La mort d’un jeune dans des circonstances tragiques a déchaîné un nouveau spasme de violences urbaines qui emporte toutes les valeurs républicaines sur son passage. On parle beaucoup des causes factuelles des émeutes d’octobre 2005 qui avaient plongé de nombreux quartiers dans des situations dramatiques mais sur le fond la situation s’est aggravée. En fait comme le veut une habitude bien française plutôt que d’effectuer une analyse objective, sereine, proche de la réalité sociale, les structures nationales ont continué à empiler des plans, des mesures purement théoriques , des décisions strictement répressives sans aucun effet sur un contexte toujours aussi inquiétant.
Or en près de 20 ans si la puissance publique a effectué beaucoup d’efforts sur les investissements elle n’a pas pour autant changé fondamentalement la mixité d’affectation sur les HLM rénovées et a laissé encore prospérer ce sentiment d’abandon « socio-économico-éducatif » conduisant à une révolte identique à celle de 2005. Le mal est encore plus profond et une nouvelle génération encore plus violente a pris racine sur le terreau des échecs en tous genres.
D’abord les taux de chômage ne se sont pas améliorés quoi que l’on en dise dans certains quartiers. Loin s’en faut ! Il y a longtemps que le rêve des « zones franches » a fondu comme neige au soleil avec les avantages fiscaux qui devaient accompagner des embauches. Alors jamais l’économie parallèle sous toutes ses facettes n’a été aussi florissante, aussi dominatrice, aussi dangereuse pour la jeunesse. Certains appellent ça à juste titre des « trafics » alors que ce ne sont pour les auteurs, que des formes organisées et structurées de revenus permettant à des milliers de familles de vivre ou de survivre.
Des « réseaux » dans absolument tous le secteurs, ont créé de nouvelles hiérarchies économiques dont les effets sont pervers. Il faut y ajouter le besoin de passer d’une situation de dépendance sociale à une volonté redoutable de surpuissance liée au fric pour certains et à de fausses motivations religieuses pour d’autres. Le « crime », « le trafic », « le djihadisme » sont considérablement montés en puissance en 10 ans dans bien des territoires comme c’est le cas depuis plusieurs décennies aux Etats-Unis. La voiture surpuissante, le look, les attributs du pouvoir de l’argent facile, le sentiment d’impunité et le décalage avec ce que propose la vie « normale » constituent les ferments de la violence.
Se considérant comme marginalisés ou oubliés les habitants (et notamment les jeunes) émergent à leur manière d’un contexte dans lequel l’ascenseur social est en panne depuis très longtemps. Englués dans un ghetto, accablés par les échecs scolaires et professionnels ils veulent sortir par n’importe quel moyen des sables mouvants dans lesquels ils se trouvent quotidiennement.
J’ai exercé une partie de ma carrière il y a longtemps certes dans ce que l’on appelait alors les ZUP ou les quartiers difficiles (classes de transition et classes pratiques abandonnées dans une ancienne école élémentaire) et les élèves éprouvaient déjà ce sentiment d’exclusion. Il fallait des trésors de patience et de charisme pour arriver à en remettre certain(e)s en confiance sans pouvoir pour autant gommer les dégâts sociaux. J’imagine un instant ce que doit être la situation actuelle ! La pédagogie d’appropriation du savoir qui ne peut être le même partout prend alors toute son importance.
Deux décennies après les « émeutes » est montée en flèche une forme idéologique du libéralisme adapté au contexte des banlieues Avec pour seule devise : « Chacun pour soi, Dieu pour tous » qui transparaît dans tous les actes de la vie quotidienne. On ne croit plus dans les quartiers dans le collectif institutionnel qui a échoué ! Le communautarisme s’est par contre accentué. Il est devenu la référence synthétique de bien des comportements. Les associations type patronages laïques, conseils de parents d’élèves, clubs sportifs traversent des difficultés liés à l’absence de bénévoles militants et il a été remplacé par le prosélytisme religieux ou mafieux.
Il faut absolument sortir de la noirceur de l’échec par tous les moyens nécessaires et prendre son destin en mains dès le plus jeune âge en inventant soi-même les solutions qui permettront d’obtenir cette réussite que tout le reste du système vous refuse. Hors des modèles parentaux, hors des partis traditionnels, hors des cultures établies et subventionnées, hors du marché du travail classique, hors de tout encadrement, de toute autorité, on doit se construire un statut personnel ! La religion set justement à se donner cette idée d’exister, cette résistance à l’échec et elle occupe une place de plus en plus forte dans ces zones où pour exister il s’agit de montrer sa différence.
Une sorte d’individualisme intégral dans lequel la solidarité est réinventée sous des formes inédites ou dangereuses (clans, bandes, réseaux) sont en croissance constante. Les tenants de ces principes en arrivent donc aux pires extrémités pour exister ou pour défendre leur « statut » sur des bases malsaines mais inévitables. Les réseaux sociaux ont un effet démultiplicateur fulgurant qui n’existait pas antérieurement.
