La déliquescence du système républicain, en cours en France et plus largement celle des démocraties représentatives de par le monde se poursuit jour après jour. Inexorablement les fondements des valeurs essentielles du « vivre ensemble », de « l’intérêt général », « du respect de l’Humain », « de la juste répartition des pouvoirs » s’estompent sans que les peuples réagissent vraiment. Au contraire ils s’installent dans l’exclusion, l’individualisme, le profit, les dictatures ouvertes ou déguisées. Ce mal progresse à la manière d’une tache d’huile sur l’océan après le naufrage d’un navire. Il semble que 2025 soit une année de basculement pour le passage définitif d’une société de l’implication citoyenne à l’indifférence consommatrice.
En fait depuis la Libération la France avait deux spécificités qui constituait son ADN républicaine : la laïcité et la vie associative inspirée de la Loi de 1901. Ces deux piliers que très peu de nations possèdent, s’effritent et ont bien du mal à soutenir l’édifice massacré par un monde politique égocentrique et englué dans ses stratégies électorales destinées à protéger l’avenir des postes que ses membres ont obtenus. Cette satanée élection présidentielle obnubile les esprits et à chaque instant éclipse le reste de l’action publique.
La laïcité battue en brèche par de multiples extrémistes religieux de manière directe ou beaucoup plus subrepticement devient un combat pour ses défenseurs. Le terrain de la bataille est celui de l’éducation. Faute d’avoir réagi à temps, les responsables politiques ont abandonné en rase campagne dans des établissements « sociétalement » et « socialement » complexes, les enseignants. Le racisme n’a plus de limite. L’antisémitisme se réveille. L’homophobie ne se cache plus. La volonté d’imposer des références religieuses au nom de la tradition culturelle augmente. Et des expressions prosélytes envahissent l’espace public. Les récentes déclarations du Pape en terre Corse prennent tout leur sens dans un tel contexte.
Depuis Ajaccio il a fait le choix délibéré de s’attaquer au principe laïque, caricaturé en arme antireligieuse, plutôt que de s’interroger quant à l’effet de ses positions concernant l’avortement, les femmes et les violences sexuelles sur la déchristianisation de la France (1). Plaidant en faveur d’une « saine laïcité », qui ne soit « ni statique ni figée, mais évolutive et dynamique », en bref souple « à la corse », le pape François a ainsi réitéré, sous une forme atténuée, la critique qu’il a déjà exprimée d’une laïcité française à la « coloration héritée des Lumières beaucoup trop forte » conduisant, selon lui, à présenter les religions « comme une sous-culture ». Les réactions ont été plus que discrètes médiatiquement. Il est vrai que le débat sur le « tri des morts » à Mayotte était plus mobilisateur !
La démocratie représentative relève du local au national sur des structures institutionnelles mises en grande difficulté par la crise des finances locales. Là encore les élus se sont laissés passer la corde au cou avec les réformes successives altérant leur autonomie de gestion. Ils ont eu des spasmes de révolte vite calmées par le fait que « gérer » une collectivité implique de ne pas faire de politique. Sur bien des territoires et de manière indiscutable le tissu associatif nourrit depuis des décennies la démocratie. S’il y a un peu plus de 36 000 communes il existerait dans le pays plus de 1,5 millions d’associations dans les domaines sportifs, culturels, environnementaux, des loisirs, de la solidarité et de la citoyenneté. Un patrimoine exceptionnel tributaire pour vivre de l’appui que lui apporte les communes, les intercommunalités, les départements, les régions et l’État.
Ce dernier en 2025 semble s’enliser dans une crise profonde. Même si par miracle un budget est voté il comportera des coupes sombres et durables dans les aides déjà faibles au mouvement associatif. Pour les autres soutiens ce sera certainement pire. La région Pays de Loire vient de sonner l’hallali avec 10 % de l’effort des économies programmées. Les départements mal en point ne pourront pas reconduire leurs aides à l’identique et ont décalé leurs budgets en mars 2025. Les mairies devront effectuer des choix douloureux. Il y aura l’an prochain bien des aigreurs et des déceptions chez les bénévoles. Le réseau se délitera à partir de cet exercice.
