You are currently viewing Les lois sont de moins en moins applicables et appliquées

Les lois sont de moins en moins applicables et appliquées

Lorsque dans les démocraties une loi doit être adoptée par un parlement, elle n’est la résultante que des pressions exercées par des groupes corporatistes divers et des lobbies économiques. Par le jeu des amendements en commission ou en séance publique, ces derniers finissent par diminuer les effets néfastes pour eux, du texte prévu ou par ouvrir des opportunités de contournement. C’est ainsi que s’empilent des décisions complexes et inapplicables seulement faites pour satisfaire provisoirement en plus l’opinion dominante.

En plaisantant un ami ancien syndicaliste viticulteur me confiait par exemple l’on pourrait dans les prochains jours se retrouver avec un projet lié aux intrants dans le milieu agricole « interdisant le glyphosate mais autorisant à nouveau l’usage du fameux Round Up; «  « Egalim » dont on entend tellement parler ces derniers jours, fournit un exemple parfait de cette réalité de détournement de la notion de « loi d’intérêt général. » Durant des mois et des mois, elle a été présentée comme protectrice pour les producteurs agricoles à qui le gouvernement avait promis monts et merveilles. Que nenni puisqu’elle les laissait sur la touche en offrant aux « distributeurs » et aux groupes internationaux aux multiples filiales du monde de l’agro-alimentaire, la possibilité de régler leurs comptes entre amis de la loi du marché.

Comme la fameuse réforme générale des politiques publiques lancée en 2018 (RGPP) a par ailleurs supprimé des centaines de postes de fonctionnaires dans les services de contrôle de l’application des textes, ils ont pu s’en donner à chœur-joie avec le principe du donnant-donnant cocufiant les producteurs et les consommateurs. Les « intouchables » mobilisés par Bercy pour…. baisser les prix se sont autorisés à toutes les manipulations en menaçant d’augmenter les étiquettes. L’impunité a été totale. Pour prendre l’exemple de la Gironde alors qu’il n’avait jamais été question de la moindre fraude, la Préfecture annonce (ô miracle) dare-dare via Sud Ouest :  «Bilan : deux avertissements, 12 procès-verbaux pénaux (…) transmis au parquet de Bordeaux. »

Dans son article de Sud-Ouest.fr de hier il est signalé que « les infractions relevées sont : mention d’une origine France pour des tomates, poivrons, aulx, potimarrons produits en Espagne, aux Pays-Bas ou au Maroc ; mention d’une origine « France » pour du filet mignon de porc d’origine espagnole ; absence de l’origine de la viande bovine absence d’indication de la zone de pêche ou le pays d’élevage pour des poissons ; mélanges de produits d’origines différentes ; mention trompeuse « Aquitaine » ou « Sud-Ouest » sur des fruits et légumes. » Pas possible! Ca existait ?  Combien y en v avait-il eu en 2023 ? 

Des « pré-amendes » ont par ailleurs été infligées en toute hâte aux centrales d’achat basées à l’étranger, et qui n’appliquent pas du tout la loi française… en sachant que la justice européenne a annulé les rares sanctions antérieures au nom de la « concurrence libre et non faussée » credo du libéralisme. Dans des mois on aura la suite donnée à ces « sanctions » qui seront bien évidemment déférées aux tribunaux par les fautifs pour des procédures durant des mois ou des années. De toutes les manières ils délocaliseront encore plus loin les achats et si des fraudes sont constatées elles ne seront dues qu’à des « erreurs d’étiquetage » des employés.

Alors que les annonces du Maître des Horloges se tournent vers la simplification, le premier de ses ministres annonce une nouvelle loi qui détruira celles qui n’ont pas été assez sophistiquées pour empêcher des entourloupes de haut niveau. Rien n’est satisfaisant dans Egalim (tout le monde oublie de dire qu’elle a été votée comme la panacée par la majorité devenue minoritaire) qui était censée garantir « l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable ». Un foutoir pour grands groupes capables de s’entendre en faisant semblent de se battre.

Le texte se révèle en effet aujourd’hui d’une complexité inextricable et souffre d’un manque criant de contrôles. Résultat, elle n’est que très partiellement appliquée. Les 20 % de bio dans la restauration collective en 2022 ont été oubliés car les fournisseurs manquent en France et en l’absence de sanctions, le taux plafonne aujourd’hui à 7 %. Il n’y a pas davantage de garantie de prix d’achat aux producteurs… Bref la loi n’a que des défauts alors que pendant des mois que le « quoi qu’il en coûte de Bercy » en a vanté ses mérites illusoires. Un aveu d’un nouvel échec cuisant pour la théorie de l’auto-régulation de la loi du marché. Ce qui était présenté par le même gouvernement comme le nec plus ultra de la protection de notre agriculture est désomais bon à vouer aux gémonies! Alors on promet une autre loi !

