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Une gestion de la Sécurité sociale très défaillante

Pour bien des citoyens-consommateurs la sécurité sociale ne comprend que le volet de l’assurance maladie. Or depuis sa création e 4 octobre 1945, par le Gouvernement provisoire de la République sur ordonnance, sur la base des recommandations du Conseil National de la Résistance, elle est devenue multiformes. Concrétisée dessinée et effectivement mise en place par le ministre du Travail communiste Ambroise Croizat et le haut fonctionnaire Pierre Laroque, elle constitue une entité globale, unifiée, universelle gérée selon leurs souhaits par les travailleurs. La « Sécu » devient alors le fondement du système social public et de l’économie française contemporaine assise sur des cotisations sociales du monde du travail (salariés et entreprises). On a oublié depuis belle lurette les principes de base en travestissant pour les déconnecter de leur valeur initiale les « cotisations » pour les transformer en « charges » ou en « prélèvements » obligatoires au même niveau que les impôts.

En fait la Sécurité sociale comprend plusieurs branches générées de manière différentes mais regroupées sous le même étendard des « prestations » diverses et leur gestion a en effet totalement échappée aux « travailleurs et aux entrepreneurs »  par la mainmise de l’État soucieux dit-il d’éviter les déficits. On constate le résultat. Les cinq « branches » connaissent en effet des fortunes diverses. Elles ont pour fonction de couvrir pas la solidarité une « catégorie de risques » depuis bientôt 80 ans dans l’ignorance absolue des bénéficiaires qui ne voient que le côté « cotisations » sans les contreparties qu’elles procurent. 

Une solidarité « branchée »

La maladie, la maternité, l’invalidité et le décès constituent le premier « bloc »  dévolu à la Caisse nationale de l’assurance Maladie (CNAM). On trouve ensuite les « accidents du travail » et « les maladies professionnelles ». La plus médiatisée est actuellement celle qui traite de la « vieillesse » (retraite). La branche « famille » dont font parties le handicap et le logement a été confiée à la Caisse d’allocations familiales (CAF). Il y a aussi celle de l’ »autonomie ». Cette mosaïque a des modes de gestion et des situations financières différents tant pour leurs recettes que pour les modalités de leurs dépenses. Elles sont pourtant gérée nationalement en bloc commun sous l’égide du Parlement qui en fixe les conditions financières.

Depuis les ordonnances de 1967, le régime général de Sécurité sociale est en effet composé de quatre caisses nationales qui assurent le pilotage de leurs caisses locales et jouent le rôle de tête de réseau. Une entité nationale assure donc une gestion commune de toutes les facettes du régime général avec l’organisme de recouvrement des cotisations (URSSAF). On parle alors pour les citoyens (le mot bénéficiaires m’exaspère) d’« assuré social » dans la branche maladie, d’« allocataire » dans la branche famille, de « pensionné » dans la branche vieillesse, de « cotisant » dans la branche recouvrement. Quatre statuts différents avec des centaines de variantes (dont la MSA) dans laquelle se perd l’idée globale initiale

Malade de la dette

Ce « monstre » dont le budget dont les dépenses en 2025 sont fixées à plus de 666 milliards d’euros toutes branches confondues entre dans la tourmente en raison de situations décidées politiquement qui l’affecte sur le fond et sur la forme. Il affiche en effet un déficit prévisionne structurel et ponctuel compensé par… l’emprunt. Si les dépenses augmentent il n’en va pas de même pour les recettes qui elles stagnent ou baissent selon les secteurs concernés. Bien évidemment dans les prochains mois les coupables de l’accroissement de la dette seront « l’assuré social », « l’allocataire » ou les « pensionné » mais en aucune façon le gestionnaire qui ne contrôle plus rien. Les choix ultra-libéraux d’exonérations diverses et vite « avariées » des cotisations dans les trois secteurs essentiels, ont plombé les rentrées de cotisations. Tous les gens un tant soit peu lucides et impartiaux affirment que la fameuse numérisation et la gestion dite dématérialisée n’a en rien amélioré les contrôles et que les pertes cumulées augmentent.

