Les collectivités territoriales vont dans le mur

Les départements dans leur grande majorité, sont à bout de souffle et bien des maires se creusent la tête pour terminer l’année budgétaire en cours sur des bases convenables. Les augmentations des charges de fonctionnement malgré toutes les affirmations « officielles » plombent les prévisions. Les situations sont extrêmement différentes d’une collectivité à l’autre. Celles qui sont les plus dynamiques, qui offrent le plus grand nombre de services à des populations peu conscientes de leurs efforts, qui jouent un rôle de centralité sur des territoires sont les plus en danger car la pression des administrés s’accroît dans le contexte actuel.

Il est impossible de généraliser car les situations restent différenciées selon la taille et le dynamisme des communes ou des intercommunalités. Comme la Cour des Comptes l’a souligné, les collectivités territoriales ont en effet connu en 2022, comme en 2021, une situation financière très favorable sur un plan global. Cette situation financière a été partagée par toutes les catégories de collectivités (communes, départements et régions) ainsi que leurs groupements (intercommunalités), mais l’observation de chacune de ces catégories fait apparaître des disparités internes, tout particulièrement au sein des communes et des intercommunalités.

En fait désormais totalement privées de leur liberté de gestion par une réforme fiscale destinée à les mettre sous tutelle via des dotations adossées à l’activité économique, elle sont dans un étau. Celles qui « n’ont rien réalisé » depuis des années, qui n’investissent pas pour développer la qualité de vie ou répondre aux besoins de solidarité espèrent se sauver l’an prochain en puisant dans des réserves effectuées grâce aux impôts locaux antérieurs. Certaines « petites » commune ont ainsi accumulé un ou deux budgets d’avance : une gestion absurde puisqu’elle consiste à prélever des contributions sur la population sans en avoir besoin !

Cet écart des situations repose aussi sur le volume des charges transférées constamment par l’État dans tellement de domaines que les charges concomitantes deviennent insupportables au sens propre. Chaque fois qu’une annonce retentit la méthode est la même. Les transferts s’avèrent indispensables pour que les administrés disposent dans la proximité d’une réponse à leurs revendications.

C’est le cas dans le secteur de l’éducation, du logement, de la mobilité, de la sécurité, des démarches administratives, de la solidarité humaine et de bien d’autres réalités quotidiennes. Or out accroissement net de charges résultant des « transferts de compétences effectués entre l’Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant (…) de ressources (…) équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l’Etat ». Un vrai marché de dupes.

Par exemple l’État annonce avec les trompettes de la générosité qu’il augmente le RSA mais c’est aux départements à l’assumer puisque ce sont eux qui assument les crédits supplémentaires nécessaires. Un ministre débloque (et c’est heureux!) les salaires de la fonction territoriale en cours d’année ou accorde des primes circonstancielles : aux collectivités de l’assumer ! De nouvelles normes d’encadrement sont décrétées nationalement pour le secteur de la petite enfance ou de l’enfance et selon le principe de la « patate chaude » ce sont les responsables publics qui trouveront les fonds supplémentaires.

Le principe dit de la « compensation au coût historique » (inscrit dans le code général des collectivités territoriales) est applicable depuis les lois de décentralisation. Le bluff consiste à expliquer que les élus locaux sont décideurs et qu’ils se trouvent dans l’obligation d’assumer tout ce que l’État ne veut plus assumer pour clamer que lui est un bon gestionnaire… Mieux s’il envisage de se débarrasser d’un responsabilité ou d’une compétence, il a une fâcheuse tendance à les laisser péricliter.

Ce comportement est identique depuis la première réforme de la taxe professionnelle décrété un soir de pleine lune par un certain Sarkozy. La « compensation à l’euro près » de toutes les exonérations diverses dans le champ des taxes locales n’a été respectée que la première année de la réforme avant de disparaître ou de stagner au fil des budgets de l’État. Tout allait bien en période de faible inflation mais il en va autrement depuis le début de cette année.

Faute d’une clause de revoyure annuelle dont l’État ne veut pas et une adaptation beaucoup plus fine mais impopulaires auprès des petites communes, des dotations, le fossé se creusera et on assistera à des coupes sombres dans les politiques locales de proximité exemptant les décideurs nationaux de leur responsabilité.

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Entretenir l’illusion d’une France qui compte

Lorsque j’ai approché durant quelque temps le métier de journaliste j’a observé la dextérité avec laquelle certaines personnalités se glissait sur une photo de presse. Le plus célèbre d’entre eux était le député maire du Bouscat Jean Valleix qui parvenant en toutes circonstances et au prix d’un art consommé du positionnement à être non-éliminable sur les clichés du journal. Les photographes n’ont jamais trouvé la solution : il était au bon endroit au bon moment quitte à bousculer le premier rang. J’ai l’impression dans le terrible contexte de l’affrontement entre le Hamas et l’armée israélienne que notre Président tente, de la même manière, par tous les moyens à se glisser parmi les gens se jugeant incontournables.

Selon les gens bien informés, toutes les prises de position, toutes les déclarations, toutes les annonces, toutes les initiatives sont directement prises à l’Élysée. Les ministres éventuellement concernés et la Première d’entre eux, apprennent à la télé les décisions sur un conflit d’une extrême dangerosité. Ils accompagnent le mouvement mais se gardent bien de marcher même sur la pointe de la langue ou du stylo sur le domaine réservé du Président et de ses conseillers. La communication du genre « retenez-moi ou je vais faire un malheur » ou « regardez combien je suis important » repose sur des inventions qui tombent à l’eau les unes après les autres.