Les événements de 2005 ne paraissaient pas pouvoir se reproduire. Ils avaient été spontanés après le drame des jeunes électrocutés. Désormais il semble que dans la majorité des banlieues le système social soit souterrainement cadenassé puis activé par des réseaux ayant beaucoup progressé en 20 ans. L’absence d’espoir, la multiplication grandissante des actes racistes, les discours ambiants, le confusion entre « immigration » et « réfugiés », l’état d’esprit global de la société actuellement désastreux rendent toutes les politiques difficiles en une période où les moyens financiers manquent dans la proximité.
Encore une fois, une bonne part de l’avenir dépend des élus locaux appelés à la rescousse, de leur implication directe sur le terrain, de leur volonté de relancer une dynamique car les réponses de l’Etat en ordre dispersé et parfois contradictoires sont encore loin des enjeux réels. Ni le nombre de policiers, ni les éternelles revendications financières ne changeront la dure réalité d’une société fracturée, déboussolée et ne croyant dans le vivre ensemble.
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
À mon humble avis de complotiste diplômé, une des raisons de la déliquescence de la situation (loin d’être la seul, le tronc commun a beaucoup fait pour amener cette situation) est la faute commise par le porteur de talonnettes à la moralité au dessus de tout soupçon : la suppression de la police de proximité, qui sans être une panacée permettait des liens avec la population. Si ténus qu’ils fusent parfois, le contact n’était pas rompu.
« Ce n’est pas le rôle des policiers de jouer au foot avec les enfants des quartiers ».
On ne joue plus au foot, on échange tirs de mortiers contre grenades lacrymogènes à la lueur des voitures incendiées.
Si ça n’est pas du progrès social, ça ?
d’accord à 100%
Talonette a été le pire nuisible que nous ayons eu.
Ce n’est pas certain, le fossoyeur c’est le dernier!
@ à mon ami J.J.…
Comme aurai dit « feu » le général…
C’est la « chianlie »…… !
Et je crains qu’elle dure… !
Bien d’accord Jean-Marie !
Et si nous reparlions du Service National ? https://photos.google.com/share/AF1QipMmzfJWwZIXMFwxe8MzZeuvy1bN_JlPYFuJRL8zm9Yx2R_knSoWJNBt7yWmWGFPcA?key=UTFubjJ6VThhekpiMU5NaXJTNGp3dGtxcjVaUVdn
A+, Gilbert de Pertuis
C’est vrai qu’on ne rigolait pas toujours au service militaire, avec des officiers parfois méprisants, bêtes, ivrognes etc… (il y en avait aussi de braves) des adjudants de compagnie qui n’avaient pas inventé le fil à couper le beurre.
Mais ce que j’ai le plus apprécié, aussi bien comme « bleu « , que plus tard comme « ancien » (tout relatif ) bombardé chef de chambre, c’est la camaraderie, la prise de conscience de l’existence du voisin. De milieux et d’origines géographique et professionnelles très variées, nous avions à cœur de présenter notre métier et notre région d’origine, nous avions à cœur de découvrir aussi nos voisins, connaître « l’autre ». Amitié et respect, voilà les souvenirs que je garde de mes compagnons. Je ne pense pas que j’idéalise mes souvenirs, j’en ai aussi de pénibles.
Un très bon papier JM que je comprends être dicté par l’expérience et par l’impuissance d’un élu local à palier aux orientations délétères de dirigeants qui n’ont pas la moindre idée de la vie des banlieues délaissées. Déjà à Créteil, j’avais vécu l’incompréhension des populations face aux campagnes de rénovations des entrées d’immeubles. Il s’agissait de réponses « cosmétiques » à une difficulté de vivre dans les grands ensembles bien loin des aspirations des habitants ! Pourtant c’était avant les conséquences désastreuse de la triade Sarkosy-Hollande-Macron qui annulèrent de leurs actions le peu qui avait été fait dans un sens favorable à un vivre ensemble dans les cités. A raison ce qui vient immédiatement à l’esprit c’est bien sur l’arrêt de la police de proximité.
Nous avons la police que l’on mérite et pour avoir eu des amitiés avec certains flics (nul n’est parfait…) au fil des ans je n’ai pu que constater le poids de leurs hiérarchies dans leurs comportements. Un couple police-justice dysfonctionnel, une « droitisation » assumée dans une profession soit-disant gardienne de la République, l’évidence d’un racisme patent, la violence ordinaire exercée par des bacqueux tout puissant, autant d’ingrédients qui rompent un équilibre précaire en apportant de l’eau aux moulins des politiciens qui misent leur discours sur la sécurisation de la société.
A Sadirac, nous vivons semble-t-il bien à l’abri de ces turpitudes tout en constatant que la nuit dernière a été chaude dans la banlieue bordelaise proche. Je ne peux oublier le jour où très affaibli par une bronchite carabinée, j’arrivai dans la salle d’attente du cabinet médical où un cow-boy bacqueux (ce n’est pas le seul à résider dans mon entourage, la plupart d’entre eux étant plutôt discrets) exultait au téléphone à l’idée « de foutre sur la gueule des gilets jaunes ». J’en passe et des meilleures… Ces types sont la honte de leur profession pourtant il y a fort à parier que ces déviants sont les mieux notés !
