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Nouvel échec d’une méthode politique récurrente

La violence dans n’importe quel pays se calque sur l’impuissance politique du pouvoir en place. L’incapacité d’un gouvernement à répondre aux préoccupations essentielles que sont la santé, l’éducation, la sécurité et la justice sociale provoque tôt ou trad des débordements incontrôlables. Bien évidemment les émeutes, le saccage des équipements publics ou privés ne sont pas justifiables car ils punissent les populations les plus défavorisées et pas celles qui ont toujours accès par l’argent au monde de la consommation. Le système libéral craque de partout ébranlé par des crises d’épilepsie d’un monde englué dans ses contradictions.

Quand il n’y a plus de réponses politiques, les groupes extrémistes prospèrent et une partie de la jeunesse se tournent vers des solutions violentes. En vingt-quatre heures ce constat a été celui qui résulte des événements de Nouvelle Calédonie. La seule réponse a été « le rétablissement de l’ordre » et donc l’envoi massif de forces susceptibles de le ramener. Les avions se succèdent et les promesses logiques de reprise du contrôle sur le territoire d’outre-mer s’enchaînent. Des centaines de policiers ou de gendarmes ont été immédiatement mobilisées pour partir vers le « caillou » brûlant. C’est on la vite compris, le plus facile.

En revanche quand le Président a cherché à mettre sur pied une réunion d’écoute et d’échange (on n’en est pas encore au dialogue) l’échec a été cuisant. La réalité de l’impuissance du pouvoir en place à rassembler les partis en présence a éclaté au grand jour. Les « indépendantistes » ont refusé de rencontrer les « loyalistes » mettant à bas en quelques heures ce que celui qui se pense tout-puissant avait élaboré. La piste du règlement politique s’éloigne. La méthode a déjà capoté. La trahison est consommée. 

D’ailleurs selon des témoignages que j’ai récupérés sur place « les émeutiers n’obéissent plus à personne » sauf à une poignée de personnes œuvrant à élargir la « plaie » entre les Mélanésiens et les « arrivés » plus ou moins récents. Il faudra des semaines pour que la confiance revienne et toutes les initiatives métropolitaines ne diminueront pas la colère d’une part de la jeunesse kanake. Rocard avait compris après la terrible épiosde d’Ouvéa qu’avant qu’il puisse intervenir il fallait retisser des liens sans intervention politique. Une analyse de la nature du conflit et des spécificités néo-calédoniennes il avait dépêché sur l’Île une mission de dialogue et il n’est intervenu personnellement que quand les membres de cette délégation avait chacun selon leurs moyens exploité les réseaux locaux. Le Président de la République pourtant déjà peu partageur à l’époque.

Le Premier Ministre avait mêlé les obédiences et spécialités pour correspondre au mieux au « Caillou ». Michel Rocard a listé à posteriori avec précision et anecdotes, les membres de cette mission, au journaliste de Télérama : « mon ami Jacques Stewart, alors président de la Fédération protestante de France » ; Roger Leray, ancien Grand Maître du Grand Orient de France, des loges qui « étaient le seul endroit où Européens et Kanak se rencontraient encore en Nouvelle- Calédonie » ; le Chanoine Paul Guiberteau, « avec qui j’avais négocié la paix scolaire dans l’enseignement catholique agricole quand j’étais ministre de l’Agriculture » ; Christian Blanc, « mon ancien chef de cabinet devenu préfet » car « il connaissait bien le pays » ; Pierre Steinmetz, ancien conseiller de Raymond Barre dans les DOM-TOM, « un deuxième fonctionnaire plutôt classé à droite », et Jean-Claude Périer, « un ancien juge avec une brillante fin de carrière de directeur général de la gendarmerie puis de conseiller d’État ».

Tout est dans la méthode : apaiser avant d’imposer, échanger avant de proposer ; travailler sur la diversité avant de trouver LA solution, ne rien imposer, ne pas convoquer, ne pas céder à la tentation de la violence répondant à la violence. D’origine protestante il savait que l’église réformée de Kanaky avait des pasteurs susceptibles de renouer le dialogue. Les Caldoches avaient eux-aussi leur intermédiaire catholique. Une sacrée différence avec les déclarations actuelles révélatrices de tous les échecs du pouvoir en place qui « convoque », fait semblant de concerter et qui ne tourne qu’autour du pouvoir personnel de l’occupant de l’Élysée. L’échec est cuisant.

La Chine, la Russie et son faux nez Azerbaïdjanais ont préparé depuis plusieurs mois cette éruption de violence. Il est inimaginable que les services spécialisés n’en aient pas été informés et n’en aient pas transmis les risques au gouvernement. Les jeunes émeutiers n’ont absolument rien à perdre compte-tenu de la situation sur l’île : prix prohibitifs des produits essentiels soumis à une inflation galopante (78 % plus chers qu’en métropole) ; le déclin inéluctable du nickel et du travail qui va avec ; l’acculturation grandissante ; la césure entre Nouméa et le reste du territoire et l’absence totale de perspectives d’avenir ! La Guadeloupe, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie : le mal gagne. Le détricotage des accords Rocard puis Jospin tombe au plus mauvais moment. Pire qu’une maladresse : une faute grave !

