Le référendum a de multiples facettes dans notre démocratie réputée représentative. Il appartient à tous les niveaux de la gouvernance républicaine mais se révèle tellement compliqué à mettre en œuvre que dans les faits il n’existe pas ou très peu. Le dernier a eu lieu sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe (aussi appelé traité de Rome II ou traité de Rome de 2004) a lieu le 29 mai 2005 .
La question posée aux électeurs est « Approuvez vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe ? ». Nous sommes un certain nombra à en avoir conservé un souvenir douloureux. Pour ma part je reste sur l’idée que ce fut le seul vrai débat démocratique qui a eu lieu en France depuis un demi-siècle.
Un véritable investissement militant, des débats de fond déconnectés des querelles de personnes, un contexte politique au moins aussi complexe que celui que nous connaissons et malgré une pression médiatique considérable (71 % du temps d’antenne sur les télés avait été consacrés au oui) une vraie opposition populaire. Le « non » recueille 54,68 % des suffrages exprimés, soit 2 641 238 voix de plus que le « oui ». Un résultat sans aucune ambiguïté.
Comme les Pays-Bas avaient pris la même position, le traité fut abandonné et remplacé par un traité quasiment identique dit de Lisbonne qui sera adopté par voie parlementaire. On enterrera ainsi le 4 février 2008 en Congrès à Versailles, le Parlement a approuvé la révision constitutionnelle : 560 parlementaires ont voté pour, 181 contre, et 152 élus se sont abstenus.
La loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne a ensuite été adoptée par l’Assemblée nationale le 7 février et par le Sénat le 8 février 2008. Signée par le chef de l’État, la loi a été publiée au Journal officiel le 14 février 2008. Le traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009 dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Exit depuis le principe même du référendum. La défiance envers les « politiques » a débuté après cette séquence.
Au fil des ans de multiples formes de consultation directe des citoyens ont été inscrites dans les textes. La première reste à l’initiative de l’exécutif ou les parlementaires. La Constitution de la Ve République, adoptée le 4 octobre 1958, prévoit en effet depuis son origine dans l’article 11 la possibilité d’organiser un référendum sur « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, comportant approbation d’un accord de communauté, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité ».
Mais l’initiative doit provenir du gouvernement ou d’une proposition conjointe de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce qui deviendra très rare puisque le risque est grand de voir les électrices et les électeurs voter à coté de la question et contre l’exécutif. On ne verra plus ce type d’initiative avant longtemps.
Le second reste une prérogative du Chef de l’État qui pourrait s’il le souhaitait lancer un référendum constitutionnel régi par l’artiche 89 prévoyant la manière dont peut être modifiée la Constitution. Rien ne l’y oblige puisque un Congrès peut se substituer au peuple avec un hic c’est qu’il faut recueillir la majorité de 3/5 des parlementaires… Impossible de modifier quoi que ce soit sans l’appui massif de la majorité du sénat et de tous les LR de l’assemblée. Et encore !
Au niveau national (et on vient de le vérifier) le référendum d’initiative partagé (il porte bien son nom de RIP) a été rendu possible par une modification alambiquée en 2008 de l’article 11. Il peut être lancé par par « un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales », soit au moins 185 députés ou sénateurs (sur 925) et plus de 4,5 millions d’électeurs. En vigueur depuis 2015, la disposition n’a jamais été appliquée et ne le sera jamais sauf miracle.
Les collectivités locales ont aussi leurs référendum potentiels. Le RDL (référendum décisionnaire local) existe depuis 2003 et peut-être lancé à l’initiative des seuls élus dans une commune, un département ou une région sur un sujet relevant de leur compétence. Le seul problème c’est que pour devenir exécutoire son résultat doit avoir été issue d’un scrutin ayant mobilisé plus de 50 % des inscrits sur les listes électorales. A Paris récemment une votation citoyenne (ce n’est que consultatif) a mobilisé un peu plus de 7 % des électrices et électeurs… C’est dire le chemin à parcourir. Un scrutin spécifique sur l’environnement peut également, dans les mêmes conditions être organisées par les élus locaux.
Dans la réalité cette panoplie de « partage du pouvoir » n’est que très peu utilisée. Au niveau local es consultations de la population recensées ont été en 2022 de 74 (10 seulement exécutoires) avec des taux de participation allant de 5 % à 95 % selon le sujet. Et au niveau national seulement 9 en tout et pour tout. Tôt ou tard il faudra bien tenir compte de cette réalité démocratique.