Il ne devait se rendre sur place que si son déplacement était « utile ». Un objectif difficile à atteindre quand on sait ce que pèse la France actuellement sur la scène intérieure. Le retrait de la zone sahélienne, les voyages d’affaires dans des pays « suspects », les relations avec les émirs du Golfe et surtout la situation réelle des finances ont entamé le poids d’une nation qui dégringole sur la scène internationale. Alors pour « exister » et se retrouver sur la photo des grands de ce monde, place à l’invention.

La proposition de mobiliser sur la base le la coalition contre l’État islamique une nouvelle alliance contre le Hamas n’a eu aucun écho. Elle n’avait aucune chance d’en avoir une d’autant que aucune consultation avait été menée et que personne ne songe réellement à mettre un doigt dans un conflit pouvant dégénérer en quelques heures. Toute la planète s’est demandé d’où sortait cette idée… et partie aux oubliettes de l’Histoire. De ses passages en Jordanie et en Égypte arrachés aux intéressés n’ont été ramenées que des paroles sans aucune réelle avancée! 

Il y eut aussi l’annonce de l’envoi d’un navire hôpital aux abords de Gaza. Ordre fut donné que séance tenante le Tonnerre tout juste revenu à quai après des manœuvres de l’OTAN au large de l’Espagne appareille pour les abords de Gaza avec à son bord 69 lits, au minimum car une extension est possible, une salle de radiologie et deux blocs opératoires. Face au massacre de la population civile palestinienne, ce porte-hélicoptères apporterait une aide infime mais toujours appréciable. La précipitation a de nouveau fait foirer l’initiative annoncée en bombant du torse.

En effet l’équipage était parti au repos. Le navire appareilla avec un effectif réduit. On rappela les marins qui ont rejoint le bord depuis Malte. Le résultat : ce navire qu’Emmanuel Macron avait présenté comme à même de soutenir les hôpitaux de Gaza ne pourrait accueillir qu’une poignée de civils. « Compte tenu de l’armement en ressources humaines, on n’est pas en capacité d’utiliser l’ensemble de ces locaux. Et par exemple, il y a deux blocs opératoires qu’actuellement nous ne pouvons pas armer de manière simultanée », explique un médecin à l’envoyé spécial de France Info.fr

Il ajoute que dans la configuration présente le navire ne peut recevoir que  « deux blessés très graves et deux blessés graves » et le praticien ajoute que « c’est une capacité trop petite pour qu’on puisse véritablement, compte tenu de l’échelle du conflit, apporter une solution médicale. C’est une solution médicale complémentaire. Ce n’est pas un navire-hôpital. » Qu’à cela ne tienne on va en envoyer dans quinze jours un autre ! Des milliers de morts. Des milliers de blessés. Une simple question : comment les quatre blessés parviendront-ils sur le Tonnerre ? Encore une annonce sans aucun effet.

L’institut français de Gaza a été bombardé et le ministère français des Affaires étrangères a réagi : « Nous avons demandé aux autorités israéliennes de nous communiquer sans délai par les moyens appropriés les éléments tangibles ayant motivé cette décision ». On attend à une telle injonction la réponse du gouvernement comme à la protestation de la France membre permanent du conseil de sécurité sur les massacres dans les camps de réfugiés ou sur les sites placés sous l’égide de l’ONU…Mais tout va s’arranger puisque faute de coalition contre le Hamas on se dirige vers une « conférence humanitaire » sur Gaza le jeudi 9 novembre prochain à Paris entre 10h à 13h. Trois heures en visio… pour régler dans plusieurs semaines le sort de gens qui dans cinq jours seront morts de faim, de soif, de maladies ou sous les bombes !

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Un rapport qui rend service pour les secrets

Il est un rapport déposé sur les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat qui devrait intéresser les médias et plus encore l’opinion publique, celui de l’activité de la délégation parlementaire du renseignement (1) comprenant à égalité des représentants des deux institutions. Ce document porte sur ce qui peut être dit sur les services plus ou moins secrets de notre pays et surtout sur les constats objectifs des activités des pays réputés être nos « ennemis » et même nos « amis » sur notre territoire. Ce que dévoilent ces députés et ces sénateurs a tout lieu d’inquiéter sur l’avenir de notres système démocratique.

« Le sujet de la lutte contre les ingérences étrangères a été le fil conducteur des travaux de la Délégation parlementaire au renseignement au cours de l’année écoulée. On a longtemps pensé que des conflits millénaires seraient solubles dans l’économie de marché. Or la réponse est négative et le réveil brutal pour nos démocraties occidentales, particulièrement vulnérables dans la confrontation globale qui s’opère sous nos yeux. Les ingérences étrangères, parce qu’elles représentent une menace protéiforme, omniprésente et durable ouvrent un nouveau cycle du renseignement, cœur battant de notre riposte démocratique. » Le reste de leur rapport met en évidence que la politique française et l’opinion dominante sont influencées selon une phrase iconique des Guignols « à l’insu de leur plein gré !

Pas question de verser dans un complotisme de bazar mais sur la base des documents secrets qui leur sont fournis, les parlementaires reconnaissent que la Russie (ce n’est pas nouveau), la Chine (en progression) ; la Turquie (qui monte), l’Iran (subtilement) mais aussi quelques-uns des nations potentiellement « alliées » mais pas « amies ») comme « les États-Unis (sans surprise), le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande » agissent sur notre territoire ou nos zones d’influence.