Si la France laisse mourir à petit feu les structures de la loi 1901 qui dans bien des situations comble les carences de l’action publique elle tourne le dos à l’action citoyenne. Partout où le partage associatif a disparu ont éclos le communautarisme, l’intolérance, les extrémismes, la désertification et le replis sur soi. Si j’avais encore une quelconque responsabilité sociale je lancerai d’urgence, avant que le tsunami des restrictions déferle des états généraux locaux, départementaux, régionaux et nationaux du monde tellement précieux du bénévolat. S’il y a un volontaire ?
(1) Le Monde du 16 décembre
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
« La région Pays de Loire vient de sonner l’hallali avec 10 % de l’effort des économies programmées. » La situation est la même en Allemagne et est l’objet de critiques de nombreux collectifs d’artistes.
Quant au pape, si j’ai l’occasion (peu probable ) de le rencontrer, je le prierai de s’occuper de ses bénitiers, et de nous ficher la paix (Pax Romana). De quoi je me mêle ? On ne va pas lui faire des remarques sur la façon dont il produit l’eau bénite.
La Laïcité(avec une majuscule svp) est une et indivisible, unique, inutile de l’affubler d’adjectifs plus ou moins fantaisistes qui ne peuvent que la dévaloriser et insinuer des concepts douteux.
Je m’associe au commentaire de JJ en complétant par la réflexion que m’inspire ta prose Jean-Marie.
Mon grand-père disait de temps en temps (ne riez pas) « C’est pas quand on a chié au lit qu’il faut serrer les fesses! »
Passé le moment de rigolade, c’est une maxime vachement juste pour beaucoup de situations et particulièrement celle de la politique actuelle.
Il est trop tard pour beaucoup de choses publiques et tout comme le déficit public, cela ne pourra s’arranger.
Désolé d’être si pessimiste mais comme je voudrais avoir tort…
Allez bonne journée quand même et bonnes fêtes de fin d’année à venir car il est urgent d’en jouir tant qu’il est encore temps!
Bonjour,
On estime à 1 370 000 le nombre d’associations actives en France (chiffres pour l’année 2020).
113 milliards d’euros, soit environ 3,3 % du PIB français en 2020 : tel est le budget cumulé des associations. L’année 2021 enregistre en revanche un rebond du budget, passant à près de 124 milliards d’euros.
Seules 10,5 % des associations ont eu recours à de l’emploi salarié, soit de l’ordre de 144 000 associations. Les associations employeuses concentrent à elles seules 92,5 % du budget cumulé du secteur associatif.
On comprend tout de suite que les lobbyistes sont très intéressés par un pactole pareil et tout ça passerait au nez et à la barbe des financiers. Sans « dec », cette anomalie doit cesser c’est sûr, vite vite il faut pousser l’Europe libérale à empêcher cette gabegie.
Le motif est tout trouvé, l’emploi ! il faut que tout cela passe au secteur marchand créateur (du ciel et de la terre) d’emplois.
Quand au pape, VRP de son dieu sur terre il peut investir dans une thérapie pour soigner sa croyance dans une entité qu’il dit être l’auteur de notre monde. En effet comment adorer une divinité qui a créé le ciel et la terre en 7 jours, l’a peuplé de créatures à son image, les a presque tous noyés parce qu’ils ne l’aimaient pas assez, puis qui a engrossé une de ses propres créature pour lui faire un bébé qui était lui même pour le faire tuer cruellement afin que les pratiquants de le « bonne » religion l’aiment. Sur ce trait d’humour un brin blasphématoire, je pleure de constater combien de pauvres créatures ont souffert dans une religion qui prône l’amour.
Bonne journée, vive l’humour noir et vive la liberté de conscience.
En outre, les associations utilisent les compétences de près de 22,5 millions de bénévoles actifs.