L’Union Bordeaux Bègles a réussi patiemment mais méthodiquement à s’installer dans le paysage sportif et sociétal de Nouvelle Aquitaine. Un club construit chaque saison sur une base plus élevée que la précédente ce qui lui a permis de décrocher le premier titre européen de son histoire récente puisque vieille seulement de moins de vingt ans. Le résultat est mérité compte tenu du parcours réalisé depuis plusieurs mois dans cette compétition, dépasse le domaine du sport. L’UBB a en effet installé un état d’esprit autour d’un club marqué par son sérieux dans la gestion et le comportement général de ses troupes.
Bien que ne connaissant pas grand-chose aux arcanes réglementaires du rugby des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans le rues de Bordeaux pour fêter un événement « positif » ce qu’il ne leur était pas arrivé depuis des décennies dans le domaine du sport. L’UBB a d’abord réussi à créer un esprit club sur le principe de la tragédie (1) française classique se devant de respecter la règle des trois unités : de lieu, de temps, et d’action. Aussi bizarre que çela puisse paraître son succès repose aussi sur ce triptyque historique.
Pour l ‘unité de lieu, la décision prise de sanctuariser le stade Chaban-Delmas a été essentielle puisqu’elle a fourni quel que soit le match, un cadre idéal pour lier le public avec la « scène » où se déroule un spectacle prenant car à l’issue incertaine. Meilleur club européen pour le nombre de ses spectateurs l’Union, comme le scande joyeusement les travées, a récupéré un « théâtre » ayant connu la même ambiance lors des grandes soirées des Girondins du siècle dernier. Il revit et retrouve les repères de la fête : tolérance, dignité et partage.
Ce choix a été délibérément effectué par le Président Marty plus soucieux de protéger l’identité de l’UBB que de réaliser des audiences pléthoriques beaucoup moins solidaires et chaleureuses. Le transfert vers le Stade ex-Matmut revenait aussi bien plus cher (location, personnel, sécurité…) et laissait une excédent de recettes moins intéressant qu’au Parc Lescure. Le club bordelo-béglais avait déjà eu le handicap de quitter Musard et son « aristocratique » académie de vieux bougons censés conserver la tradition d’un rugby ne se pratiquant nulle part ailleurs que dans la ville des sécheurs de morues. Le public de Chaban fidélisé et rassurant se retrouve dans un sentiment particulier, celui d’avoir acquis la faveur d’être admis dans un « club » de privilégiés soutenant un club en pleine ascension. Oubliés les principes et les critiques : on y vient pour se retrouver sans vraiment tout connaitre des arcanes d’un sport aux règles complexes échappant parfois au commune des spectateurs regardant depuis les tribunes. Peu importe.
Unité de « temps » également pour ce club qui n’a pas varié dans ses objectifs au fil des ans : se construire. La nécessité de donner du temps au temps pour progresser saison après saison, en tirant les leçons de la précédente a été préservée. Là ou le football divague, balbutie, marche à reculons, coule et cherche des excuses l’UBB s’est construite sur la durée et dans la continuité quels que soient les aléas sportifs. Pas de faux coups d’éclats, pas de dérives financières débiles, pas de promesses irréalistes : le succès européen que jamais le club des Girondins n’a pu atteindre tombe au pire moment pour les Girondins. Le tribunal de commerce se décarcasse pour sauver les très rares meubles que possède le football. Ils ne reviendront à la surface que dans dix ou vingt ans. A Bayonne, Castres, Clermont, La Rochelle, Perpignan, Toulon, Vannes, il n’y a pas de concurrence entre les deux sports. Au fil des années le ballon rond s’est effacé. Il survit à Pau, Toulouse et Montpellier et marche sur le fil du rasoir à Lyon. Avec ce titre l’UBB prend une option sérieuse sur l’avenir.
Il reste l’unité « d’action » pour que la « tragédie » soit parfaite. Elle ne reposait que sur l’envie d’arborer une étoile sur un maillot. Les « metteurs en scène » et les « techniciens » ont parfaitement réuni des premiers rôles de talent avec de nombreux « acteurs » en devenir ou venus en renfort temporairement. Ils ont surtout su s’adapter à des scénarios parfois ratés pour susciter des réactions d’orgueil ou tout au moins de fierté de la part des plus en vue de leur effectif. Cet esprit de revanche traverse la représentation actuelle et a été adopté par les fans qui ont crié à l’injustice « morale » ce qui ont procuré des forces supplémentaires aux « victimes » de ce monde de la critique facile dans lequel David triomphe de Goliath.
Il reste à l’UBB de continuer à tirer bénéfice de cette trilogie des principes. Ne pas céder aux pressions qui voudront l’envoyer dans un l’autre « lieu » qui serait ce stade à la dérive où il perdrait son âme. Ce sera moins facile qu’il n’y paraît puisqu’il se murmure que quatre représentations par saison seraient inscrites au programme de l’opération renouvellement. Pour le « temps » il faudra confirmer désormais à chaque représentation alors que la « première » n’a pas été aussi aisée que prévu. Il y aura des départs dans la troupe. Il y aura des défaillances et des désillusions. Il y aura des égos à gérer. La fin de la saison actuelle prend paradoxalement des allures de campagne dangereuse car elle révélera la profondeur de la motivation. En quelques semaines, la fin de la « tragédie » changera peut-être du tout au tout ! L’ »action » supposée identique (vaincre) sera plus compliquée et plus incertaine dans son dénouement. Ce matin tout recommence à zéro ! Ou presque. « Pourvu que ça dure » aurait commenté la mère de Napoléon !
(1) tragédie doit s’entendre au titre de spectacle vivant
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Bonjour Jean-Marie !
Surlignons une anecdote : plus de quarante mille supporters en liesse, maires et président en tête encadrés par des policiers sans casque ( l’IGS va sévir ! ! !!) , des centaines de tonnelets de bière évaporée et, à ma connaissance, pas de dégâts matériels, ni de couteau manipulé ! ! Certes, le ballon est ovale mais ça tourne rond dans les têtes !
Bravo les « Déménageurs » ! Vive Bègles … euh …Vive l’UBB ! !☺☺
You (!) are Champions ! ! !
Amicalement
Bonjour JEAN MARIE, j’ai regardé le match seule sur mon canapé, mais j’ ai apprécié le spectacle, l’ambiance, le respect et hier à leur retour quelle ambiance. FANTASTIQUE. Apparemment il n’y aurait pas eu de violence. Tant Mieux mais les infos nationales auraient du mettre la ville à l’honneur. c’est vrai que ce n’est pas le même public.