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Le nouveau roman noir de Lemaire

Un dimanche soir sur TF1, le principal responsable de la politique française va annoncer tout de go que le pays entre en période d’austérité. Enfin il le dit sans le dire tout en le disant. Mandaté par lui-même, histoire de rappeler que « le gamin de 34 ans » installé à Matignon ne pèse rien, il plonge le gouvernement dans une situation pouvant conduire à sa perte. Du sabotage ? Plutôt du sabordage. « Le Maire de Bercy » a aussi squeezé le « maître des horloges » qui va pouvoir remballer tous les milliards qu’il n’a cessé d’annoncer depuis quelques mois. Implicitement il officialise le fiasco absolu de l’obsession d’une croissance salvatrice pour la majorité des Françaises et des Français alors qu’elle est essentiellement profitable au monde libéral du profit.

Depuis de trop longues années (le vote de 2005 sur la concurrence libre et non faussée est un repère en la matière) le mythe voulant que le salut des peuples repose exclusivement sur l’accroissement illimité des résultats économiques a causé des ravages au sein des démocraties. Il a développé la dépendance du « politique » aux despotes des grands groupes internationaux et il a davantage instillé l’idée que le « politique » était impuissant pour réguler les lois du marché. Le sursauts ou les spasmes du monde qui paraissaient éloignés des choix gouvernementaux déferlent maintenaant sur la France qui se révèle incapable de l’endiguer.

Hier soir Le Maire a donc implicitement convenu que le quinquennat dérivait vers un désastre annoncé. Il s’est déplacé sur un plateau de télé et pas devant la représentation nationale ou devant ses collègues du gouvernement pour défalquer « dix milliards » d’une Loi des finances votée au forceps du 49-3 il y a seulement huit semaines. Un aveu terrible : le document n’était donc « ni sincère, ni véritable » et on comprend mieux pourquoi le débat devait être évité à tout prix. Il n’y aura pas d’ajustements comme le veut le fonctionnement démocratique par une loi rectificative mais par des décrets non soumis au vote. On continue à contourner la démocratie représentative. 

Un budget faux non voté par le Parlement; des rectifications qui en découlent non votées par le Parlement; un scénario catastrophe imposé par une annoncé télévisée; des choix de coupes dans les crédits relevant du seul choix de Bercy :  révélateur de la réalité du pouvoir en France. La stratégie ne sera débattue nulle part. L’obsession de la diminution des dépenses de solidarité (santé, aides sociales, services publics) ou des privatisations outrancières défaussant chaque jour un peu plus le « politique » de ses responsabilités (secteurs des transports, de l’énergie, de santé, de la sécurité) hante toujours les esprits libéraux. Il faut tuer les services publics car ils ne rapportent rien à l’Etat! 

En revanche jamais il n’est question d’améliorer les recettes par le relèvement des contributions des plus nantis à l’effort collectif puisque ce sont eux qui dirigent en fait la nation (possession des médias, constitution de lobbies surpuissants, main-mise sur le politique). Les ajustements annoncés permettront seulement de masquer une « faillite » potentielle et ne seront que des pansements stériles sur une jambe de bois. Le pire est à venir.

La croissance même ramenée à 1 % est illusoire. Les incertitudes planétaires sont telles que rien ne permet de penser que la France ne sera pas soumise à un tassement très prononcé de son économie. Toute la stratégie (et je l’ai écrit ici depuis quinze ans) du libéralisme exacerbé repose sur la politique de l’offre dans tous les domaines. Le transfert d’un imposition justifiée et équitable vers les taxes injustes et dissimulées sur toutes les formes de consommation montre ses limites car rien n’oblige les foyers qui ont peur de l’avenir ou qui n’ont pas les moyens d’acheter. Le problème s’aggrave.

Le fameux pouvoir d’achat s’érode chaque jour un peu plus. Les multinationales ou les grands groupes qui dominent directement ou indirectement le marché se moquent pas mal des rodomontades ministérielles. L’inflation ayant augmenté les prix,  les rentrées fiscales malgré une consommation en baisse, ont été stables voire meilleur durant quelques mois. Le vent a tourné et un pallier risque d’être atteint en 2024 détruisant les prévisions budgétaires et menant à un dette toujours plus élevée ainsi qu’à un déficit abyssal.

Bien entendu ce n’est pas de la faute du Grand Duc de Bercy. « C’est une croissance positive (NDLR : on en reparle en octobre prochain) , mais qui prend en compte le contexte géopolitique (sic) », comme la guerre en Ukraine, le conflit au Proche-Orient, le « ralentissement économique très marqué en Chine » et « une récession en 2023 en Allemagne » a-t-il expliqué. En fait nous sommes mal en point à cause des Russes, des Ukrainiens, des Chinois et…. des Allemands. Il manque Israël, les États-Unis, les Houtis ; les agriculteurs et les cheminots français. La liste s’allongera au fil des mois. En attendant Matignon a eu sa leçon et a découvert qu’il ne pouvvait plus rien promettre. Le chef est ailleurs. Une sacrée humiliation. 


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Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    Il a dit le monsieur que les impôts n’avaient pas augmenté, impôts directs, ceux qui se « voient » et qui sont calculés sur une base inversement proportionnelle aux revenus : « plus tu palpes, moins tu raques. »
    Au point de vue sémantique, c’est presque vrai, mais la contribution financière de chacun sous forme de taxes (ce n’est pas un « vrai impôt » parait-il mais l’effet sur le niveau des revenus est le même ), a considérablement augmenté du fait de l’inflation et n’a pas vraiment été une bonne nouvelle pour la santé du portefeuille de « Jojo » qui fait le plein tous les jours pour aller travailler.
    Question subsidiaires : quelqu’un a-t-il ajouté foi aux salades indigestes que Col Roulé Premier nous débitées hier soir ?

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