Lorsque la crise déborde dans tous les secteurs de la vie sociale, la tentation de tous les pouvoirs c’est d’effectuer des annonces destinées à calmer les événements sans être certain que dans les faits elles auront une traduction concrète. Dans les constats effectués sur le malaise actuel de la filière agricole de proximité (pas celle des grandes exploitations de production intensives) figure celui de l’accès impossible aux marchés publics alimentant les restaurants scolaires de tous niveaux, ceux des entreprises ou des structures collectives, par les producteurs ou artisans locaux (boulanger notamment). Bien entendu le « y-a-qu’à », « faut-qu’on » fonctionne à plein régime mettant en cause l’absence de bonne volonté des… élus locaux ou des gestionnaires.
En fait une réforme en profondeur des approvisionnements alimentaires serait nécessaire car encore une fois, il y a un fort décalage entre le souhait gouvernemental et la réalité des pratiques contraintes auxquelles sont soumis les acheteurs institutionnels. La première difficulté vient du fait que la plupart des utilisateurs de produits agricoles sont regroupés en centrales d’achat de grande importance. Le principe des contraintes budgétaires conduit à rechercher des prix de gros sans trop regarder à la qualité et à la provenance. Par exemple l’EHPAD public de Créon se ravitaille essentiellement (sauf pour le pain) via le groupement d’achat du CHU de Bordeaux et doit jongler avec des approvisionnements permettant às es cuisiniers de réaliser des repas attractifs.
Ces pratiques sont les mêmes pour les collèges et les lycées avec une petite nuance encore plus compliquée : les départements et les régions qui financent les demi-pensions n’ont aucune autorité sur les personnels qui font… les menus et les acquisitions de denrées. Le personnel est fourni par leurs soins mais celles et ceux que l’on appelaient autrefois les « intendant.e.s » appartiennent à l’éducation nationale et n’ont aucun lien de subordination avec la collectivité territoriale. Eux-aussi joue la carte de la mutualisation des achats… et n’ont aucun rôle particulier dans le choix des producteurs. Dans les conseils d’administration où j’ai siégé j’ai entendu bien des critiques sur les tarifs mais très, très, rarement sur la provenance des denrées (1) !
Bien des communes ont par ailleurs délégué la fabrication des repas dans ce que furent les « cantines » à des entreprises privées en passant par une marché public dans lesquels ils mettent mille critères sur les matières premières sans pouvoir exercer le moindre contrôle sur leurs origines. Elles définissent par exemple des pourcentages globaux de bio mais en aucune manière imposent les lieux d’où viennent par exemple la viande, le lait ou les légumes. ils ne peuvent pas. On en arrive par exemple à ce que faute de denrées conformes au cahier des charges les menus soient modifiés avec par exemple des yaourts remplaçant d’autres parties du menu essentielles (œufs, poulet, bœuf, porc ou légumes).
Il a fallu finalement attendre la loi Egalim du 30 octobre 2018 pour fixer des objectifs contraignants, mais sans toucher au sacro-saint principe de la libre concurrence, le droit de l’Union européenne interdisant l’introduction d’une « préférence locale » dans les marchés publics. Il s’agissait à travers Egalim d’atteindre, avant le 1er janvier 2022, au moins 50% de produits durables et de qualité dont au moins 20% de produits bio. Cette disposition a été renforcée par la suite par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, imposant au 1er janvier 2024 un objectif de 60% de viandes et produits de la pêche de qualité et durables…
Seulement comme toujours ces deux lois n’indiquaient pas les moyens de parvenir à ces objectifs et ne prévoyaient aucune sanction. Résultat : le constat sur la mise en oeuvre de la loi Egalim, indique des progrès mais la marche est encore haute. La part des produits durables et de qualité atteint péniblement les 29% et le bio 13,1%. En revanche les achats de proximité sont quasiment nuls ! Il en effet légalement impossible de mettre une telle clause dans un marché public. En plus quelle entreprise des environs immédiats du collège de Créon par exemple est en mesure de fournir plus d’une centaine de douzaines d’oeufs bio ou cent kilos de carottes ? Aucune ! Inadaquation totale entre les BEsoins et les productions.
Les associations des élus demandent à l’État de la cohérence et de ne pas faire des annonces non réalisables. Ils remettent sur la table l’impossibilité pour les pouvoirs adjudicateurs « d’introduire dans les marchés publics un critère de proximité, pour recourir prioritairement à des producteurs locaux, aux filières courtes et, à défaut, à des productions qui participent au maintien de nos filières agricoles ». Ce qui conduit « à éloigner les producteurs des acheteurs, voire à importer des denrées alimentaires pourtant produites en France dans des conditions plus saines ».
