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Putain que c’est dur de se pencher sur la réalité

Putain que c’est dur de tenir une chronique quotidienne dans la période actuelle. Pas une journée ne permet de se libérer par l’écriture. Un copain qui n’a pas sa « plume » dans sa poche m’a appelé ce matin pour me raconter un repas d’universitaires où il a été violemment attaqué  par l’un des participants car accusé, de par ses positions « libertaires » reposant sur des valeurs intangibles des hommes de progrès et de raison, d’être un…Insoumis.  Il a eu beau expliquer qu’il n’était absolument pas un défenseur de ce parti pas plus que d’un autre, son contradicteur a refusé de l’admettre quittant la table vexé.

Une illustration d’un monde qui pour certains, ressemble à ces meubles que les quincailliers utilisaient pour ranger les multiples gabarits de clous ou de pointes. Il faut absolument entrer dans une case pour ne pas être suspect. Le monde est devenu binaire, simpliste, sectaire. La liberté ne se comprend plus : elle se condamne!

Putain que c’est dur de sourure, de plaisanter. Pas un jour où l’humour est par exemple acceptable. Tout devient susceptible de déchaîner une tornade de bien-pensance ou un tsunami de critiques pour des interprétations de propos réputés hostiles à un groupe ou une catégorie sociale sur le qui-vive. Et d’ailleurs a-t-on envie vraiment de plaisanter quand la mort rode partout et que la violence s’impose dans une société de plus en plus extrémiste ?

Même le quart de finale de la Coupe du monde de rugby, un sport où le jeu aurait encore sa part, est annoncé s’inscrire dans cette tendance. Les augures prévoient un match marqué par une épreuve de force à la limite de l’acceptable. « Ave, Caesar, morituri te salutant » devrait remplacer les hymnes nationaux…

Oubliés les milliers de sinistrés du Maroc, d’Afghanistan écrasés par les conséquences de séismes ressemblant aux spasmes agitant une planète martyrisée. Oubliés les Ukrainiens et les Russes qui s’affrontent désormais dans l’indifférence médiatique. Partout la parole est donnée aux armes probablement munies de silencieux car on n’évoque plus les combats dans la région sahélienne, au Yémen, au Soudan, au Haut-Karabagh… Les migrants traversent ou se noient dans la Manche ou en Méditerranée sans que l’Europe tremble de peur à moins que ce ne soit de honte. Il vaut mieux rester discret car la moindre allusion à l’immigration suffit de déchaîner les chiens de garde qui veillent sur l’orthodoxie de leur pensée. Chut… fermez là !

Putain que c’est dur d’écrire sur l’assassinant d’un professeur de lettres par un fou fanatisé comme malheureusement chaque religion en produit depuis des siècles. Mon cœur saigne et j’écrirai comme je l’ai fait lors de l’assassinat de Samuel Paty avec les larmes de mes illusions perdues sur le pouvoir de l’éducation. Un drame individuel qui s’ajoute à un drame collectif ayant en commun l’horreur et l’inhumanité. Putain que c’est dur de relire ce que j’ai déclaré lors de la manifestation en sa mémoire  sur l’esplanade Mériadeck à Bordeaux quelques jours après sa disparition.

Des mots. Rien que des mots sincères mais qui se sont envolés dans l’air ambiantcomme des bulles inutiles. Je croyais dans leur pouvoir mais ils se sont fracassés une fois encore, sur les murs de la réalité. Les regrets ne sont jamais éternels. Les faits le sont de moins en moins. N’empêche qu’ils accompagnent trop souvent l’impuissance que l’on éprouve face à la sauvagerie humaine. Plus que jamais ça pensais-je.  Il me faut bien admettre selon la phrase célèbre de Tomas Hobbes que « l’homme est (et restera) un loup pour l’Homme ». Le phénomène enfle démesurément. IL tourne au carnage.

Putain que c’est dur d’écrire sans cesse sur les valeurs essentielles du vivre ensemble. Inutile de les évoquer puisque qu’elles n’ont plus aucun sens dans un système social où la réussite se mesure aux profits que l’on réalise. Qui se soucie de la fraternité? Qui soutient la solidarité? Qui défend la tolérance et qui admet que seule la laïcité nous sauvera d’affrontements inspirés par des croyances dévastatrices ? Des déphasés ? Des utopitses ? Des naïfs ? C’est mêle être illico classé dans la catégorie « ringard » que de défendre ce qui devient des urgences absolues pour éviter des « guerres » en tous genres. La pire insulte tombe : « ne fais pas ton instit’! »

Putain que c’est dur de se mettre devant son clavier pour vous confier que mon moral vacille en ce moment. Certes il arrive qu’un grain de sable puisse enrayer les machines les plus sophistiquées mais il n’a aucune chance de troubler l’avancée d’un rouleau compresseur aussi puissant que celui des idées qui empruntent le chemin de l’opinion dominante. Plus rien n’arrêtera la déliquescence d’un monde en proie à des démons qu’il ne maîtrise plus.

