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Le rendez-vous où il fallait surtout être vu

Roue Libre est bloqué par la panne Orange. Voici le texte qui aurait dû être publié :
Ce matin une blague reviendra forcément en mémoire de celles et ceux qui ont un brin d’humour. Celle du gars qui regarde la télé, reconnaissant au balcon du Vatican son voisin et posant la question : « C’est qui le gars à coté de Dédé ? – Le pape ! -Ah bon ! » Durant cette matinée une foultitude de gens va vouloir montrer sa dévotion à celui qui ne sera pas sur la photo. Il paraît même que lors de leur passage devant le cercueil spécial contenant le corps embaumé du défunt leur seule préoccupation a été de s’offrir un selfie ou de se faire photographier par les opérateurs officiels qui les accompagnent.
Sur plusieurs vidéos et photos de la foule, on voit en effet une forêt de bras tendus et de téléphones. Avant d’être interdits les clichés dans la basilique Saint-Pierre par des agents de sécurité certains touristes ont utilisé leur téléphone portable pour se prendre en selfie devant le cercueil ouvert. Beaucoup y sont parvenus et les ont postés illico comme des trophées sur les réseaux sociaux ou envoyé à leurs proches. La société actuelle dans toute sa splendeur.
Les obsèques du Chef de l’État du Vatican (puisque si les drapeaux sont en berne en France c’est la raison officielle) seront un spectacle bien réglé avec ses premiers rôles et ses mises en scène. Pour bien des participants l’essentiel ne sera pas le recueillement mais il faudra que l’on sache qu’ils étaient là. Le meilleur pour eux réside dans un plan de caméra complaisant qui les montrera en pleine prière, le regard humide perdu dans l’au-delà. Reines, rois, princes réputés de droit divin auront bien évidemment la vedette car ce sont eux qui font rêver le peuple attaché à ce type de cérémonies. A la limite on glissera un plan ou deux sur le recueillement du « Trumplaraspa » qui démontre chaque jour d’éminentes vertus de charité humaine et de respect des autres.
Dans les émissions de télévision les membres du public chercheront à se placer dans l’angle des caméras pour se forger une notoriété à bon marché. Le protocole sera adapté de telle manière que le réalisateur ait une belle brochette de m’as-tu-vu au premier rang. Dans toutes les cérémonies mondialisées il en est ainsi. Les commentateurs parleront peut-être davantage des absents que des présents pour se laisser aller à quelques exégèses géopolitiques. Passer inaperçu relève en effet de la faute professionnelle.
Depuis son décès le Père François justifie la remarque d’Henri III en regardant le corps du duc de Guise allongé sur le parquet après son assassinat : « mon dieu qu’il est grand ! Il paraît même plus grand mort que vivant ». Dans cette remarque pertinente il ne s’agit pas d’une affaire de taille mais d’une question de personnalité ! Le constat est toujours le même : la grandeur d’âme, le courage et l’importance de l’œuvre accomplie, le mérite augmentent toujours après un décès. Le pape n’échappera pas à la règle. Seul le temps et les analystes des générations futures donneront la véritable dimension qu’il occupera dans l’espace historique.
Les marchands exploitant l’évènement pour un bénéfice non négligeable seront aux premières loges dans le temple. La retransmission rassemblera en effet des centiares de millions de téléspectateurs. D’ailleurs pour que le plus grand nombre s’y retrouve, les phases de la « prière universelle » seront formulées dans différentes langues : pour le défunt pape (en français), pour l’Église (en arabe), pour les nations (en portugais), pour les âmes de tous les papes défunts et tous les prêtres (en polonais), pour tous les fidèles défunts (en allemand), et pour toute l’assemblée (en chinois). Pas d’anglais et d’espagnol au menu.
Dès que le rideau sur le one man show sera tiré sur la grande scène de la place Saint-Pierre, les tractations pour la succession débuteront. Un petit dimanche de conciliabules et les choses sérieuses débuteront lundi. Oubliés les saintes paroles sur le pardon, la miséricorde et le reste, on passera aux alliances et aux règlements de comptes. Le 267° pape officiel de l’église s’inscrira dans la continuité ou marquera… un violent retour en arrière. La France ne comptera que cinq voix, celles des cardinaux en résidence à Ajaccio, Lyon et Marseille ainsi que deux autres membres dont l’un est nonce apostolique aux USA et l’autre membre du « gouvernement » de l’église. Cinq sur 135 ! Le Parisien (trop vieux) et l’ex- Bordelais ont été exclus. Ils n’influeront donc pas sur le choix de l’heureux élu. Leur demander un pronostic ne serait pas très productif vu leur influence.
Les paris sont en effet lancés pour tenter de mettre un nom sur celui qui sera le prochain élu. Une pratique qui ne date pas d’hier. Les paris papaux sont considérés comme légaux depuis au moins 1503, puis ont été proscrits par le pape Grégoire XIV en 1581 sous peine d’excommunication. Depuis 1918 les jeux d’argent sont tolérés par le catéchisme de l’Église catholique tant que ces derniers ne comportent pas un risque excessif ou ne constituent pas un moyen de subsistance. Alors autant en profité. Mettez donc deux euros sur le cardinal Philippin luis Antonio Tagle ! C’est mon tuyau du jour !
 
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Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    « certains touristes ont utilisé leur téléphone portable pour se prendre en selfie devant le cercueil ouvert. Beaucoup y sont parvenus et les ont postés illico comme des trophées sur les réseaux sociaux ou envoyé à leurs proches.  »
    Ce que j’estime comme la pire des goujateries et comme un total manque de respect.
    « le mérite augmente toujours après un décès… » que notre bon vieux Georges a chanté : « Les morts sont toujours de braves types. »
    De toutes façons, quel que soit l’heureux élu, nous aurons droit aux carabistouilles habituelles.
    « Un petit dimanche de conciliabules » : normal ! Quant il y a concile y a bulle !
    Une devinette (de mauvais goût). Comment appelle-t-on un pape qui a pris le pouvoir sans être élu par les cardinaux ? Un autoclave….

  2. A. Blondinet

    Cher Jean-Marie, un prénom qui rappelle le Baptiste et la Vierge, j’ai préféré rester dans ma… bulle. En attendant l’UBB.

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