Bonjour,
cette fois la cocotte minute lâche la pression et personne ne trouve le moyen de couper l’énergie à l’origine de la pression. Petit retour en arrière en mai 2018, Emmanuel Macron annonçait une série de mesures en faveur des quartiers difficiles. À l’époque, Jean-Louis Borloo, ancien ministre de la Ville, auréolé d’une solide réputation en banlieue, avait rendu un rapport issu de six mois de travail avec des élus locaux. Cet ambitieux projet, budgétisé à hauteur de 5 milliards d’euros, avait trouvé un consensus à peu près partout, sauf auprès du président de la République. Le 22 mai 2018, à la surprise générale, Emmanuel Macron rejette le plan lors d’un discours. « Ça n’aurait aucun sens que deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers s’échangent un rapport. Ça ne marche plus comme ça », argue alors le chef de l’Etat. Les « deux mâles blanc » sont dans la salle : Jean-Louis Borloo et Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement. Le malaise est palpable.
Le Mozart de l’économie a parlé ! Le rejet par Mac-ronds du plan Borloo, et plus encore les mots qu’il a utilisés, cette référence « aux mâles blancs », ne passent pas et ont marqué une rupture avec les maires de ces communes. La relation entre l’Etat, le président de la République et notamment les maires de banlieue reste très détériorée.
Le mépris coutumier du Méprisant de la ripoublique a frappé très fort ce jour là.
Le mépris est descendu dans les forces de l’ordre, jouissant d’une quasi impunité les éléments les plus radicaux se sont trouvés confortés dans une attitude intolérable pour une police dite républicaine.
L’enchaînement des évènements à encore conforté la dérive des forces de sécurité à preuve la répression sauvage envers les GJ. Tous les débordements ont été couverts par un pouvoir aux abois qui a peu à peu transformé le fer de lance de la répression en » milice » dévouée à la caste dirigeante.
L’ arrivée de la covid sur le territoire a encore amené un tour de vis supplémentaire dans la répression. Les règles habituelles de la démocratie ont été largement piétinées et le moyen pour faire appliquer ces décisions aussi changeantes que ridicules ce sont les policiers qui les ont encadrées avec zèle.
Les derniers épisodes de manifestations contre la réforme des retraites ont apporté leur lot de violences policières et de règles Ubuesques poursuivant les porteurs de casseroles.
Tout cela a conduit le pouvoir à utiliser la peur comme unique moyen assurant son maintien en place.
Aujourd’hui, la peur a changé de camp et le sinistre Dard-malin passe de mauvaises nuits en compagnie de son état-major… Après avoir encouragé à taper sur tout ce qui bouge, il est contraint de prôner la retenue à son corps défendant.
Si les banlieues se sont tenues » relativement » tranquilles depuis 2005, les choses ont brutalement changé les trafics en tout genres ont fini par tourner aux guerres de clans. Les armes de guerre sont dans nos rues entre les mains d’individus déterminés à défendre leur business si lucratif. L’exaspération des victimes collatérales de ces règlements de compte ont poussé la police a intervenir dans les zones de non-droit. Et ça c’est très mauvais pour les affaires! Les parrains des trafics ont tout intérêt à manipuler leurs troupes pour obtenir le gel des opérations de police. Et quoi de mieux que quelques nuits d’émeutes et de pillages pour dissuader pour un moment toute action policière. Qui investi dans les mortiers d’artifices? Qui les faits venir en fraude de l’étranger ? Qui fournit les 2 roues et les moyens de surveillance et de communication pour prévenir des mouvements de la police?
Nos merdias ignorants sont toujours aveuglés par les incendies de 2005, ils n’ont pas capté que cette fois c’est différent nous sommes dans une autre époque!!
Les incendiaires sont des deux cotés de la barricade, la police noyautée par la droite extrême et l’extrême droite, qui pense que seule la répression peut régler les problèmes. En face des racailles n’ayant comme boussole que le pognon facile et les actions les plus violentes pour l’obtenir.
L’incendie est en cours de progression, même les communes moyennes sont touchées. Des destructions par centaines de millions qui impactent durement les services publics police, justice, secours, transports en commun, éducation et culture. Ce sont les justifications même du consentement à l’impôt.
Pour revenir à 2018, le 03 octobre pour être précis cette phrase du ministre de l’intérieur démissionnaire «On vit côte à côte, je crains que demain on ne vive face à face, nous sommes en face de problèmes immenses».
L’incendie est allumé !! comment sortir du face à face prédit par Gérard Collomb ?
bonne journée
Bonsoir,
ce qui se passe actuellement en France est inacceptable. Vous expliquez très bien comment on en est arrivé là. Comment l’Etat va faire pour s’en sortir ?
moi comme beaucoup d’autres sommes angoissés de ces violences. je ne peux même pas me tourner vers la religion étant non croyante.
Alors cette nuit, demain ? deux mondes face à face qui vont se regarder en chiens de faïence. je voulais me rapprocher d’une cité et bien non, je reste à la campagne.
Espérons que tout se calme rapidement.