Les couteaux, les kalachnikovs, les roquettes, les drones, les missiles, les bombes plus ou moins fragmentées tuent les mots, les arguments, les explications et même désormais la raison. Un professeur de lettres a rejoint dans le monde des forces de l’esprit un professeur d’Histoire-géographie… Tout un symbole dramatique ! La fin des lumières et la plongeé dans l’obscurantisme. 

 

Cet article a 25 commentaires

  1. Gilbert Soulet

    Putain que tu as raison !
    Gilbert de Pertuis

  2. Lecomte

    Putain que c’est vrai!

  3. christian grené

    Putain, le mec que tu cites au début de ta chronique c’est moi. Léo Ferré m’appelait « graine d’ananar » et je porte ça comme d’autres la rosette à la boutonnière.

  4. Ernest Porras

    Putain que ce texte est lucide !

  5. Vitrac

    Oui très dur de vivre dans ce monde de violence ,où chacun à ses idées et ses opinions mais croit que c est par la violence que tout sera plus facile

  6. LAVIGNE Maria

    Je partage totalement ce billet et mon coeur saigne aussi. Il ne faut pas oublier les atrocités commises pendant la dernière guerre à Oradour sur Glane par des responsables que l’on disait civilisés, là et ailleurs. Si tout va mal, l’industrie de l’armement fonctionne à plein régime.
    A pleurer de rage …

    1. Laure Garralaga Lataste

      à mon amie Maria…
      C’est quoi des responsables,sables civilisés… ?
      ça existe… ! ! ! ! ! !

  7. Gilles Jeanneau

    Jean-Marie,
    Ton billet me fait instantanément pensé à » l’apprenti sorcier », ce morceau de musique de Paul Dukas que j’ai entendu pour la première fois au lycée; ça devait être en 5ème, en cours de musique…
    Ironie du sort en ce triste jour mais oeuvre o’ combien prémonitoire quand la barbarie des hommes finira de rendre cette planète inhabitable.
    Quelle misère
    Allez, bonne journée quand même

  8. Alain .e

    En accord total avec cet article qui résonne avec les paroles de Maria Pourchet
    https://www.facebook.com/watch/?v=3160228520939520
    Je rendrais à César ce qui appartint à Plaute , mais repris par plein d’ autres personnes dont Hobbes « Homo homini lupus est  »
    Cordialement .

  9. MOULINIER

    Voici un extrait du discours de Jo Salamero, Président de la fédération Nationale de la Libre Pensée, prononcé le 24 Mai 2003 ( 20 ans déjà!!).
    « Bien entendu nous ne ne manquerons pas d’évoquer cet après midi le problème des signes dits ostentatoires, à l’Ecole et dans le service public. D’autant que, depuis quelques jours et depuis le congrès de Dijon nous avons entendu quelques propos se voulant musclés, par de farouches défenseurs de la laïcité, hommes politiques qui ces dernières années ont constamment pactisés avec les églises et qui leur ont accordé de plus en plus de privilèges, notamment la Catholique, mais aussi ont entrepris l’organisation d’une instance représentative d’une religion: l’slam. Certes, la République garantit la liberté d’exercice des cultes, mais n’a pas pour mission de les organiser sous peine de tomber dans l’instauration d’un Etat Communautariste, ce qui est contraire à la République des citoyens. Pour la libre pensée les choses sont claires! Ni croix, ni kippa, ni foulard à l’Ecole et dans les services publics. »
    N’est pas M Mélenchon et M le Président qui avait assisté à la messe Papale.

    1. Laure Garralaga Lataste

      à mon ami Moulinier…
      Jo… que j’ai bien connu. Nous avions de bonnes raisons d’en vouloir à la catholique si peu catholique, avec ce qu’elle nous avait fait vivre en Espagne… !