Pour les auteurs du rapport, « les ingérences étrangères s’opèrent de façon de plus en plus décomplexée et concernent tous les secteurs d’activité, de la vie démocratique à la vie économique, du monde de la recherche aux espaces numériques. Elles prennent des formes multiples : opérations de désinformation, cyberattaques, espionnage, opportunités juridiques liées à l’extraterritorialité, corruption, trahison » Une description très précise des moyens utilisés avec des exemples précis figurent dans le document dans lequel les ingérences sont classées en trois grandes catégories : les formes « classiques », « modernes » et « hybrides ». Toutes sont omniprésentes et pèsent sur les fluctuations de l’opinion dominante.

Ces dernières années, avec l’essor des réseaux sociaux, les manœuvres d’ingérence dans les processus électoraux ont également pris une tout autre ampleur, comme le détaille ce rapport de 448 pages du procureur Robert Mueller sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine de 2016. L’ingérence russe sur l’élection présidentielle américaine de 2016 s’est appuyée sur trois outils : des tentatives d’intrusion dans l’infrastructure des systèmes de vote, la diffusion d’e-mails du Parti démocrate volés par piratage ainsi qu’une campagne massive sur les réseaux sociaux. Bien évidemment ça ne s’est jamais produit en France… tous les jours sur l’Ukraine ou sur la politique nationale la Russie agit. Certains prétendent, preuves à l’appui que l’affaire des punaises de lit serait originaire d’officines étrangères.

La Chine est elle la puissance étrangère de loin la plus active en matière d’espionnage dans les laboratoires de recherche scientifique notamment par des financements proposés à des structures universitaires de taille moyenne qui peuvent souffrir d’un manque de moyens et de reconnaissance. Elle utilise pour mener à bien sa stratégie de puissance, différents leviers d’action : Le recours aux diasporas qui représentent 40 à 60 millions de personnes dans le monde, dont 600 000 en France.

La force du dispositif de renseignement et d’ingérence chinois à l’étranger repose sur l’appui fourni par cette diaspora, notamment dans le cadre de la lutte contre les cinq poisons qui sont autant de menaces pour la stabilité du pouvoir : les démocrates, le Falun Gong, Taïwan, le Tibet et le Xinjiang.

Le pouvoir chinois aurait investi 1,3 milliard d’euros par an depuis 2008 dans les médias occidentaux pour mieux contrôler son image dans le monde. Les grands médias chinois ont une présence mondiale, dans plusieurs langues et sur tous les réseaux sociaux, y compris ceux bloqués en Chine. Pékin cherche aussi à contrôler les médias sinophones à l’étranger.

Pour l’économie, c’est à travers des investissements très dynamiques dans des secteurs stratégiques comme l’énergie ou les transports, le rachat d’entreprises ou la prise de participations dans le capital d’entreprises (exemple le secteur du vin) que la Chine contrôle des pans entiers de notre patrimoine.

Pour la Turquie l’entrisme politique via la participation aux élections locales et nationales par le biais de listes communautaires ou de consignes de votes diffusées sur les réseaux sociaux devient un sérieux problème. Elle déploie une présence active sur les réseaux sociaux pour diffuser des messages hostiles en réponse à des orientations politiques comme la loi sur le séparatisme. Des cyberattaques ont également été attribuées à des groupes turcs notamment au lendemain de l’adoption par l’Assemblée nationale d’une proposition de loi condamnant la négation du génocide arménien.

(1) le rapport

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L’Ouzbékistan le pays « rouge » où le bleu triomphe

Le Président de la République sera dans les prochaines heures en Ouzbékistan. Il ne ramènera pas probablement les mêmes sensations que celles que j’ai pu éprouver dans ce pays… trop méconnu. Voici un texte  écrit en 2010 qui je l’espère vous retrouverez un jour dans un livre  : 

« Une escapade en Asie centrale ne permet pas de retrouver les phrases musicales oniriques de la mélopée illustrant les caravanes de la route de la soie imaginées par Borodine. Il n’y a plus véritablement de chemins à inventer sous les étoiles, dans les steppes harassées par le poids du soleil de chaque journée, sauf à se comporter en « touristes » béats, croyant que la vérité se trouve dans une nuit sous la yourte, dans un coin aseptisé de ce que l’on appelle à tort un désert.

Des camions abandonnés par une armée rouge évanouie dans l’histoire, les flancs chargés des marchandises superflues de la société de consommation, s’évertuent désormais à éviter les ornières de portions de chaussée n’ayant pas résisté à l’usure du temps. Ils zigzaguent entre des chausse-trappes et les excavations, semblables à celles laissées par des mines ou des bombardements, se souciant uniquement du sort de leur véhicule. Dès la sortie des grandes villes étapes, les voyageurs aspirent à retrouver au plus vite les silhouettes, repères essentiels, émaillant le parcours hors du temps actuel qu’ils ont accompli durant des siècles, plus ou moins paisiblement. Il faut donner du temps au temps et savoir attendre.

L’Ouzbékistan, pays carrefour des ethnies, des cultures, des paysages, des croyances et des patrimoines, exhibe avec ostentation ses richesses, héritées d’un passé glorieux éclipsant largement les prétentions occidentales à avoir construit le monde grâce au talent de ses savants, de ses architectes, de ses artistes. Il faut oublier ses certitudes inspirées des livres d’histoire, pour entrer dans ces épopées qui ne relèvent absolument pas des contes des mille et une nuits.

Croire que Galilée a fait tourner la tête à l’Inquisition en affirmant que la Terre se plaisait à bronzer face au soleil, relève de la méconnaissance absolue du rôle qu’a joué avant lui Ulugbeg, dans son observatoire à Samarcande. Imaginer que l’algèbre a des origines arabes, c’est ignorer que son créateur, Al-Khawarismi, originaire de Khiva était persan et que nous lui devons bien des tracas avec l’arrivée des « algorithmes » inspirés par son nom latinisé.