Le travail dissimulé n’a jamais été aussi florissant puisque le personnel ayant la charge d’effectuer les vérifications n’existe quasiment plus. Tenez sur un chantier que je connais bien, les peintres sont dévoués puisqu’ils viennent travailler uniquement le… samedi et le dimanche ! Ils sont tranquilles enfermés dans le bâtiment en construction! Nier les fraudes des professionnels de santé relève aussi de la naïveté coupable. J’ai une fois écouté un chauffeur de taxi me raconter qu’il effectuait un jour par semaine un déplacement de Lille vers un grand hôpital parisien pour y conduire une patiente subir un traitement très spécialisé. Il s’y rendait et revenait aussitôt faisant rembourser l’aller et le retour. Il ne repartait pas le soir sur la capitale et confiait la change d’aller chercher le malade en fin de journée à un collègue qui a son tour facturait le même trajet aller-retour. 

Des recettes mal en point

Pour les allocataires les déclarations à distance bourrées parfois d’erreurs involontaires ou…. volontaires augmentent. Les justificatifs demandés sont scannés et donc facilement falsifiables avec parfois plusieurs demandes similaires à des adresses différentes ou différentes à la même adresse. Là encore les contrôles sont compliqués alors que simplement deux documents anciens pourraient être rétablis : l‘attestation de déclaration de domicile et le certificat de vie pouvant être délivrés en mairie ou à l’étranger dans les consulats après une mini-enquête. Le permis de louer est une contrainte pour le propriétaire. Quelles sont celles des locataires ? Aucune. L’abolition des arrêts de travail achetés par internet n’est pas envisagée. Le renforcement de la prévention est éludé car elle coûte trop cher. Le recouvrement des cotisations (un club de foot comme l’Olympique lyonnais n’a pas réglé l’URSSAF) est devenu aléatoire. Les dividendes ne sont pas redevables de cotisations pas plus que les robots, les distributeurs automatiques ou les automates divers. Et bien d’autres aspects des recettes pourraient s’ajouter à cette liste.

En attendant les magistrats de la Cour des comptes effectuent un constat : le déficit de la Sécurité sociale a atteint 15,3 milliards d’euros en 2024, soit près de 5 milliards de plus que les prévisions initiales de l’État. Il pourrait augmenter de 7 milliards d’euros en 2025, pour atteindre 22,1 milliards d’euros. Or la dette de la Sécurité sociale était jusqu’à maintenant prise en charge par la « Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) », qui fut excédentaire du temps de Jospin et qui maintenant a la possibilité d’emprunter à moyen et long terme, dans des conditions plus favorables qu’à court terme. Or c’est devenu impossible car cet organisme gouvernemental est arrivé au maximum de la dette qu’il peut prendre en charge.

Les déficits seront donc comblés par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), qui elle emprunte seulement à court terme à des taux plus élevés. Mais selon la Cour des comptes, l’Acoss ne peut pas s’endetter « indéfiniment », et si elle le fait, « la progression de cet endettement conduit à un risque de plus en plus sérieux de crise de liquidité ». Alors haro sur l’assuré social, l’allocataire ou le pensionné ! C’est parti ! 

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Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

    Voilà une situation qui arrange bien les partisans de la destruction des services sociaux. Si j’avais de mauvaises pensées, je dirais que les conditions de la disparition de ces organismes a été bien organisée, au moins depuis que l’état a fourré son nez dans la gestion et le contrôle de ces organismes.
    Comme la calomnie, expliquée par don Basile, ce projet néfaste a avancé à bas bruit, piano, piano, mais n’a trumpé que ceux qui l’on bien voulu. Mais les « porteurs de projet » n’ont pas perdu de vue leur objectif : la destruction des lois sociales décrétées après la Libération, sous l’influence de « trublions » venus saper la hiérarchie patronale. Un affront, d’autant plus inacceptable qu’il leur coûte cher (se priver d’un yacht à cause des cotisations sociales, quelle injustice !) !
    D’ailleurs l’hypothétique maître des cadrans solaires n’a pas caché son ambition de faire disparaître et oublier ces coupables institutions en créant un nouveau CNR (l’ubuesque comité national de la refondation). Misérable cache misère.
    La disparition des lois sociales, instituées par le « vrai » CNR, un projet que les membres du Medef et autres institutions scélérates n’ont jamais perdu de vue, aidés en cela par les « récupérateurs » et potentiels bénéficiaires de la privatisation du système en vigueur aux « States », qui leur permettra d’engranger de substantielles recettes, tout en augmentant si c’est possible, la précarité de certains citoyens.
    Retour sur l’actualité : j’ai remarqué hier dans les reportages au sujet de la manifestation à Paris des agriculteurs, pardon, des producteurs agricoles, la criante absence des forces prétendues de l’ordre. Celui ci justement n’ayant pas été troublé, vous en tirerez la morale qu’il vous plaira.

