Pour une fois le Président a effectué une annonce qui a été suivie des faits. En parlant de « remaniement » du gouvernement il avait utilisé le mot juste. En effet si l’on se fie au Larousse dit le Père des ânes il s’agit « d’un changement de structure d’un ou de plusieurs chromosomes, entraînant le gain, la perte ou le déplacement de segments chromosomiques. » Et ça colle parfaitement à ce qu’il vent de se passer. Rien n’a vraiment été modifié sauf quelques « chromosomes » conduisant à prétendre avoir changé en profondeur l’ADN du macronisme. Il faut comprendre que désormais le parti présidentiel a effectué le choix délibéré de son basculement définitif vers la droite. Un peu comme une officialisation que, depuis le début il n’y a pas eu de « ni… ni », mais simplement l’illusion du non alignement.
Le premier constat est implacable de ce coté-là : le Président se prétendant maître des horloges a les pieds et les poings liés par les ministres qu’il a installés dans la certitude qu’ils étaient indispensables à son avenir. Ayant par des mesures corporatistes ou des soutiens inconsidérés au monde économique obtenu l’adhésion des publics dont ils s’occupent, Darmanin et Lemaire ont repris le titre d’une pièce comique à succès : « J’y suis…J’y reste ! » . Le duo a décrété qu’il était de la « caste » des intouchables. Et il a obtenu satisfaction.
C’est vrai que cette paire d’as a cumulé les triomphes. Il n’aurait pas terminé ses missions. Le Ministre de l’Intérieur a arraché une la loi immigration après des péripéties peu glorieuses. Dans quinze jours elle sera mise en pièces par le Conseil constitutionnel. Quant à son collègue de Bercy il n’a enregistré que des résultats « rassurants » : surendettement du pays, reprise du chômage, balance commerciale en déficit record, baisse tardive et problématique de l’inflation, dérégulation des prix de l’énergie… Alors autant que tous les deux finissent leur boulot et plongent la France dans la mouise à tous les étages. Ce sont ce que l’on appelle en anglais des « winners » !
Les cocufiés du jour sont membres du trio Marleix, Retailleau, Ciotti. Ils payent à postériori l’outrance de leurs amendements à la loi immigration modifiée en bombant du torse et par la menace. Ils ont l’air malins avec un texte qui ne résistera pas à son inconstitutionnalité et désormais l’Elysée leur file dans les pattes deux ministres issu pour l’une de leurs rangs et pour l’autre qui a été dans leurs rangs. Et ce n’est probablement pas fini. Illico le mini Yul Brinner des Alpes Maritimes a d’ailleurs exclu la madone parisienne des retournements de veste de grands couturiers. Pour la méthode champenoise elle était partie d’elle-même ce qui a simplifié les choses. Le coup est rude !
Le « Paris » qui ne résistera pas au déferlement des jeux olympiques a été mis dans la balance pour obtenir le ralliement de la nouvelle ministre de la Culture. Bien vu : le Président tue ainsi les candidats putatifs de son propre camp considérés comme des frondeurs potentiels et en plus il les vire du gouvernement. Il fait d’une pierre deux coups. La seule incertitude c’est que le chromosome Dati est imprévisible et porteuse d’une affaire susceptible de mal tourner. Pas grave elle tiendra bien jusqu’au municipales. Enfin pas certain.
Parmi les « segments chromosomiques déplacés » on trouve ceux qui payent leur inefficacité ou leur modération. Ce sont deux traits de caractère qui n’ont pas l’heur de plaire au patron. Semblant un tantinet étrangère aux affaires qu’elle était censée traiter, Christine Colonna a été renvoyée à sa passion pour le cinéma. Dans la même charrette Olivier Véran qui a pourtant porté la parole officielle en des temps difficiles. Un départ qui doit mal passer. S’il revient au Palais Bourbon (il a été élu député) il aura tout loisir de poser des questions aux Ministres avec l’expérience nécessaire pour les mettre en difficulté. Il risque d’être accompagné par une escouade d’ex-membres du gouvernement expulsés sans aucun ménagement. le germe d’une contestation s’installe.
Le remaniement se résume donc à ce qui était prévisible (voir ma chronique du 5 janvier ). Même pas un replâtrage. Simplement un re-profilage destiné à masquer l’absence de majorité parlementaire. Pas certain que dans les mois à venir l’opération soit rentable. Les LR ne se feront plus d’illusion. Leur disparition devient un objectif de l’Elysée. Coincés entre le RN et Renaissance ils n’échapperont pas aux conséquences de cette priorité à droite officiellement déclarée. Une énième crise interne les menace.