Essayer de se persuader que les plus beaux édifices religieux sont nos cathédrales aux dentelles de pierre relève de la méthode Coué, puisque les medersas, les mosquées, les caravansérails élevés grâce à la mégalomanie de tyrans réputés éclairés, éclipsent ces édifices sombres par la luminosité retrouvée de leurs façades et de leurs décorations. La diversité des savoirs, le mélange imposé des talents, l’émulation des artistes ont embelli des cités carrefours, traversées par les guerres mais aussi par les influences des peuplades asservies ou à l’âme commerciale.

Par on ne sait quelle volonté, ils ont tous voulu unir la terre et le ciel, dans leur recherche éperdue d’un ailleurs plus paisible, plus rassurant, plus prometteur. Le bleu domine toutes les cités, avec des coupoles resplendissantes, pour réunir les espoirs d’un avenir meilleur et les craintes du présent.

Le bleu aux nuances différentes invite à plonger dans ces agencements millimétrés de majoliques rutilantes et de faïences patiemment ajustées, pour un bain lumineux offert aux regards. Comme des phares pour naufragés de l’océan de steppes, les minarets inutilisés dans cet Ouzbékistan arc-bouté sur la laïcité imposée par l’occupation soviétique, brillent de mille feux dans le soleil.

La restauration, voire la reconstruction pure et simple, des monuments du passé permet de retrouver cette alliance entre une stricte géométrie répétitive et une créativité appartenant à chaque décorateur. Des piliers de bois minutieusement sculptés, avec des chapiteaux en stalactites, des plafonds finement peints : tous les lieux aux murs modestes en briques, qui ont elles aussi subi la loi du soleil, dégoulinent de l’imagination fertile de ces créateurs aux doigts agiles.

Les palais les plus resplendissants comme les médersas se voulant les plus humbles, repliés sur des cours intérieures sereines et sécrètes, trahissent la démesure dont sont seulement capables les princes bâtisseurs, obsédés par la trace qu’ils espèrent laisser dans l’histoire. Toujours plus haut, toujours plus raffiné, toujours plus démesuré ! Au mépris de la vie de celles et ceux qui ont transformé leurs rêves grandioses en réalités ayant plus ou moins bien traversé les siècles, ils ont « offert » à cet Ouzbékistan, fruit d’une partition complexe, strictement politique, du vaste territoire de l’Asie centrale, un patrimoine exceptionnel. Le « voyageur » qui ne se veut pas touriste, peut aller de ville en ville, comme un pèlerin traversant les époques, sans pourtant jamais rencontrer la vraie vie.

Tachkent a par exemple noyé son passé séculaire dans l’austérité monumentale de sa période « rouge » soviétique. Vastes avenues rectilignes dont la monotonie est rompue par des plantations massives d’arbres, architecture sans aucune imagination, parcs quadrillés avec statues monumentales, contrastent avec cette culture antérieure faite d’arabesques, de légèreté des motifs, de courbes généreuses, de couleurs chatoyantes que l’on retrouve à Samarcande, à Boukhara. L’âme de ces décors bleus, plaqués sur les toits du ciel, n’a plus droit de cité. Elle subsiste, soigneusement restaurée, comme le témoignage de cette ouverture qui fit des « routiers » de la soie, les acteurs de la rencontre des « mondes ».

L’Ouzbékistan, qui fut au carrefour de tous les courants philosophiques et religieux, s’est recroquevillé sur son passé durant un siècle. Il s’ouvre lentement, précautionneusement, prudemment, comme ces caravaniers sachant que l’on ne peut atteindre l’oasis de la prospérité qu’à pas comptés.

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Les tempêtes sapent des côtes déjà au plus mal

Un nouvel aléas climatique s’annonce sur la France avec des phénomènes dévastateurs potentiels. Désormais le système des prévisions météorologiques de plus en plus fiables évite que les conséquences pour les habitants soit dramatique. Il n’y a un effet de surprise que si les avertissements ne sont pas pris au sérieux ou si les événements dépassent le caractère exceptionnels pour « déborder » toutes les précautions prises. La tempête Ciarán s’annonce. Elle  résulte d’un conflit de masses d’air très fort sur le continent nord-américaine. Elle se déplace ensuite sur l’océan, et génère cette menace transportée de manière rapide de l’Amérique à chez nous. Mais dans son cas, la température de l’eau a également eu un rôle. Tous ces paramètres conjugués augmentent la puissance de la perturbation.

Le déchaînement de la nature devient un spectacle. On se rend sur le bord de l’Océan pour admirer la fureur de la houle submergent les premiers « remparts dressés par l’homme qui prétend être en mesure de juguler la force des vagues. Le fameux trait de cote va être déplacé et attaqué durant plusieurs heures. Inexorablement, sous les coups de boutoir de ces tempêtes, les menaces sur des habitations, des aménagements que l’on pensaient à l’abri des destructions se précisent. Ce qui est pour certains une attraction devient pour d’autres un cauchemar.

Au cours d’une année « normale » le recul moyen du trait de côte se situe de 6 à 7 mètres par an et, en tempête, la profondeur des cisaillements peut atteindre 30 mètres en zone naturelle ou semi-naturelle et éroder les plus beaux enrochements ou digues. La Chambre régionale de la cour des Comptes vient de rendre un rapport concernant les conséquences de ce phénomène sur le bassin d’Arcachon. Elle dresse un premier constat : tout le monde tente de se débrouiller avec ses propres moyens. Ainsi dans à l’entrée du bassin, à La Teste-de-Buch au sud et surtout à Lège-Cap-Ferret au nord se situent les zones les plus concernées par l’érosion côtière et chaque collectivité développe leur propre stratégie.