  2. Gilles Jeanneau

    Bravo Jean-Marie pour cet éclairante situation de la Sécu, le seul service public qui échappe à la législation européenne, mais pour combien de temps?
    Et je suis fier d’avoir appartenu à ce service public qui ne gère que quelques fonctionnaires (ceux des Caisses Nationales) alors que tous les autres agents sont toujours régis par la Convention collective des employés (sic) des organismes sociaux…
    La Sécu a depuis 67 été toujours en déficit avec à l’époque un débiteur chronique: l’Etat qui ne payait pas les cotisations de ses fonctionnaires!!!
    Et la CSG, la CRDS puis la CADES ne sont que des artifices qui ont permis d’instituer l’impôt sur des revenus non perçus (un prélèvement légalisé par une loi scélérate) mais qui n’ont pas résolu le problème.
    Alea jacta est et bonne journée quand même!

  3. facon jf

    Bonsoir,
    le convoi funèbre pour enterrer définitivement les conquis sociaux du CNR – le vrai pas celui du bouffon de Brigitte (l’ubuesque comité national de la refondation @JJ)- est programmé avant la fin de cette décennie. Dans l’indifférence générale la sécu est conduite aux soins palliatifs, sous la pression des merdias aux ordres de la ploutocratie. Avez-vous remarqué que les merdias ne s’alignent plus sur les politiques qu’ils soutiennent, mais à présent sur les intérêts de leurs propriétaires les milliardaires ploutocrates.
    « La sécurité sociale est la seule création de richesse sans capital. La seule qui ne va pas dans la poche des actionnaires mais est directement investie pour le bien-être de nos citoyens. Faire appel au budget des contribuables pour la financer serait subordonner l’efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières. Ce que nous refusons. »
    Ambroise Croizat
    Sous prétexte de réduire les cotisations pour augmenter le salaire net, la TVA dite sociale va les remplacer (défense de rire).
    Qui va y gagner ? Pas les salariés car les misérables % redistribués seront immédiatement répercutés sur les prix. Les employeurs eux vont y gagner en argumentant que les salaires ne peuvent être augmentés puisqu’il le seront par transfert du salaire indirect des cotisations.
    La TVA peut elle être sociale? Avec plus de 200 milliards d’euros de recettes, la TVA, est de loin le premier impôt national qui pèse le plus lourdement dans le budget des ménages pauvres et des classes moyennes que dans celui des ménages aisés. La propension à consommer diminue au profit de la capacité à épargner au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie des revenus.
    Le taux d’effort (soit la proportion de TVA payée par rapport au revenu) est de 12 % pour les 10 % les plus pauvres et seulement de 5 % pour les 10 % les plus riches. Elle pèse aussi sur les dépenses des administrations publiques et de nombreuses entreprises (du fait de la hausse des prix des biens et services importés notamment). La TVA est donc déjà, en soi, une contribution injuste socialement.
    La TVA (anti) sociale, c’est plus d’injustice fiscale
    La TVA (anti) sociale, c’est la baisse des recettes de la Sécurité sociale
    La TVA (anti) sociale, c’est une pression supplémentaire sur les travailleurs et travailleuses
    Il ne faut pas confondre augmentation du salaire net et augmentation des salaires. Avec la « TVA sociale » proposée par le méprisant et ses spadassins, la part des salaires dans la valeur ajoutée baisserait du fait de la baisse des cotisations sociales patronales, la hausse du salaire net due à la baisse des cotisations sociales salariales n’étant en réalité qu’un autofinancement de la part des salariés.
    L’instauration d’une TVA « sociale » compensée par la baisse des cotisations sociales n’est qu’une attaque de plus à l’encontre de la protection sociale. Il faudrait par ailleurs prouver que la compétitivité des entreprises françaises ne repose que sur les prix. L’opération pourrait être doublement négative : les exportations n’augmenteront pas nécessairement tandis que la hausse des prix pénalisera les biens et services produits en France.
    Ambroise Croizat avait bien analysé la situation en refusant le financement par l’impôt… Qui s’en souvient!
    Bonne soirée

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