 heures symbolisée par un triangle équilatéral rouge porté à la boutonnière représentant les 3X8 h de la journée. Occultée par la fusillade de Fourmies qui eut lieu le même jour, l’affaire de Clichy est le détonateur des attentats anarchistes de cette époque. Ce 1er mai 1891 une trentaine de manifestants improvisent un défilé allant de Levallois-Perret à Clichy, drapeau rouge en tête. Un peu avant trois heures, alors que le drapeau est roulé et que les manifestants se dispersent, le commissaire Labussière donne l’ordre de s’emparer de l’emblème. C’est l’incident, des coups de feu sont échangés et des agents de police légèrement blessés. Trois anarchistes sont aussitôt arrêtés, dont Louis Leveillé, lui-même blessé par balle. Dès leur arrivée au poste, ils subissent un violent passage à tabac, ce qui révolte les anarchistes. Lors de leur procès, le 28 août de la même année, l’avocat général Bulot requiert la peine de mort contre l’un des prévenus. Le verdict est sévère : Henri Louis Decamps est condamné à cinq ans de prison, Charles Auguste Dardare à trois ans, Louis Leveillé est acquitté. La brutalité policière et les condamnations sont perçues comme un défi par les anarchistes. Avec la complicité de quelques compagnons qui volent 3 kilos de poudre dans une carrière quelques mois plus tard, Ravachol décide de relever ce défi. Il fut l’instigateur de deux attentats contre les magistrats impliqués dans l’Affaire de Clichy.
    Aujourd’hui tout cela est oublié et le nom du 1er mai a glissé vers l’appellation Pétainiste de fête du travail (et de la Concorde sociale elle aussi passée à la trappe). Cette fête disparaît dans les années 1950 et 1960, les défilés étant interdits lors des guerres d’Indochine et d’Algérie. Il faut attendre le 1er mai 1968 pour que la CGT organise, pour la première fois depuis 1954, une grande manifestation dans les rues de Paris, choisissant de défiler avec le Parti communiste ; ce défilé réunit des dizaines de milliers de manifestants. Le lendemain, après de nouveaux incidents à Nanterre, le doyen décide de fermer la faculté.
    Merci à tous pour avoir manifesté … De l’intérêt pour cette page un peu effacée du mouvement ouvrier international et aussi Français.
    bonne soirée

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