Le second frein est selon elles, celui de « la carence de la décision publique », estiment-ils. « Aujourd’hui, les collectivités territoriales, départements et régions, financent la restauration scolaire, investissent dans les équipements et emploient les agents de cuisine », mais elles ne disposent « d’aucune autorité dans la décision d’achat des denrées alimentaires », déplorent-ils.
Elles proposent donc au Premier ministre « de mettre en cohérence l’exercice de la compétence et celui de l’autorité de la décision en confiant aux collectivités territoriales compétentes pour le service public de la restauration scolaire l’autorité hiérarchique sur les gestionnaires (l’Education nationale, ndlr) ». Des revendications de bon sens mais illégales pour l’instant.
En fait ce sont des vœux pieux car maintes fois refusés par les gouvernements précédents. Qui a voté le principe de la concurrence libre et non faussée du monde libéral dans le Traité européen de Lisbonne ? Toute modification du code des marchés publics français sera déférée devant les tribunaux européens avec de fortes chances d’être recalée… A déguster avec modération.
(1) Certaines communes ont contournéé le problème en créant des régies municipales alimentaires dont Mouans(Sarthou (06) est un brillant exemple.
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Où est-il le temps où chaque famille du village, dont les enfants nourris à la cantine, était priée de fournir des légumes de sa récolte : pommes de terre, carottes, poireaux, salades etc. pour au moins la soupe quotidienne(non diététique !).
Les tarifs de cantine, modiques, étaient calculés au plus juste. Les grosses dépenses concernaient surtout la viande. Œufs et lait achetés sur place, parfois il fallait discuter avec le percepteur de la régularité du paiement des achats mais généralement ça se passait bien.
Parfois de « généreux donateurs » (délégué cantonal, membre du conseil municipal ou simple citoyen) apportait une contribution volontaire et bienvenue en espèces ou en nature, Et quelques fois les « convives » avaient la satisfaction de consommer les quelques légumes produits dans le jardin scolaire …
J’imagine le tollé et l’avalanche de réprimandes si quelque inconscient comme moi avait l’imprudence d’emmener ses grands , armés de leur couteau de poche(arme dangereuse), récolter des pissenlits dans le pré voisin (qui n’était pas glyphosaté), un jour où la cantinière déplorait une pénurie de salade !
Mais comme je déclarais à l’instar de Jean Marie, il y a quelques jours, je suis un vieux machin etc. etc. etc.
Bonjour,
« Je ne vous apprendrai pas que la politique européenne est fondée sur le libre-échange, à l’intérieur, mais de plus en plus vis-à-vis de l’extérieur, avec des traités comme celui envisagé avec le Mercosur. La Commission européenne est-elle fondée en droit à adopter une résolution dite « From farm to fork », « de la ferme à la fourchette », qui aboutit à réduire la production agricole de 15% environ ? On conçoit que les paysans le contestent. C’est une décision proposée par la Commission qui, si elle a été ratifiée par le Conseil européen, est toujours adoptée selon la même formule du consensus mou : « Qui ne dit rien, consent ». Il y a un vrai problème de démocratie au niveau européen. »
Extrait de l’entretien de Chevènement le 28 février dernier titré «Les Français ont élu Emmanuel Macron comme président, pas Volodymyr Zelensky»
Ce que vous décrivez dans le billet du jour sur l’incapacité des autorités locales à décider de la provenance des produits découle directement des diktats de l ‘UE(rss). Ces diktats découlent eux de la volonté des fortunes mondiales qui corrompent la commission européenne non élue. Pour une fois je suis d’accord avec Chevènement « … Il y a un vrai problème de démocratie au niveau européen ».
Se réveillant brutalement du long sommeil hypnotique Mac-Ron-Rien Chevènement découvre stupéfait que notre pays est gouverné (soit disant gouverné) par une créature immature. Ce qui prouve qu’à 84 ans on peut avoir encore un peu de clairvoyance.
« Jean-Pierre CHEVÈNEMENT. – Cette position (envoi de troupes au sol en UK) participe d’une fuite en avant irresponsable et très inquiétante. Les Français ont élu Emmanuel Macron comme président de la République française ; ils n’ont pas élu Volodymyr Zelensky. Et ils n’attendent pas du président de la République française qu’il défende d’abord les intérêts de l’Ukraine ou de quelque autre pays que ce soit ; ils attendent qu’il défende les intérêts de la France. S’agissant de la paix et de la guerre, il faut que notre président se souvienne que la dissuasion ne peut être mise en œuvre que pour la défense des intérêts vitaux de la France. Or, disons-le clairement, les intérêts vitaux de la France ne se situent pas en Ukraine. »
Enfin quelqu’un qui affirme que nos politicards doivent agir pour défendre les intérêts vitaux de la France!Il était temps…
Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Ch de Gaulle
Bonne journée