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Le Caillou est toujours dans la chaussure présidentielle

Quelqu’un peut-il m’expliquer en quoi l’aller-retour de l’avion présidentiel entre Paris et Nouméa était indispensable ? Lorsque le Président remettra les pieds sur le sol de la métropole quelle aura été la plus-value politique de ce déplacement effectué dans la hâte et avec une solennité aberrante ? Bien entendu le Président express a bombé le torse pour répéter qu’il s’agissait avant tout de rétablir « l’ordre républicain ». « Nous allons reprendre chaque quartier, chaque rond-point, chaque barrage », a-t-il annoncé dans une déclaration faite après qu’il a rencontré séparément (c’est là que le bât blesse) représentants loyalistes et indépendantistes. 

« L’objectif, c’est le retour au calme, à l’ordre, dans les meilleurs délais ». Cet engagement n’a vraiment rien d’original dans le contexte où vivent les Néo-calédoniens. Le problème c’est que c’est plus facile à énoncer qu’à réaliser. Il a décrété la mobilisation des membres du GIGN et des unités du RAID, « car plusieurs quartiers sont tenus des émeutiers qui ont des techniques quasi insurrectionnelles qui ne permettent pas de rétablir l’ordre de manière classique ». Des hélicoptères ainsi que des blindés seront déployés dans les prochaines heures. Le témoignage que j’ai pu recueillir permet de penser que le plus dur est à venir tant le « tremblement de terre » a été dévastateur dans tous les domaines.

« Rien n’est vraiment réglé je pense m’écrit une habitante de Nouméa. Il a ré-affirmé que le projet de réforme du corps électoral est maintenu. Il a mis les deux camps face à face et il leur a refilé la patate chaude. » Elle m’envoyait ce message depuis la barricade dé défense de son lotissement qu’elle surveille lors d’un tour de garde chaque nuit. La peur des incendiaires restent forte. « Quand ils auront brûlé tout ce qui à leurs yeux symbolise la domination française ils s’attaqueront aux maisons. Les émeutiers continuent leurs blocages, et pour s’alimenter en voiture à brûler pour faire des barrages ils volent les voitures des gens qui circulent. » La peur s’est installée avec la défiance qui accentue les haines.

« Heureusement explique-t-elle que les renforts de police sont arrivés et sont intervenus. Ils ont empêché l’empoisonnement de l’eau de la ville, sécurisé l’aéroport, le dépôt de gaz et de carburant. Et maintenant ils permettent l’acheminement des produits alimentaires. Nous ne sommes pas en pénurie. Le problème c’est l’acheminement vers les magasins des produits. Les gens commencent à manquer de gaz pour la cuisine alors qu’il y en a de disponible. » Il faudra des centaines de membres des forces de l’ordre pour parvenir à sécuriser tous les acheminements essentiels aux quotidien. « On voit déjà que les petites gens s’organisent, s’entraident, se retroussent les manches et qui tentent de remettre un peu d’ordre dans ce chaos. En brousse, pas loin, il y a des légumes en grande quantité alors qu’en ville certains manquent de tout. » Pour le moment c’est la préoccupation majoritaire : assurer les besoins essentiels mais on est très loin. 

Le Président est reparti comme il était venu sans reconnaître que depuis des mois il a accumulé les erreurs et les provocations. En fait il s’est déplacé pour pas grand-chose. Pas de retrait du projet de réforme du corps électoral qui était attendu par les Indépendantistes, alors que ce texte est à l’origine de l’embrasement sur l’archipel mais il a fait un effort surhumain pour lui : ils s’est engagé à ne pas le « passer en force ». Conditionnant la fin de l’État d’urgence à la levée des barrages, il a aussi annoncé la mise place d’une « mission de médiation et de travail » pour remettre tous les acteurs politiques autour de la table, avec la promesse d’un État « impartial ». En fait il reconnaît par ces mots qu’il n’y a eu aucune concertation et que jusqu’à présent l’État a été « partial ».

Le Président a effectué ce long déplacement pour souhaiter que « nous nous donnions quelques semaines (…), afin de permettre l’apaisement, la reprise du dialogue en vue d’un accord global » et demander à « tous les responsables [d’]appeler à la levée des barrages et des points fixes dans les heures et jours qui viennent », en vue de mettre fin à l’état d’urgence. Presque 35 000 kilomètres aller-retour pour des déclarations qui ne règlent pas grand-chose et qu’il faudra évaluer dans… un mois. En attendant il souhaite « un accord global » dans les semaines et les prochains mois qui sera « soumis au vote des Calédoniens ». Quand ? Comment ? Pourquoi ? On verra ! 