  10. facon jf

    bonjour,
    Yahvé, Allah, Jésus, ils invoquent leur Dieu pour les aider dans leur combat pourtant atroce. Or, s’ils n’en sont pas empêchés c’est donc que Dieu consent et absout. Ainsi ils ne se voient pas comme des monstres mais comme des justes. (auteur inconnu).

    “Le bourreau porte généralement un masque : celui de la justice.”
    l’auteur est né dans une riche famille juive vienno-galicienne. Stanislaw Jerzy Lec, en 1941 est interné dans un camp de concentration, dont il réussit à s’évader, vêtu d’un uniforme allemand.
    “Dans la lutte des idées, ce sont les hommes qui périssent.” du même auteur.

    Avec une infinie tristesse; bonne journée quand même.

  11. Jouvet Fabienne

    Putain que c’est dur de rester ancrée sur des valeurs de liberté égalité fraternité, de refuser l’inacceptable…. juste dire NON haut et fort, car face à un enfant qui souffre, la seule urgence est de tout faire pourque cessecette souffrance, qu’importe sa religion, sa couleur, le penchant politique de ses parents….
    Le Hamas n’est pas la Palestine, et si je suis horrifiée de ce qui c’est passé en Israël je le suis tout autant de ce qui ce passe en Palestine, ce peuple prit d’un côté par le Hamas qui exerc une dictature, et Israël….. Privé d’eau, de vivre, d’électricité, d’essence, de medic médicaments…. Qui est sommé defuir, mais où? Et comment, ils fuient donc…. à pied, ou dans des carrioles d’un autre temps, vers l’Égypte sans savoir s’ils seront accueillis, sans savoir si une bombe ne les fauchera pas sur le route…. Je suis triste à pleurer…et je pleure.

    1. J.J.

      Et quand il reviendront, s’il y en a qui reviennent que trouveront-il ?
      Ruines et désespoir .

  12. J.J.

    Tu as trouvé le moyen, Jean Marie de nous réunir dans une même pensé, et par les temps qui courent, c’est fort !
    Mais y a-t-il eu un moment dans l’histoire du monde un moment où « tout allait bien ?
    Je me souviens d’un vieux voisin , après la fin de la guerre, quand la France avait l’air de commencer à se reconstruire qui nous disait :
    « Maintenant que la guerre est finie, ça ne me fait rien de de mourir, mais je voudrais bine voir la situation du pays et du monde s’arranger un peu ».
    Si son vœux avait été exaucé, il serait toujours vivant.

      1. J.J.

        Merci d’évoquer Julien Assange que l’on peut considérer comme un martyre de l’information pour avoir dévoilé des informations choquantes et de probables crimes de guerre (ses conditions de détention sont abjectes).
        « Le poète a dit la vérité
        Il doit être exécuté. »
        (La Vérité Guy Béart)

  13. Caron

    Il faut écrire l’espoir contre toute désespérance;Sisyphe nous a appris que nous ne devions pas aspirer au repos…des gens satisfaits d’eux mêmes et ignorants des autres. Du plus profond de la nuit viendra la lueur du jour prochain,et nous marcherons dans les décombres de la raison et de la trop humaine auto destruction:affronter le choc des certitudes,résister aux conformismes,surmonter l’intense fatigue du corps et de l’esprit. Il nous faut « parier » que la fraternité est fondatrice du sens qui peut éclairer ce chemin qui conduit au delà du chaos.
    Le massacre du 7 octobre en Israël résonne en un écho immense et douloureux à ce chemin que j’ai parcouru dans les ruines et le silence d’Oradour sur Glanes il y a quelques mois. Je porte encore en moi ce silence de l’inhumanité absolue que fut le massacre de 643 habitants du village,ce silence empli des cris des femmes et des enfants enfermés et brulés dans l’église,des hommes regroupés dans les granges et fusillés systématiquement.
    Ainsi des êtres humains sont ils capables d’actes absolument inhumains,en préparant,en organisant et en réalisant l’anéantissement systématique d’autres êtres humains. Mais ces crimes contre l’humanité et ces crimes de guerre appellent la résistance et, le moment venu,le procès et la justice. il en est de même pour l’assassinat d’un professeur.
    Me revient aussi le souvenir de la misère rencontrée à Madagascar,des enfants qui n’ont rien,ni pour manger ni pour apprendre et qui rencontrent quand même les initiatives de solidarité,d’éducation et de protection. L’homme veut être nourri et protégé,là est notre responsabilité. ET tôt chaque matin,j’ai vu les Malgaches marcher vers quelque chose à faire,au delà du dénuement ambiant.
    Je partage la question en l’assumant:qu’avons nous fait de la fraternité? À cela, je veux témoigner qu’il est possible de lutter contre la tentation du renoncement,partager les moments de doute et sauvegarder l’énergie disponible pour continuer d’écrire et de parler,et contribuer à reconstruire les conditions morales et politiques d’un nouveau rapport de forces inspiré de ce qui constitue le meilleur de l’humanité.
    Le temps des professeurs est ainsi fait d’exemplarité et d’exigence ,de raison et de transmission et de ce qui fait que l’éducation demeure possible.
    La violence est là,voulue et produite par des hommes ,des groupements,des idéologies;mais il nous faut continuer de parler,d’écrire,de témoigner,et d’agir de sorte que la solidarité -et la fraternité- redonne du sens à un monde en perte de repères et en pleine confusion des valeurs.

