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Le bonheur collectif était vraiment sur le pré

C’était la 147° édition de la seule journée des courses de trot sur l’hippodrome désormais éphémère de La Réole. Elle restera dans les mémoires par une affluence exceptionnelle sous un soleil qui a royalement accueilli un public très hétérogène. Il était assez facile de mesurer l’énorme besoin d’une population murée dans l’angoisse, la poisse humide d’une météo peu reluisante et avide d’espace où la liberté se vit sans grand effort. Cette foule bigarrée mélangeant tous les niveaux sociaux et avide de se réchauffer le cœur et le corps avait quelque chose de réconfortant au moment où la France se déchire et confie ses espoirs au Retour Nationaliste.

La vingtaine de bénévoles très diversifiée et en grande part venue de tout l’entre-Deux-Mers observait avec satisfaction le succès de l’opération « hippodrome en fête » que lui avait octroyée la Fédération. Donner de son temps et de son énergie pour rassembler et surtout mener les gens à partager prend tout son sens quand la diversité accompagne le nombre de participants. J’avoue que de mon poste de « régulateur » financier de cette journée j’ai éprouvé une certaine nostalgie d’un époque où enfants, parents, grands-parents, professionnels, amateurs, spécialistes ou néophytes se regroupaient afin de construire des moments communs que l’on qualifie de populaires.

La période n’incite guère à la fête. C’est palpable quand on voit les convives potentiels regarder les tarifs de toutes les prestations proposées par le milieu associatif à but non lucratif. On choisit le sandwich plutôt que le plat du jour ou le menu complet. La barquette de frites contente les estomacs quand le portefeuille, même en début de mois. Comme toutes les animations pour les enfants étaient gratuites les familles avaient une vraie opportunité d’oublier le quotidien et toutes les polémiques ou les annonces fracassantes sur la parentalité. Le spectacle donné par le petit cirque « Prosper » a fait «  yop la boum » et le plein d’émotions inédites. Les maquilleuses ont tourné à plein régime, les poneys n’ont pas chômé. Les gamins n’avaient aucun écran, aucune vedette surfaite, aucune tentation autre que celle de trouver dans la simplicité des raisons de se réjouir.

« Qu’avez-vous de moins cher me glisse un vieux monsieur un eu gêné aux entournures. Le menu à 20 € c’est impossible. J’ai une misérable retraite d’agriculteur et je ne peux pas me payer ce que j’aimerai avoir. Une saucisse et des frites ? Vous me les faites à combien ? » Jamais je ne me suis retrouvé face à une telle situation. J’ai connu le jeune qui vide ses poches pour aligner quelques pièces destinées à convaincre son interlocuteur de lui donner un demi mais jamais un « retrait » tentant de négocier son déjeuner ! Les regards se tournent vers les affichettes. Les groupes familiaux comptabilisent le montant de leurs envies et le réduisent en mutualisant des plats. Inutile de discourir sur le pouvoir d’achat…

Que c’est beau la foule quand elle tente d’oublier le présent. Elle ne se prend pas au sérieux. Elle se contente de regarder l’avenir à travers deux ou trois euros misés sur un cheval dont les performances lui sont inconnues. Une table dressée au milieu de la route derrière la tribune copieusement garnie, trois couples âgées débattent, programme à la main des choix qu’ils feront dans la prochaine course. Pour ne pas que le voisinage profite de leur science du pronostic ils se sont isolés du lieu du repas où traîne un trio créonnais emmené par le tonitruant Pierrot. Les pronostiqueurs ne savent pas qu’ils auraient ou bénéficier des conseils d’un éminent spécialiste. Tout le monde cherche et trouve un « tuyau » qui ne se révélera percé ! Mais peu importe la joie de vivre envahit le pré.

Bénévole ? Je chope au passage des flèches acérées des éternels mécontents, des pique-assiette refusant de payer leur repas, des grincheux n’ayant pas payé leur entrée mais se montrant d’une terrible sévérité sur une participation de vingt centimes d’euros pour accéder à des toilettes propres et surveillées. Je ne sais pas mais je dois avoir une tête d’élu local… responsable partout et tout le temps des dysfonctionnements relatifs de l’organisation. Le bénévolat agace les plus sûrs de leur pouvoir ! Un autre signe de cette période où tout serait dû et où il est inutile d’expliquer que des contraintes existent pour des organisateurs devant assumer un budget !

Hier le bonheur était sur le pré toujours un peu humide de la tristesse du temps. Il n’y a pas que l’Hippodrome qui était en fête…. Et en tête. Un bien fou. Une bouffée d’air frais. Un retour sur tout ce qui a construit ce que je voulais être : œuvrer avec des personnes de tous les horizons, qu’il faut accepter telles qu’elles sont et pas telles que nous espérerions qu’elle soient, de bonne volonté, discrètes et efficaces au service du bien vivre ensemble sans se prendre au sérieux mais avec sincérité et pugnacité.

Cet article a 2 commentaires

  1. François

    Bonjour J-M !
    Ces rassemblements en plein air avec un soleil radieux comme un humain sortant de la douche ( l’étoile semble débarassée du gel douche pour l’instant mais …! ! !), ces fêtes remettent de la joie dans les retrouvailles annuelles. Dimanche dernier, moi, l’allochtone immergé dans la foire annuelle de Baraqueville (50000 personnes déambulant entre 600 stands bruyants, colorés et …odorants, en pleine ville ! ! !!), j’ai fait un plein de « rrrr » souriants sous des bérets portés par des « rugbymens » de tous âges qui avaient rangé leurs revendications agrrrricoles ! !
    Quant à toi, J-M, c’est aujourd’hui que tu vas apprécier la joie des bénévoles … dans le démontage de la fête réussie suivi d’une bonne entrecote ( Attention au rosé ! ). C’est votre journée de plaisirs !
    Amicalement.

  2. Pierre Lascourrèges

    Vous souhaitez avoir les bons tuyaux? Rejoignez le groupe des éminents spécialistes tous les matins au coin du comptoir du Bar Le Créonnais.

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