Les enjeux menacés estimés à l’horizon 2045, représentent pour chacune des communes plusieurs centaines de millions d’euros.  Le syndicat intercommunal du Bassin d’Arcachon (SIBA), conduit également nombre d’opérations en s’appuyant sur sa compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » GEMAPI que ses membres, les communautés d’agglomération du Bassin-d’Arcachon-Nord (COBAN) et du Bassin-d’Arcachon-Sud (COBAS), lui ont transférée mais dont la composante érosion ne lui est pas toujours reconnue. On est dans le flou pas très artistique mais réel dont la France à le secret. Tout le monde est concerné et au lieu de concentrer les moyens et surtout les réponses on se dispute le droit à agir.

La réponse de la puissance publique se heurte au faut que les propriétaires privés détiennent 90% du linéaire côtier et se sont peu investis dans les stratégies locales et leurs actions pas toujours inscrites dans le cadre réglementaire Globalement sur le secteur du bassin, la gestion de la bande côtière a coûté 14 M€ depuis 2011, investissements privés à La Teste-de-Buch compris. Les aléas climatiques se moquent pas mal de cet enchevêtrement des compétences et des réactions des uns et des autres. Le rapport de la Cour des Comptes note une situation pour le moins confuse et même parfois irrégulière.

En fait le passage de la tempête automnale qui s’annonce dans les 48 heures aggravera la situation déjà préoccupante et même en certains lieux angoissante. Selon l’indicateur national de l’érosion côtière, 20 % des rivages français sont touchées par le recul de la limite entre la terre et la mer. En chiffres, cela représente  920 kilomètres linéaires de rivages, 30 km² perdus sur les secteurs en recul permanent depuis un demi siècle et concerne 100 % des départements maritimes métropolitains avec cinq d’entre eux sous une menace croissante : Seine-Maritime, Charente-Maritime, Gironde, Hérault et Bouches-du-Rhône avec au minimum 50 % de leurs côtes en recul.

Ce contexte engendre une menace de submersion des espaces naturels, mais aussi des zones urbanisées. On estime ainsi que 50 000 logements pourraient être impactés par l’affaissement des côtes d’ici 2100. Une menace réelle pour des zones urbanisées avec… vue sur la mer ou l’Océan. Tempête après tempête les esprits vont peut-être se secouer.

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Les cimetières ont donc une âme

Il n’y a probablement pas de lieux plus révélateurs de la vie réelle que les cimetières. Paradoxe de notre société, ils portent, davantage que tout autre espace public, les stigmates d’une évolution profonde des mentalités, dont personne ne veut mesurer les conséquences. L’âme d’un peuple, d’une ville ou du plus reculé des villages, se reflète ainsi dans l’endroit consacré à leurs morts. Une promenade solitaire dans les allées, avec un œil curieux, permet d’en apprendre beaucoup plus sur les changements ayant affecté la société que toutes les études socio-historiques sophistiquées.

A l’ombre du clocher, blotti contre une église ou à flanc de coteau, à l’écart du hameau, dans un quartier, en milieu urbain : ce n’est plus le même cimetière ! Avec des herbes folles ou des allées goudronnées, il ne respire plus les mêmes vérités. Son ordonnancement rigoureux, ou la diversité poétique des implantations, traduisent la philosophie des vivants. Le nombre de grilles repeintes, de pierres tombales couvertes de mousse, de croix descellées, de pots de fleurs oubliés, de plaques brisées, varient nettement d’une région à l’autre et selon les fortunes.

Les cyprès, les chênes verts, les bouleaux ou les pins parasols ne portent pas la même vision du compagnonnage d’éternité. Globalement monumental, cossu, démonstratif, le cimetière transpire l’aisance économique, passée ou présente, de grandes familles locales ayant la volonté de continuer à paraître dans l’au-delà en memant la vie de « chateau » ou en fréquantant une chapelle à leur convenance. Champêtre, envahi par la mousse ou les herbes folles, dépouillé, caché, il illustre la sincérité des rapports entre les vivants et les morts et plus encore le souci collectif de ne pas verser dans le déraisonnable.

Les noms et les commentaires portés sur les plaques m’émeuvent toujours, car parfois ils sortent des poncifs pour aller vers la vérité des douleurs. Les mêmes mots, gravés dans la douceur fragile de la pierre blanche, dans la dureté inaltérable du marbre ou dans le fil rustique du bois ne revêtent pas la même signification, ne témoignent pas de la même confiance dans la durée du souvenir. Ils portent, avec un pourcentage d’erreurs faible, la saga d’une famille, des parcours de chair et d’os, qui, j’en suis certain, peupleraient sans effort des chapitres de romans.

Je ne peux jamais m’empêcher, dans le silence, de chercher à dénicher, à travers des dates de naissance et de disparition, la fugacité d’une vie reliée à un prénom plus ou moins désuet, ou la durée exceptionnelle d’une autre, perdue dans un siècle passé. J’ignore souvent tout de ces disparus et je peux donc librement interpréter ces signes extérieurs de richesse posthume. Tous ont participé à l’histoire du village. Tous ont aimé ou haï. Tous ont souri ou pleuré. Tous ont espéré et perdu. Le cimetière constitue la plus fabuleuse des bibliothèques, si vous avez les clés de l’imagination.

