Depuis le début de l’année monte une sensation inquiétante de rupture des liens sociaux avec des défections nombreuses au sein de la mouvance associative et dans la présence aux manifestations publiques diverses. Ce comportement traduit à la fois une suite de la période des crises sanitaires après un rebond libératoire l’an passé et une morosité ambiante qui ne baisse pas, bien au contraire. La désillusion et la défiance envahit les esprits avec une bonne dose d’inquiétude sur l’avenir. L’envie de partager n’entre plus dans les préoccupations de l’opinion dominante.
Le repli sur la maison, des groupes réduits, des événements exceptionnels même coûteux ou correspondants à ses propres certitudes. Ces phénomènes se constatent dans la culture mais aussi dans le sport et encore plus dans la vie de proximité. La faiblesse du reste à pouvoir profiter de bons moments taxe toute proposition de concerts, de spectacle vivant, de repas collectif forcément top chère. Le fonctionnement en réseaux sur des thématiques très spécialisées prend de plus en plus d’importance.
L’opinion dominante n’accepte plus la différence. Elle cultive dans tous les domaines le communautarisme au sens large du terme. Cette attitude tue vraiment la création ou les initiatives qui tendent à ouvrir les esprits. Nous sommes entrés dans le monde des certitudes qu’il est indispensable de conforter. Surtout ne jamais se mettre en danger en acceptant le doute. Jour à près jour les esprits s’enlisent dans une société qui devrait être uniformisée et surtout tournée vers l’exclusion de tout ce qui gêne. Dès que ce n’est pas le cas la tentation de se retirer « sous sa tente » devient prégnante.
Le coût des déplacements et surtout le temps qu’ils représentent bloquent les sorties. Bien des parents ont ainsi réduit la participation de leurs enfants à des activités qui nécessitent un déplacement. Ils sont de plus en plus nombreux à consommer de l’associatif sans s’intéresser outre mesure au fonctionnement. Mieux ils se retirent parfois des instances dans lesquelles ils s’étaient engagés. La vague de démissions dans les « petits » conseils municipaux n’a jamais été aussi fortes et le soutien apporté aux organisations locales faiblit.
Le milieu économique devient de plus en pus réticent à financer des opérations collectives pour des motifs financiers mais en raison de l’absence de retours constatés. Le fameux « sponsoring » n’intéresse que les grandes sociétés qui écrasent de plus en plus le marché. Les clubs rament pour compenser la baisse des soutiens financiers publics qui se profile partout. Les structures culturelles auront bien du mal à passer l’année en cours. Il existe désormais là-aussi une concurrence entre les entités associatives avec le souci permanent de « se sauver » même si c’est au détriment des autres.
Chez les jeunes en dehors de ce qu’ils appellent des « fêtes » trop souvent alcoolisées voire pire, il n’y a que quelques réels investissements dans le fonctionnement de l’action solidaire sous toutes ses formes. Dans les établissements scolaires recroquevillés sur les instructions officielles le constat sur la participation des élèves n’est plus à la mode. Dans les facs certaines (certains est volontairement évité) étudiantes s’investissent néanmoins dans l’aide alimentaire d’urgence dont elles (ils aussi) sont bénéficiaires. L’esprit estudiantin partageux a lentement disparu et les élections universitaires démontrent que la fraternité et l’entraide sont des valeurs de moins en moins à la mode.
La société française ne se fracture pas. Elle se parcellise. Elle ressemble à une immense piscine avec ces boules en plastique dans lesquelles se jettent les enfants. En exploitant cette situation il est assez aisé d’obtenir la confiance de toutes celles et tous ceux qui ne rêvent que de se retrouver seuls au monde. En dressant les uns contre les autres, en déversant des heures et des heures de propagande sur des esprits captifs, en récupérant ce sentiment de déclassement ou cette aigreur de se retrouver à l’arrêt, les extrémistes qui sont de plus en plus nombreux ont réussi à « tuer » le vivre ensemble.
