L’autoroute A69, entre Toulouse et Castres, a été « déclaré d’utilité publique en 2018 et bénéficie d’un large soutien local de la part des élus, des habitants et des acteurs économiques », a déclaré selon Le Monde le ministère des transports. « Cela soulève de nombreuses interrogations sur le bon déroulement des grands projets d’infrastructure en France », a souligné le ministre, ajoutant que « les procédures sont telles qu’aujourd’hui un projet ayant obtenu toutes les autorisations nécessaires, et même démarré les travaux, peut se retrouver remis en question à tout moment ». C’est la dure leçon de la décision pour le pouvoir politique prise par le tribunal administratif de Toulouse. Encore une fois le diagnostic paraît lucide mais comme le veut la tradition française il n’est suivi d’aucune interrogation sur le processus qui a conduit à la décision d’arrêter le chantier.
Le système d’une grande complexité en raison de l’empilage de procédures ce qui ne garantit pas le résultat final. D’un programme de logements sociaux à la construction d’une centrale nucléaire les difficultés sont les mêmes sur le fond. En fait nous sommes dans un semblant permanent de fausse concertation dans une société où la citoyenneté étant en perdition seuls celles et ceux qui sont hostiles se manifestent. Le réveil des indifférents ne s’effectue que quand ce qui était un projet se concrétise. Toutes les études, les réunions, les présentations sont oubliées voire méprisées. La notion d’enquête publique est dépassée.
Tous les efforts déployés par les promoteurs (souvent les élus) d’un équipement public ne servent pas à grand-chose si ce n’est à figurer dans le dossier à posteriori. La notion d’intérêt général qui a porté par exemple les constructions de collèges, de lycées, de routes, de bassins nautiques ou même d’hôpitaux ou de prisons n’a plus de sens tant elle est dépassée par des considérations égoïstes de minorités agissantes. En fait il n’arrive jamais que l’intérêt général soit la conjonction d’intérêts particuliers. La justice a désormais le pouvoir puisqu’elle tranche souvent très tard alors que des sommes folles ont été englouties pour éviter que le maître d’œuvre soit obligé de passer par la casse tribunal.
Dans son propos pour demander l’annulation totale de l’arrêté préfectoral la rapporteuse publique n’a trouvé aucune faille juridique majeures dans le dossier mais elle a mis à mal le fondement même de la décisions de construction de l’autoroute. « Le tribunal observe que le territoire ne présente ni un décrochage démographique, (…) ni un décrochage économique ». Et d’ajouter cette prise de position sans nuance : « L’A69 et l’élargissement de l’A680 n’ayant que des bénéfices de portée limitée, il n’y a pas de nécessité impérieuse à les réaliser, et les arguments présentés en faveur de ces projets ne justifient pas qu’il soit dérogé à l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. » En conclusion elle avait demandé le 18 février l’annulation de l’autorisation du chantier en raison de « l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur ». Il s’agit d’un camouflet cinglant pour le pouvoir ayant « décrété » cette construction.
Il faut donc repenser la procédure. Les élus doivent se poser la question de savoir si une consultation préalable de la population avant le lancement d’un projet d’envergure n’est pas nécessaire. La décision technocratique n’a plus sa place dans un contexte où l’on impose des aménagements (lignes LGV par exemple) sur des territoires dans lesquels les conséquences sont désastreuses. L’enquête publique sollicite l’avis quand tout est bouclé et que le seul recours est judiciaire. Il n’aborde jamais le fond mais seulement la forme. Les oppositions se cristallisent.
Modestement avant d’effectuer une révision du plan local d’urbanisme communal en 2010 j’avais mis en place un large questionnaire en 500 exemplaires sur les souhaits, les propositions, les oppositions que les habitants pouvaient formuler. Les résultats avaient été étonnants et très éloignés de la vision que je pouvais avoir de l’avenir de la commune. Des réunions citoyennes de présentation des résultats du questionnaire, le choix de priorités et le suivi des étapes de la procédure ont permis de dégager un consensus de celles et ceux qui s’intéressaient à l’élaboration de ce document. La concertation quoi qu’il en coûte à l’égo des élus doit avoir lieu avant la concrétisation du projet et pas quand tout est bouclé. Cette décision du Tribunal administratif de Toulouse met un coup de pied salutaire dans la fourmilière des certitudes technocratiques.
Autour de l’autoroute A69 il y a ceux qui crient légitimement victoire car ils ont été pro-actifs contre sa construction ; il y a ceux qui récupèrent leur engagement et arrivent en résistance ; il y a ceux qui condamnent… la justice sans se remettre en cause. Peut-être que d’autres chercheront à réformer une pyramide de faux-semblants éloignés de la réalité humaine et d’une vraie citoyenneté.
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Sans vraiment connaître le dossier, je trouve que ça fait beaucoup d’argent dépensé pour rien..
PS: qui va replanter les arbres abattus et avec quel argent ?
« La notion d’enquête publique est dépassée….
…Les élus doivent se poser la question de savoir si une consultation préalable de la population avant le lancement d’un projet d’envergure n’est pas nécessaire….
Encore faut il que les opinions exprimées par la « vox populi » soient respectées.
Il y a quelques années, la municipalité a présenté un projet de construction d’un « parking » souterrain » assorti et surmonté d’une « galerie marchande ». Un projet démesuré pour la ville, de surcroît, pour financer les travaux, la ville a cédé cet espace public pour un franc symbolique au promoteur.
La consultation, à laquelle j’ai participé a rejeté massivement le projet. Mais le commissaire enquêteur, ne faisant sans doute pas montre qu’une grande objectivité, et plutôt de mauvaise foi sur commande, ayant probablement reçu ordre et consigne de faire passer le projet coûte que coûte, a déclaré nuls une grande partie des avis défavorables, car à part les signatures, ils présentaient tous des similitudes trop grandes, sous entendu il s’agissait d’une sorte de « bourrage d’urne » par de vilains opposants.
Le projet a été mené à son terme, la ville a bradé un patrimoine immobilier important, elle ne peut plus faire d’aménagements l’espace étant privatisé, la gare routière n’existe plus, la plupart des commerces aux alentours ont fermé boutique. Bref, le « centre ville » n’existe plus, les arbres autour de la place ont été arrachés, remplacés par de hideux murs aveugles.
Et les transformations rendent le retour à l’état primitif irréversible.
Cette place où se tinrent jadis les foires, fêtes foraines, défilés militaires, fête des écoles, et toute sortes de manifestations a perdu son caractère de domaine public.
La galerie marchande, qui change fréquemment d’exploitant (ou exploiteur ? )ne tient encore que parce qu’un courageux libraire, quand la société « Chapitre » a fermé son enseigne, a ouvert une nouvelle librairie indépendante. Elle maintien une intenses activité littéraire qui heureusement a beaucoup de succès et sert de locomotive aux quelques commerces qui arrivent à subsister.
C’est bien une consultation populaire à condition que les dés ne soient pas pipés.