J’ai toujours eu mal au cœur, en ces journées précédant la Toussaint, en constatant que l’oubli le plus froid côtoie le souvenir idolâtre. L’abandon forcé ou volontaire se remarque en effet davantage au milieu d’un déluge luxuriant de chrysanthèmes. Les ravages du temps sont encore plus redoutables pour les morts que pour les vivants qui les expédient dans un anonymat oublieux, dans le néant absolu. 

Les jardiniers des mémoires ne cultivent pas nécessairement les  «  bonnes  » fleurs, celles qui devraient rester dans les jardins intimes des souvenirs. Les mémoires modernes s’épanouissent parfois à une date fixe et se parent de bouquets luxuriants alors que les plus précieux qui sont ceux qui poussent naturellement le long des chemins quotidiens du souvenir. Encore une fois, ici comme ailleurs l’apparence supplante la sincérité, mais dans le fond, l’essentiel demeure.

Les cimetières sont, eux aussi, pavés de bonnes intentions. Ils se parent de leurs plus beaux atours quand le respect des conventions l’exigent, et sombrent ensuite dans la grisaille. On y retrouve cette peur planant sur notre société vis à vis d’un instant appartenant pourtant pleinement à l’essence même de la vie. Chacun d’entre nous est, en effet, persuadé qu’il découvrira l’élixir de jouvence. Les produits miracles avec Oméga 3 ou DHEA se vendent comme jamais. Les magazines traitant de la santé s’arrachent comme des petits pains. Les médecins sont sensés faire des miracles. Les campagnes de communication tentent de nous persuader qu’en renonçant à quasiment tout nous pouvons éviter le pire.

Alors, les cimetières apparaissent désormais comme les lieux des échecs suprêmes : ceux où l’on ne trouve que des gens qui n’ont pas su ou pas pu éviter la mort. Si vous y allez, prenez donc bien soin de regarder les autres, de leur donner une seconde d’éternité supplémentaire en lisant leur nom, en regardant leur photo éventuelle, en vous intéressant, en définitive, à leur triste sort. Ca remplacera tous les chrysanthèmes du monde !

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Le foot français à la dérive

Partout la guerre… partout la violence… partout la mort… partout l’intolérance… partout la connerie humaine… En France nous atteignons de sommets ! Samedi mati dans une chronique j’alertais sur l’intrusion de la religion extrémiste dans le football. Un danger réel mais oublié par les instances dirigeantes qui ne voient et n’entendent rien lorsque leurs intérêts sont en jeu. Alors que la période se referme sur une Coupe du monde d’autos-tampons baptisées rugby sans le moindre incident lié au comportement du public, le foot aggrave sa situation par un week-end détestable. Des matchs de seconde catégorie disputés dans des contextes pour le moins révélateurs de la gravité de la situation générale.

Le petit monde du ballon rond français cumule les pires avanies. D’abord il faut constater qu’il n’intéresse plus les télés et donc la faillite menace. Les droits de diffusion en cours de discussion de gré à gré n’atteindront pas le niveau espéré proche du milliard. L’embellie offerte par le Qatar qui avait engagé Neymar et Messi s’est évaporée. Plus personne ne se passionne vraiment pour un Lorient-Clermont-Ferrand et même pour bien d’autres rencontres.

Quand samedi se déroulaient presque en même temps un Bordeaux-Rodez et un Barça-Real il faut être maso pour se rendre au Matmut Atlantique. Ou quand hier le derby de Manchester se déroulait sur les écrans de télé et que l’on avait un rutilant Rennes-Strasbourg en concurrence il est évident que la Ligue 1 perd de son poids financier ? Seuls les inconditionnels restent intéressés par des confrontations d’une pauvreté technique et d’une faiblesse collective désarmantes.

Les clubs, dans le contexte actuel de l’inflation, de la baisse du pouvoir d’achat et de la folie des salaires accordés à des joueurs de seconde catégorie puisque les meilleurs ont immigré ou le feront très vite. La DNCG qui contrôle les comptes aura bien du mal lorsque l’été sera venu de valider des budgets en perdition. A moins que ses membres ne puissent pas déstabiliser tout le championnat ils auront à rétrograder ou à mettre en faillite bien des clubs.

Les mentalités évoluent. Ce qui se revendiquent des supporters s’en prennent directement aux entraîneurs, aux joueurs et aux dirigeants. Ils vitupèrent, menacent, insultent, revendiquent et s’érigent en censeurs violents ou au moins exigeants et détruisent avec ardeur le club qu’ils prétendent défendre. Mieux hier soir ils ont attaqué l’autobus de l’équipe adverse à quelques dizaines de mètres de son arrivée au stade. Le match entre l’Olympique Lyonnais et l’Olympique de Marseille a été annulé. Un exploit !

Ce fut une attaque en règle. Une embuscade parfaitement organisée et préméditée. Trois bus des supporters de l’Olympique Lyonnais avaient été caillassés en arrivant à proximité du vélodrome. Un groupe d’une centaine de personnes, tous avec le visage cagoulé, a attaqué à coup de pavés, de fumigènes un but en tête de file, escortés par deux camions de CRS. Plusieurs blessés à déplorer. Quand le véhicule des joueurs est arrivé les jets ont continué blessant notamment au visage l’entraîneur lyonnais. Les vitres ont explosé projetant des éclats dangereux. Le match a été reporté… ce qui va conduire les télés à acheter à un meilleur tarif la Ligue 1.