Avant l’été une proposition encore plus complexe sera donc pondue. Les décrets arriveront à la fin de l’automne. Comme d’ici là les personnels chargés du contrôle ne seront pas plus nombreux dans les rayons des grandes surfaces et sur les marchés, que la lutte contre l’inflation retrouvera sa prééminence, que le tsunami RN aux Européennes aura submergé les zones rurales, les tracteurs reprendront la route vers Paris. Mais cette fois seront-ils seuls ? J’en doute !

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

    « les annonces du Maître des Horloges…hum… »??? À la rigueur des sonneries de réveille-matin, et encore, ça serait flatteur. Et comme aurait dit Bobby Lapointe : « Pour une sonnerie, c’est une belle sonnerie ! »

    Des déclarations péremptoires qui s’apparentent aux « résonnements »(sic) d’un tonneau cabourne (vide).
    Enfumage et radotage semblent être les deux mamelles de la propagande des gouvernements dépassés par des événements et des forces dont ils n’ont pas le contrôle.
    Hier j’ai eu la chance de me procurer, denrée rare, du cresson, produit en Aquitaine. Je vais en faire revenir un peu à la poêle pour accompagner mon bout de faux filet, et le reste va servir à confectionner une bonne soupe dont je rêve depuis longtemps. « Lucullus va dîner chez Lucullus. »

  2. facon jf

    Bonjour,
    je vais encore me faire des « amis » mais tant pis. Tout découle de l’ idée que la mondialisation libérale allait l’emporter, que l’État ne devait plus avoir de rôle à jouer, que tout pouvait être privatisé, y compris dans les services publics. Nos dirigeants étaient devenus mondialistes au point de ne plus voir la différence entre le fait que nos usines soient implantées en Chine ou en France, ou que nos entreprises soient détenues par des intérêts français ou rachetées par des fonds spéculatifs américains. C’est la même logique qui prévaut dans l’agrobusiness où on se moque de savoir si les tomates viennent de Belgique ou les haricots verts d’Afrique, l’important c’est le commerce et ses juteuses transactions. Qu’importe la perte des compétences résultante du je fais faire car c’est moins cher et c’est ainsi que le savoir faire s’est perdu. La France a su bâtir vingt centrales nucléaires en dix ans et ne parvient plus à en bâtir une en vingt ans. Le pays possédant le premier réseau métropolitain au monde ne parvient plus, en dix ans, à finir une seule ligne du Grand Paris Express. L’industrie agricole a pris la main c’est ainsi que l’ UE à autorisé en 2015 le brevetage du vivant même pour les plantes sans OGM. De cette manière l’industriel peut attaquer en justice — pour contrefaçon — les agriculteurs qui cultivent des plantes sous brevets sans autorisation et paiement d’une redevance. Ainsi les graines patrimoines de l’humanité sont sous contrôle, dans quelques décennies le savoir faire de la sélection naturelle des semences va disparaître.
    D’où vient le mal ? C’est la conversion des grands corps de l’État ( ENA, polytechnique…) , au tournant des années 1980, à une logique purement financière et mondialiste qui est à l’origine d’un grand nombre de nos défaites politiques, industrielles et agricoles. Les grands commis d’État qui ont abandonné la charge de l’intérêt national au profit d’un enrichissement rapide ou de postes dans le secteur privé (le fameux pantouflage). Dans ces sommets de l’État, l’impunité est presque totale. Lorsque les journalistes demandent au directeur de l’Agence des participations de l’État, qui avait la charge d’Alstom, pourquoi il a aidé la banque Merrill Lynch à vendre le géant français à General Electric en échange d’un poste, il répond « Pour gagner de l’argent : j’ai 53 ans, il est temps que je pense à mon avenir ».
    Après les électrochocs de la Covid et de la guerre en Ukraine, pensez-vous que l’ État va se recentrer sur ce qui a fait les succès du pays ? Ben non! Au-delà de ces coups de communication, on peut s’interroger sur la réalité des moyens qu’il se donne pour restaurer notre souveraineté agricole ou industrielle. Deux exemples récents en matière d’intelligence artificielle (IA) nos grands mamamouchis qui pensent nous gouverner ont accepté la charité du PDG de Google pour l’IA et à utiliser le Cloud d’Amazon pour les données d’EDF.
    Ce sont les mêmes qui vont régler le problème des agriculteurs. A votre avis que va-t-il se passer ?
    bonne journée

    1. J.J.

      : j’ai 53 ans, il est temps que je pense à mon avenir ».
      Comme on le comprend ! Et de surcroît si cet aimable garçon n’a pas encore pu faire l’acquisition d’une Rolex, pour échanger contre sa Kelton, on imagine son inquiétude et son désarroi !

Laisser un commentaire