Inexorablement le tissu social tellement fragile en période de doute se déchire. Je le sens. Je le constate. Toutes les structures institutionnelles forcément secondaires (centres sociaux, lieux de partage, associations locales…) risquent avant l’été de se retrouver confrontées à de sérieux problèmes humains et financiers. Jamais l’exclusion n’a été aussi forte… Des sociologues démontrent qu’elle est le résultat d’un processus qui fragilise les individus et amène à des ruptures du lien social plus ou moins durables. Le chacun pour soi et la déchéance su collectif constitue pour moi une menace réelle qui me saute à la gueule tous les jours.
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Bonjour J-M !
Alors, on se réveille ? Pour constater un mal qui gangrène la société du petit peuple depuis au moins deux décennies et qui, je te l’accorde, s’amplifie depuis quatre ans !
Je vais me répéter mais, depuis longtemps, cela est comploté et organisé …. « pour notre bien » ! Le comble, c’est que, à l’insu de ton plein gré (comme tes collègues!), au travers de x réformes de l’Éducation Nationale, tu as participé à cette opération d’endormissement de l’Être Humain!
« Depuis le début de l’année monte une sensation inquiétante de rupture »« Jour à près jour les esprits s’enlisent » :J-M, tu réagis avec retard … comme le gouvernement ! Cela fait au moins quatre ans que les effets de la politique de l’Énarchie et consorts (Sc. Po., …) mise en route depuis 1955 avec l’Europe et un certain Jean Monet enflent inexorablement et nous mènent vers l’enlisement.
Comme je te l’ai déjà signalé ( 100 fois, sur le métier,….!), tu trouveras dans les divers interviews et conférences (youtube) de M. Brighelli (« un mauvais garçon »(dixit !) … agrégé de lettres !) et sa « Fabrique du crétin » les ingrédients de la recette pour parvenir à cette réussite que tu évoques aujourd’hui !
Fini l’ascenseur social : il y a encombrement dans les étages ! ! ! Avec nos petits moyens, à nous de parer les coups … en prenant l’escalier ! ! !
Oui ! C’est voulu !
Amicalement.
Pour avoir quelques chances d’être utile,il faut en effet NOMMER les choses.la mise à mal du lien social n’est sans doute pas un phénomène nouveau,mais la tendance au multi communautarisme de notre société est bien actuelle. C’est bien actuellement que la VULNÉRABILITÉ s’empare d’une part toujours plus importante de notre société:la pauvreté,l’isolement social et affectif,la discrimination,le handicap,la maladie sont autant de situations génératrices de marginalisation sociale et de réactions de survie passant par la recherche du bouc émissaire,du coupable providentiel,de la grande Cause de tous les maux de ce siècle. L’Europe,les immigrés,les énarques,les capitalistes,mon chef,mon voisin… et puis nous avons compris aussi que la société toute entière était en situation de vulnèrabilité au regard du changement climatique,du retour de la guerre près de chez nous et du risque nucléaire,et puis de ces maladies qui prospèrent en silence : comme la peste,on ne sait pas d’où elles viennent,ni comment y faire face,ni quand elles pourraient s’éloigner. Lorsque le tableau est sombre et que le mal est nommé,il nous reste à témoigner,à nous rassembler,à formuler une parole constructive sinon réparatrice;il nous reste à reconstituer des forces utiles au regard de nos valeurs si nous voulons continuer d’avoir des références de pensée et d’action. Certes,il y a ceux « qui ont toujours raison »,les nouveaux petits marquis,et ceux qui se sont arrêtés à une attitude cynique sur le champ politique. Pour autant,les centres sociaux,les associations ,les groupes d’étude,les initiatives solidaires font encore partie de notre environnement:au delà d’un certain nihilisme qui conduit aux extrêmes,il reste un peu de travail à faire dans tous ces lieux et opportunités où la solidarité et la fraternité ont un contenu humain,social,politique,affectif. Ne nous arrêtons à nos mauvaises rencontres,et prenons soin -quand même – de retisser le lien social un moment usé,déchiré,maltraité. La protection de l’enfance,le logement,la sécurité,l’alimentation,la propreté du quartier,les v idole ces intra familiales , sont autant de chantiers qui attendent les ouvriers:On embauche !
Rectification : les violences intra familliales…