La photo du bandeau : la mission de 1988

Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    Des « Rocard », comme des « Mendès France », on n’en n’a plus, et quand on en a on ne sait pas toujours s’en servir.

    « … les groupes extrémistes prospèrent et une partie de la jeunesse se tourne vers des solutions violentes. »
    La colère est mauvaise conseillère, il ne faudrait pas lui donner des raisons de s’installer.
    Cette affaire semble partie comme bien d’autres, qui se sont terminées tragiquement, entre conquérants exploiteurs et oppresseurs, ne voulant pas lâcher un pouce de leur pouvoir et de leurs privilèges acquis plu ou moins honnêtement, et autochtones soumis par la force.

  2. Philippe LABANSAT

    Merci pour ces rappels précieux, Jean-Marie.
    C’est là que l’on mesure l’envergure d’homme d’État de Michel Rocard.
    Mais, pour notre malheur, les institutions de la V ème République barrent définitivement la route à ces personnalités politiques…

  3. facon jf

    Bonjour,
    35 années d’une paix précaire détruites en quelques mois par le Méprisant de la Ripoublique, en réponse à cela des émeutes opposant les habitants historiques et les « colons » arrivés depuis 1853 sur le caillou. La situation est dramatique sur cette île où il y a une arme à feu pour 2 habitants. Déjà plusieurs personnes sont décédées et rien n’est fait pour retrouver le chemin de la paix. Le Méprisant obéit aveuglément aux diktats de l’oncle Sam qui encourage la présence de son valet en région Indo-Pacifique pour contrer la pression Chinoise. Pendant 35 ans après les évènements d’Ouvéa, l’état a cherché la voie de l’autodétermination dans la décolonisation en se faisant facilitateur et garant du processus. Puis sous la pression « amicale » des lobbies politico-financiers les gouvernements succédant à E. Philippe ont choisi de forcer la main au destin en se comportant en colonialistes. Après un premier référendum en 2018 remporté à 56,7 % par le « non » à l’indépendance, puis un deuxième en 2020 toujours remporté par le « non » avec un score plus faible de 53,26 %, Macron a fait du troisième référendum une véritable mascarade. Après la constitution historique du premier gouvernement de Nouvelle-Calédonie majoritairement indépendantiste, Macron avait contre-attaqué en organisant la consultation de façon précipitée le 12 décembre 2021, alors que les mesures anti-covid rendait toute campagne sérieuse impossible et que de nombreuses familles kanakes frappées par l’épidémie étaient en deuil.

    Dans ces conditions, les organisations indépendantistes kanakes telles que l’UNI, le Parti travailliste et l’UC-FLNKS avaient appelé au boycott du scrutin. La participation avait alors chuté à 43,87 % (contre 81,01 % en 2018 et 85,69 % en 2020), retirant toute légitimité aux 96,50 % de « non » issus de la consultation. Cela n’avait pourtant pas empêché Macron de se féliciter de ce résultat et d’applaudir le maintien de la Kanaky dans le giron français.
    Avec ce troisième référendum se sont éteints les espoirs nés des accords de Nouméa, qui auront au bout du compte servi à l’État français à gagner du temps pour poursuivre la colonisation.
    Les diverses aides et exemptions d’impôts accordées aux fonctionnaires détachés en Nouvelle Calédonie ainsi que l’embauche préférentiel des métropolitains ont déséquilibré la proportion Kanaks / Caldoches qui se trouve maintenant minoritaire à 43% pour les premiers.
    Un évènement aggravant est apparu avec la crise du nickel, jetant au chômage les jeunes Kanaks.
    Comme à l’accoutumée, le clan de la Mac-Ronnie occupe le terrain médiatique en tentant des concertations vides de sens et d’objectifs et envoie l’armée pour faire face à la révolte. Le sang coule sur le caillou et pour se justifier le gouvernement diabolise (comme à son habitude) les organisations contestataires tout en s’appuyant sur l’extrême droite et la droite extrême pour faire accepter la répression.
    Mais que diraient les chefs des droites si demain les Français se voyaient imposer coutumes et religions imposées par des nouveaux arrivants plus nombreux que les Français ( de souche comme disent certains) ???
    Personne ne peut ni ne veut accepter d’être traité comme les indiens par les colons en Amérique, ou comme les aborigènes d’Australie par les colons Britanniques, personne ne l’accepterait!
    L’avenir de la Nouvelle Calédonie, si il doit se faire dans la paix, ne peut s’écrire que dans le compromis entre les deux populations.
    C’était la voie suivie par Rocard que Mac-Ronds a choisi délibérément d’abandonner « quoi qu’il en coûte ».
    Espérons que le bon sens va finir par l’emporter, ce sera préférable à un bain de sang… Mais ça !
    Bonne journée

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