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Bonjour Jean-Marie.
Etant en panne des sens, je me décharge sur Laurent Ruquier pour donner un avis sur le sujet du jour. « La meilleure preuve que l’essence est trop chère, c’est que même le référendum ne fait pas le plein ».
Courageux mais pas téméraire; le CC a évidemment rejeté ce projet de referendum dont il semble que le résultat n’aurait fait aucun doute.
Prudence et pusillanimité ont guidé leur choix . Il n’y avait pourtant pas grand chose à craindre, le petit sachem nous aurait rejoué la carabistouille de 2005.
« Nous entrerons dans la carriè è re
Quand nos aînés n’y seront plus. »
Bonjour,
il y a 2 points importants que je voudrais souligner dans votre billet mon cher JMD.
Le premier point concerne la souveraineté de l’UE , l’ancien premier ministre Fillon répond à la question lors de son audition le 2 mai dernier voici la vidéo https://twitter.com/i/status/1653514995596918786
Il en ressort clairement que l’UE EST VASSALE DES USA .
Le deuxième point concerne l’usage du référendum dans le cadre de la constitution de 1958. Selon la Constitution de 1958, un référendum peut être organisé dans plusieurs situations : le vote d’une loi, la révision constitutionnelle, ou l’entrée d’un État dans l’Union européenne. Dans ces deux derniers cas, il peut être remplacé par un vote du Parlement réuni en Congrès.
La tare originelle du référendum provient de son usage par les Bonaparte. Le premier en a usé pour confisquer le pouvoir en le rebaptisant plébiscite le référendum devient un plébiscite, instrument de l’accession au pouvoir de Bonaparte qui, aidé d’une administration zélée et omniprésente, obtient ainsi en 1800 le Consulat après son coup d’État du 18 Brumaire, puis le Consulat à vie, puis sa transformation en Empire, qu’il obtient de prolonger encore sous une forme tempérée lors des Cent-Jours. Napoléon III fait entériner son coup d’État de 1851, puis le rétablissement de l’Empire où apparaît clairement constitutionnalisée la technique plébiscitaire.
Ceci explique que sous la IIIe République, le référendum passe pour être l’instrument du despotisme et que la constitution de la IVe République l’ignore quasiment.
Il faudra attendre le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 pour qu’il s’impose, à la fois pour ratifier la nouvelle constitution et dans la constitution elle-même dont il constitue l’une des innovations majeures. Dans la rédaction initiale de la constitution de la Ve République, on le trouve érigé en principe, comme l’un des moyens d’exercer la souveraineté (article 3) et, simultanément, couvrant trois domaines : législatif (article 11), constituant (article 89) et l’autodétermination (articles 53 et 86).
Le recours au référendum s’est raréfié depuis la disparition de » Mon Général » la stratégie d’évitement étant la norme.
En 2015 apparaît la parodie de démocratie directe du référendum d’initiative partagée (RIP). La procédure de RIP extrêmement encadrée commence avec le dépôt d’une proposition de loi. La proposition de loi doit respecter les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution. Elle ne peut ainsi porter que « sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».
En fait le RIP avec le mécanisme de l’article 11 n’est qu’un « alibi » et une « course d’obstacles » dont le seul but est de créer un effet d’annonce dans les médias sur un élan démocratique du système politique, alors que le mécanisme est conçu pour assurer que le référendum n’aboutisse en aucun cas.
Inutile d’espérer secouer les chaînes qui entravent les citoyens, tout est prévu jusqu’au moindre détail pour fonctionner dans la stratégie du consentement.
bonne journée
La consultation populaire par referendum en Suisse est une « monnaie » courante https://fr.wikipedia.org/wiki/Initiative_populaire_en_Suisse
Il est tout aussi remarquable que la Suisse située au barycentre de l’Europe n’appartienne pas à l’Union Européenne quoique profitant de tous les avantages commerciaux de l’UE.
@ Facon JF « Bonaparte qui, aidé d’une administration zélée et omniprésente, obtient ainsi en 1800 le Consulat après son coup d’État du 18 Brumaire, puis le Consulat à vie,… »
Il y en a qui, auto décrétés indispensables, n’auront probablement même pas besoin de ça. À quand la prochaine carabistouille ?