Sur le plan de l’éthique M’Bappé la seule tête de gondole évoluant en France a démontré que la « melonite » restait une maladie dangereuse chez les multimillionnaires du ballon rond. L’attaquant star du PSG a inscrit le but de la victoire sur penalty, en deux temps à la 88e minute, mais avait été pris en grippe par une partie du public qui le sifflait et avait tenté de le déstabiliser en amont par des chants le visant ainsi que son coéquipier Achraf Hakimi. En réponse, Mbappé a pris soin de lui aussi provoquer le stade juste après son deuxième but, en mimant avec sa main un chut sur sa bouche, puis l’agitant comme s’il cherchait à faire rasseoir et calmer les spectateurs…

Il a multiplié ce qu’il pensait être des réponses au public brestois qui ne passé pas pour le plus véhément de France. Lors de son remplacement, sous une bordée de sifflets mémorable. Kylian Mbappé en remettait une couche en mimant avec ses doigts son nombre de buts inscrits cette après-midi. Et en sortant le capitaine de l’équipe de France, (donc le symbole du haut niveau) a témoigné d’un mépris détestable à l’égard du public.

Ce qui n’est qu’un spectacle payant prend des allures de pantalonnade ou d’illustration parfaite d’une part de la société française. L’outrance violente, la déraison facile, la haine imbécile influencent les esprits les plus faibles qui cherchent un moyen de se distinguer en meute ou en groupes grégaires. Pendant ce temps enfants, femmes, vieillards crèvent sous les bombes ou ont été massacrés…

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Brassens, le partage du copain, du compagnon et du camarade

Une chronique que j’ai écrite en souvenir 42 ans après la mort de Georges Brassens. Si ça vous plait

« Grâce à un petit coin de parapluie l’ayant préservé des chutes de cette foutue poussière de l’oubli, Georges Brassens se permet de célébrer en grandes pompes une centaine d’années d’existence théorique. Il en aura utilisé qu’une soixantaine avant de casser définitivement sa pipe, compagne fumeuse des moments discrets d’une vie aux épisodes très différents Et sur cette période d’une existence brisée par la camarde il n’en a consacré que la moitié pour déposer des mots qui chantent dans les oreilles des croquantes et des croquants bien intentionnés. Georges est mort avec peu de cheveux blancs, tous derrière et peu devant! 

Les poètes comme les étoiles filantes ne laissent dans le ciel de la chanson qu’une trace parfois fugace car il est rare que leur œuvre résiste aux modes. La sienne peuplée d’images tendres ou incisives ; apaisantes ou révoltées ; légère ou profondes traversera le temps sans une ride puisqu’elle parle des valeurs essentielles que sont l’amour, la tolérance, l’amitié, la modestie, la liberté ou la fraternité. Ses créations résisteront tant qu’il y aura un zeste de sensibilité, d’humour ou de révolte dans le coeur des Hommes. Elles mourront dès que la facilité ou la médiocrité gagneront suffisamment de terrain pour étouffer les jolies fleurs nichées dans des peaux de vache.

Un siècle n’est qu’un grain de sable dans cette éternité souhaitée pour ceux qui entrent dans nos cœurs et donnent un sens à nos vies. Durant un laps de temps trop court, Brassens a en effet guidé nos élans, nos refus et nos engagements. Il a existé pour une génération ayant été libérée par chacune de ses chansons. Le défi d’écouter les images gaillardes d’un marché, le billard à trois bandes de Fernande ou l’éloge d’un endroit précis que, rigoureusement, ma mère me défendrait de nommer ici, avait toujours un caractère excitant. Il osait pour nous.

Beaucoup ont eu en effet besoin de ces refrains impudents pour prendre le chemin d’une certaine émancipation offrant une mauvaise réputation valorisante. En devançant la publication des bans, les amoureux qui se bécotaient sous les regards horrifiés des bien-pensants donnaient à une jeunesse le sentiment que la provocation appartenait aux nécessités de l’accès à l’âge adulte. Brassens est un soixante-huitard avant l’heure et sans jamais afficher une pensée révolutionnaire il annonce la présence de pavés sous la plage des vers qu’il décline d’une voix un tantinet monocorde mais prenante.

Bien que nul ne puisse le soupçonner d’être moralisateur, le chanteur enterré pas très loin de la plage de Sète, joue en contre-point des défauts égoïstes, calculateurs et superficiels d’une société encore figée. L’Auvergnat devient généreux, le bonheur se trouve au pied d’un arbre, l’amour se love sous les modestes sabots d’Hélène : bon nombre de ses chansons porte le partage sous toutes ses formes. Brassens donne avec un soin particulier dans le choix des mots, son soutien à celles et ceux qui souffrent et décoche des flèches humoristiques agaçantes aux dominants ou aux exigeants. Il parvient à une perfection simple mais tellement délicate à obtenir entre des mélodies et des paroles. Dans le fond les jeunes connaissent davantage ses œuvres que son nom ce qui démontrer leur intérêt vrai pour ses textes.

L’ours mal léché, recroquevillé très longtemps dans la tanière des gens peu sûrs d’eux, passe sa grogne, sa hargne ou sa répulsion d’un monde manquant de compassion grâce au miel de ses compositions. Ces dernières coulent et envahissent rapidement l’esprit au point de ne plus le quitter. Des phrases reviennent sans cesse et nous adorons « nous faire petit devant une poupée » ou embarquer sur « ce qui n’était pas le radeau de la Méduse » . Sa force repose sur justement cette capacité donnée aux auditeurs de se positionner au centre d’une histoire déclinée en couplets répétant le message à retenir. Tout est ordinaire chez Brassens, la voix, les mots, les accords mais tout devient exceptionnel quand ces réalités se mettent en synergie.