    1. J.J.

      …ce chemin que j’ai parcouru dans les ruines et le silence d’Oradour sur Glanes il y a quelques mois.
      Ce chemin je l’ai parcouru moi aussi, il y a bien longtemps, mais les souvenirs de cette énorme émotion que j’ai ressentie, je la ressens encore aussi forte aujourd’hui à l’évocation de cette sinistre déambulation.
      Et ce qui me fait encore plus de mal, c’est que nous européens, à l’occasion de guerres coloniales et autres actions de répression, avons commis de semblables forfaits dont les victimes, ou maintenant leurs descendants sont en droit de nous demander justice.
      Et je ne parle pas des USA où un pseudo colonialisme a été le prétexte à commettre des horreurs, ils en ont d’ailleurs gardé la tradition et veulent en imposer le modèle.
      Et que dire des abjects occupants du sol australien qui viennent de refuser aux Aborigènes, premiers habitants depuis 60 000 ans, l’égalité des droits ?

    2. facon jf

      @ Caron la même émotion nous étreint lorsque nous déambulons dans la maison des enfants d’Izieu. Les « enfants d’Izieu » désigne un groupe de 44 enfants juifs de différentes nationalités, réfugiés dans une maison transformée en colonie de vacances pendant la Seconde Guerre mondiale, sur le territoire de la commune française d’Izieu, dans le département de l’Ain. Ces enfants furent déportés à la suite d’une rafle de la Gestapo, le jeudi 6 avril 1944, et furent exterminés à Auschwitz, à l’exception des deux plus âgés qui sont déportés et assassinés à Tallinn, en Estonie. Six des adultes qui les encadraient subirent le même sort.
      En 2022 plus de 33 600 visiteurs sont venus se recueillir dans ce lieu de mémoire dont 52 % sont des groupes scolaires. Merci aux enseignants de cultiver la mémoire de nos jeunes. Enzo Bianchi, le prieur de la communauté œcuménique de Bose en Italie, a dit que « Dieu pardonne en oubliant, mais que l’homme pardonne en gardant la mémoire ».
      « Le temps des professeurs est ainsi fait d’exemplarité et d’exigence ,de raison et de transmission et de ce qui fait que l’éducation demeure possible.
      La violence est là,voulue et produite par des hommes ,des groupements,des idéologies;mais il nous faut continuer de parler,d’écrire,de témoigner,et d’agir de sorte que la solidarité -et la fraternité- redonne du sens à un monde en perte de repères et en pleine confusion des valeurs. »
      Puisse cette raison éclairer aussi nos politiques !
      En mai 2016, la Maison d’Izieu subit une baisse de ses subventions régionales de 17 % (soit 40 000 € en moins annuellement). Mais quelle mouche a piqué Laurent Wauquiez ? Quelle partie de son électorat visait-il à travers cette décision ?

      1. François

        Bonjour @facon jf !
        « Puisse cette raison éclairer aussi nos politiques ! »
        Voila le type même du vœux pieux car, convenons-en: nous, commentateurs (trices) et J-M, nous sommes les Don Quichotte de la « farce ».
        Plus proche de l’Actualité … bien que datant de 1981, remémorons nous ce petit sketch:
        https://youtu.be/9Xi30f3nzP4
        L’halali devient palpable.
        Amicalement

        1. François

          … euh… L’hallali: mon clavier a avalé un l ! !
          Avec mes excuses.

          1. Laure Garralaga Lataste

            à mon ami François…
            Faute avouée… est totalement pardonnée

    3. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami Michel…
      Quand tout est dit, et bien dit…

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