Le seul espoir est pour la Gauche non-engagée au sein de la Nupes. Elle sait maintenant que toute alliance avec le macroniste trébuchant devient illusoire. C’est une chance si elle parvient à se fédérer et à se doter d’un leader susceptible d’incarner des valeurs oubliées. Le pari du Président c’est qu’elle en sera incapable. Et j’ai tendance à le croire. Une histoire de chromosomes.
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Le petit Machiavel amiénois joue peut être avec le feu en établissant son régime néo bonapartiste.
Jusqu’alors, ça s’est bien passé. On s’est débarrassé à moindre frais de Madame 49/3 (qui évoque curieusement Madame Veto) qui a également tenté de couper les pattes aux gêneurs d’Anticor, du ravi de la crèche qui commençait à faire tache (le falot personnage est passé à la trappe sans que cela engendre le moindre commentaire). On a fait une belle brèche dans le mur LR, tout en anticipant un tir meurtrier sur la mairie de Paris en mettant en selle un imprévisible, vénéneux et girouettesque personnage. Mais il semble également que l’on a fait aussi quelques mécontents au sein même de la camarilla.
Avec les super jeux olympiques qui représentent également une grosse prise de risques, le RN à l’affut et quelques « bricoles » en suspens, l’horizon n’est pas vraiment dégagé.
Cher Jean Marie, quelle serait cette gauche non engagée au sein de la Nupes que tu espères et que je souhaite réellement ?
Une recomposition avec les « socialistes » de la Fédération Progressiste dont Rebsamen son leader ?
Et pourquoi pas ceux-ci :Castaner, Dussopt ,Parly,Le Drian,Véran, Touraine et un ancien membre de son cabinet dénommé Attal,Bourguignon,Kolher,Séjourné,Ferrand, Griveaux,De Normandie ? et combien d’autres encore.
Agé de 77 ans, de culture ouvrière, je ne suis pas normalien et je n’en souffre pas ! Peut-être que je manque de lucidité, mais ayant lu le livre de Marcel Gauchet « Macron les leçons d’un échec » je doute, compte tenu de mon âge, retrouver la gauche d’Epinay qui a suscité tant d’espoir. Le système économique actuel ne le permettra pas. Je te soumets quelques lignes de ce livre.
…..P70-71- Je crois discerner trois pôles au sein de cette famille plus désunie que plurielle. Le plus aisément identifiable est évidemment ce qui reste de la gauche de gouvernement d’inspiration social- démocrate, pour faire simple, dont François Hollande était l’incarnation accomplie. Une social-démocratie réduite en fait à la redistribution par rapport à ses grandes ambitions de contrôle de l’économie de jadis-de 1981 encore, dans le cas Français. Le quinquennat de Hollande a pathétiquement illustré les difficultés presque intenables de la position, entre les contraintes de l’ouverture globale dictée par les engagements européens et les exigences de compétitivité qui vont avec la discipline budgétaire et monétaire de la zone Euro et les promesses de progrès social. Je crois que consciemment ou inconsciemment, les épreuves de ce quinquennat ont valu la démonstration pour l’opinion de l’impasse où se trouve la social-démocratie.
Par ailleurs, les transformations de la société ont amené l’émergence d’une gauche que l’on peut dire morale, qui privilégie les causes sociétales par rapport au projet classique de transformation de la société, du multiculturalisme à l’écologie en passant par le féminisme. Une gauche des valeurs, rétive aux contraintes et aux compromis de l’action gouvernementale. Une gauche des métropoles, des diplômés, du progressisme chic, bref, pour reprendre une catégorie bizarrement tombée en désuétude, quand on pense au rôle obsessionnel qu’elle jouait dans le discours de gauche, une gauche « bourgeoise », mi- « petite-bougeoise », mi-« grande-bourgeoise ». Son paradoxe est d’être médiatiquement toute-puissante et politiquement faible. Elle perpétue une hégémonie culturelle de la gauche qui, non seulement ne se traduit pas dans les urnes, mais qui est électoralement contre-productive. Elle a activement contribué, en effet, à retirer à la gauche ce qui lui procurait sa légitimité historique profonde, celle de représenter le « peuple », le monde du travail et de la production. Ce qui reste du peuple en question n’a pas lieu de se reconnaître dans un discours dont les priorités ne sont pas les siennes.