Dans près de 200 chansons il a recherché une alchimie à la fois sophistiquée et d’une apparente naïveté. Le résultat mériterait une reconnaissance plus large que celle qui lui est réservée. «Je vivais à l’écart de la place publique, serein, contemplatif, ténébreux, bucolique… Refusant d’acquitter la rançon de la gloire (…) » : sans les tambours de la facilité de la valorisation médiatique et sans les trompettes de la renommée, l’enfant de Sète va imposer sa patte sur une chanson sinistrée par la vague yéyé. Il tiendra bon et ne renoncera jamais à rester lui-même. Ce fut sa force !

Elle est donc à toi, cette chronique, toi le Sétois, qui sans façons a réchauffé mon cœur d’adolescent puis d’homme quand dans ma vie la médiocrité me faisait froid. Tu fus mon compagnon rassurant par ton goût le liberté d’être, d’agir, de penser et stimulant pour ton audace. J’ai toujours eu le sentiment profond d’être à tes cotés et que « des bateaux j’en (avais) pris beaucoup, mais le seul qui ait tenu le coup, qui n’ait jamais viré de bord (…) naviguait en père peinard sur la grand-mare des canards, et s’appelait les « Copains d’abord »

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La religion dans le sport : une liaison très dangereuse

Dans l’un de ces ouvrages contant sa jeunesse, Jean-Paul Pometan, qui fut un redoutable milieu de terrain de Le Taillan, ancien professeur à la faculté de médecine de Bordeaux, décrit la rivalité entre le curé et l’instituteur dans le village d’Aillas. Farouche laïque mais passionné de sport l’instit’ en cause n’était autre que son père… qui appartenait à cette génération des éducateurs sportifs exceptionnellement passionné.

Joueur, entraîneur, dirigeant, président Jean Pometan sorte de Don Quichotte des valeurs républicaines décidait de l’heure des entraînements du club de football d(Aillas en Sud Gironde que quand le prêtre avait le jeudi après-midi fixé les heures du catéchisme. Les gamins avaient le choix entre l’enseignement religieux et leur sport favori. Cruel dilemme !Jean-Paul rappelle que son père avait pris le contrôle du « patronage » en imposant une stricte laïcité. Il laissa un club de haut niveau en partant pour Le Taillan où il devint un Maire emblématique.

La guerre des patronages a longtemps animé les villages. Celle décrite par Jean-Paul n’a plus aucune existence. Elle correspondait à la volonté pour les uns de faire entrer la religion dans la pratique sportive et pour les autres de combattre cette influence. Les « patros » ont disparu totalement, les amicales laïques ont été dissoutes car soit-disant « dépassées » et manquant de militants convaincus. Les clubs sportifs ont été progressivement colonisés par les prosélytes religieux. L’islamisme dans le monde du football est infiniment plus développé que dans les autres secteurs de la vie sociale. Motus et bouche cousue puisque la fédération ne vit que grâce à un nombre de licencié.e.s et ne va pas être très regardante sur le respect des valeurs républicaines.

Médéric Chapitaux ancien gendarme devenu sociologue vient de sortir un livre « Quand l’islamisme pénètre le sport » (1) qui traite du sujet et constitue un brûlot dont la FFF évitera de s’emparer. Actuellement selon l’enquête de ce chercheur 127 associations sportives sont identifiées par les autorités comme ayant une relation avec une mouvance séparatiste. Le football et les sports de combat sont particulièrement touchés par le phénomène. Il chiffre à 11 000 enfants, adolescents ou jeunes adultes qui « s’entraînent dans un environnement séparatiste ».

Sur l’espace ou dans des locaux publics les signes ou les pratiques ostentatoires d’une religion deviennent monnaie courante sans que personne ne réagisse. Ce seront « des gens qui vont être dans le communautarisme. On ne se regroupe qu’entre coreligionnaires dans un club de sport, les autres n’ont pas le droit d’y venir. On bascule dans le séparatisme. Enfin, la radicalisation. » explique l’auteur du livre.  On en arrive à des demandes surréalistes de certains clubs : mise à disposition d’une salle de prières avant les matchs ou parfois des rassemblements de ce type dans les vestiaires.

Ces pratiques s’intensifient. Comme l’obligation de laïcité ne figure pas obligatoirement dans les statuts des clubs et qu’il n’existe aucun texte de référence, il n’y a plus de digues. Le prosélytisme se développe chaque saison davantage. Les « éducateurs » autorisent ou incitent à ces gestes revendicatifs. Il est vrai que sur les stades professionnels rien n’est fait en France (ailleurs ça paraît impossible) pour que les textes sur la place des signes religieux dans les stades soit réduite et qu’ils soient finalement interdits.

On ne voit pas un arbitre mettre un carton jaune à un joueur pour une signe de croix et même parfois plusieurs en sortant ou en entrant sur la pelouse. Pas plus que l’on sanctionne une invocation d’Allah avant le début ou à la fin d’une rencontre. La sphère privée intervient dans la pratique sportive de manière visible et donc condamnable. Les instances du football sanctionnent les fumigènes, les pétards, les banderoles soutenant les Palestiniens mais pas la pratique religieuse.  Médéric Chapitaux réclame « que la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostentatoires dans l’Éducation nationale soit élargie au domaine du sport. ‘Ça permettrait aux dirigeants des clubs de sport d’avoir une base légale sur laquelle s’appuyer’ »

L’absence de culture laïque dans le milieu du sport en général et l’indulgence des fédérations ouvrent des perspectives intéressantes car le sport est un extraordinaire espace de socialisation. « Il a parfois des déviances. On l’a vu avec les violences sexuelles, on le voit avec le dopage et là, on le voit avec l’entrisme islamiste. » Tous les clubs devrait signer une charte en ce sens et les délégués des matchs pourraient en contrôler l’application. Trop simple pour être mis en œuvre.

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