Il était un peu plus de minuit à Nouméa. L’avion présidentiel a décollé. Mon interlocutrice toujours en surveillance sur le barrage termine notre échange par »bon la relève est arrivée. Je vais me coucher » Une nuit de plus dans le doute. Quel avenir pour le Caillou ? Nul ne le sait vraiment. Surtout après le passage de Speedy Macron qui a consenti à attendre un peu… pour être certain qu’il a toujours raison !

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Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

     » Nous allons reprendre chaque quartier, chaque rond-point, chaque barrage », » vous ne trouvez pas que cette déclaration a quelque chose de Netanyaésque ?
    Je trouve parfaitement impropre le terme de « loyalistes ». Loyalistes envers quoi, ou qui ? Certainement pas envers les Kanaks qui défendent leur propre territoire, contre des envahisseurs qui les exploitent, et pour certains les méprisent, comme tout bon « petit blanc » arrivant ou demeurant en terrain conquis par la violence.
    Cette attitude est propre aux occidentaux dans leurs exactions coloniales, bien que ce soit peut être maintenant moins marqué chez les britanniques, qui ont su lâcher du lest parfois dans les « dominions britanniques , dont certains d’ailleurs tentent avec succès de s’affranchir de la tutelle post coloniale. Il n’en reste pas moins que les aborigènes d’Australie par exemple, (aborigène = originaire du pays où il vit) n’ont pas les mêmes droits que les « importés ».

  2. facon jf

    Bonjour,
    Le Méprisant a pratiqué comme à son habitude le moi-nologue qu’il qualifie abusivement de dialogue , 3 petits tours et puis s’en va discuter avec les grands mamamouchis Teutons. C’est quand même un grand geste de bonne volonté de sa part de causer avec des gueux dont une partie parle avec un curieux accent.
    La déception est à la mesure de l’enjeu, en fait beaucoup de CO2 pour rien.
    Et maintenant ? Voyons froidement les forces en présence dans cette Île de 271 000 habitants en 2019, dont 111 000 Kanaks (41,2% de la population) et 65 000 européens (24,1%) .
    La Nouvelle Calédonie est un archipel de 18 575 km² (15 hab au Km2) qui comporte 3 régions administratives établies en 1988. La population en plus des Kanaks installés depuis 3 000 ans et des Caldoches (blancs arrivés à partir de 1853 comme colons ou comme bagnards), compte aussi des métis 30 700 (11,3 % de la population), des habitants de Wallis et Futuna 20 000 (8,3%) qui ne sont plus que 11 000 sur les îles d’origine, 7 000 asiatiques (indonésiens, vietnamiens…), 5 300 tahitiens et des personnes originaires du reste du pacifique. Nouvelle-Calédonie — Wikipédia . Voila pour les habitants la réalité des chiffres. Voyons maintenant l’occupation du territoire. Concrètement, la population est très inégalement répartie entre les 3 régions : les îles loyautés comptent 18 300 habitants (96 % de kanaks et 2 % d’européens), la province nord 49 900 habitants (73,8 % de kanaks et 12,7 % d’européens), la province sud 203 000 habitants (35,9 % d’européens et 26,7 % de kanaks). La province sud est donc la plus peuplée surtout du fait de la présence de Nouméa, la capitale. Cette dernière avec 4 communes forme le Grand Nouméa qui compte 182 000 habitants (les deux-tiers de la population de l’île). Le Grand Nouméa compte au moins 60 000 européens qui sont donc peu nombreux dans le reste de l’île y compris le reste de la province sud. Les insurgés aujourd’hui sont surtout présents sur l’agglomération car en réalité les kanaks tiennent le reste de l’île. Face à 111 000 kanaks (dont 3 à 5 % d’insurgés) il faut déployer des forces importantes ( 3000 personnels de maintien de l’ordre = 1 membre des forces de l’ordre pour 40 kanaks ). Sur le papier ces effectifs pourraient être suffisants, sans intervention de pays étrangers et si la situation ne s’envenime pas. Mais le peuple kanak tenant la quasi totalité du pays à l’exception du Grand Nouméa qui certes représente les deux-tiers de la population mais seulement 10 % de la superficie de la Nouvelle Calédonie, il sera difficile d’empêcher les pillages, les barrages, les attaques si une solution politique n’est pas trouvée.
    La réaction des européens qui s’organisent pour protéger leurs quartiers (garde, rondes, et propres barrages) est à souligner, mais elle ne peut être une solution au long terme à partir du moment où il ne leur est pas possible de tenir le reste de l’île. S’ajoute à cela la dimension économique et les difficultés pour approvisionner et sécuriser en permanence les activités indispensables.
    Courage la situation est grave mais pas désespérée; avec un grand timonier comme notre méprisant la décolonisation est à portée de main … ou pas ! L’avenir des 65 000 continentaux sur le caillou est dans la balance, mais de ça le Méprisant s’en moque ce qui compte c’est la présence des occidentaux au service de l’empire face aux méchants Chinois.
    Bonne journée

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