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Fenêtre ouverte sur le concert matinal du peuple des oiseaux

Depuis quelques jours, la fenêtre de ma chambre qui donne sur l’arrière de la maison est ouverte sur le ciel qui se situe presque au-dessus du toit. Elle constitue une oreille dès l’aube, sur le monde de cette ville bastide où les jardins et les cours intérieures privées sont encore assez nombreuses. Le soleil monte lentement pour réchauffer les tuiles mais il manque de plus en plus à son lever royal, la musique de la nature. Ce fourmillement de sons distillés par les passereaux joyeux, les merles moqueurs ou les rossignols des amours de Luis Mariano. Les chants du départ du jour se raréfient. Le réveil en fanfare de ces premiers et rares matins ensoleillés manque cruellement à ma vie. Le silence juste écornée par le cortège des véhicules discrets du trajet mettant fin au dodo pour se rendre vers le boulot s’est installé dès l’aube quand verdit la campagne.

Lentement, au fil des années la faune enthousiaste des débuts d’été a disparu. Les hirondelles ont oublié le chemin de leurs nids que les propriétaires des avant-toits se sont empressés de détruire. En face de chez moi, celles qui encore l’an passé, migraient pour se complaire dans la chasse aux moustiques pas encore devenus tigres, ont été arrêtées quelque part à la frontière à moins qu’elles soient mortes au cours du voyage. Il restent les martinets criards qui, tous les soirs avant que viennent l’orage se poursuivent sur le circuit des rues de la bastide. Leurs cris stridents résonnent lorsqu’ils rasent le sol ou les toitures dans des courses de formule 1 d’une fulgurante vitesse. Eux passent la plus part de leur temps dans les airs sans beaucoup varier leur partition vocale. Le matin ils ne s’excitent guère et ne participent pas à la musique du « nature-réveil » que j’aime tant.

Ma gamelle pour moineaux désireux de casser la graine n’a pas attiré autant de convives que j’espérais. En plus dans le menu en self-service que je leur propose ils trient, rejettent et dédaignent les grains de blé comme s’ils se méfiaient de la qualité de la production. Ils ont leurs horaires pour venir au ravitaillement. Parfois ils réclament en piaillant que je garnisse la coupelle affectée à ce que je considère comme un repas de cantine. Ces goinfres ont fini par détourner tous leurs rivaux putatifs de la table qu’ils ont annexe comme leur propriété. Ce sont toujours les mêmes braillards qui s’attablent avec un copain ou une copine de passage. 

Ailleurs la ville est occupée. Souvent le vol noir de corvidés donne une tonalité lugubre aux premières lueurs du matin. Ils osent s’approcher comme les pies en costume de gala au plastron blanc immaculé qui s’aventurent près des débordements de poubelles des lieux de vie des hommes. Ils n’ont plus de retenue, effrayant le menu peuple des volatiles des jardins. Ils se considèrent comme les maîtres de la cité puisque plus rien ne s’oppose à leur prise de bec. 

En revanche ils n’ont aucune influence sur les pigeons de plus en, plus urbains. Leur roucoulement reste portant peu enthousiasmant dans les périodes où ils draguent la femelle susceptible de leur apporter l’ivresse de la reproduction de masse. Un roucoulement de vieux beau devant une accorte secrétaire. Sur le moindre rebord des œils-de-bœuf, dans les recoins des débordements de toits, dans les bâtiments inhabités ou dans les trous des murs ils installent leur existence pépère de colonisateurs. 

Au loin quelques digressions isolées de mésanges modestes et besogneuses fêtent les rayons d’un soleil qui se fait rare en ce début juin. Elles iront dans des espaces plus larges, plus libres, plus naturels pour prendre leur petit-déjeuner. Entre quatre murs chez moi elles ne se sentent pas en sécurité.  Quelques incursions dans le patio ne les ont pas convaincus de la qualité de mon accueil et de la sûreté du lieu où peut rôder ‘ce qui n’est pourtant pas le cas) un chat perché peu joueur. Elles ont tout visité avant de repartir vers des horizons plus vastes et plus propices à la fuite. 

Mais où sont passés les autres oiseaux, ceux de mon enfance, ceux que mon grand-père Abel avait réussi à rassembler pour une ballet constituant son spectacle permanent qu’il contemplait à travers la fenêtre depuis son fauteuil ? Les chardonnerets multicolores, les pinsons élégants, les bergeronnettes fringantes, les rouges-gorges besogneux ? Où sont-ils donc mes « amis » maintenant disparu ? Il n’existe aucun monument aux morts pour notre société dévastatrice de leurs espèces. Le nombre d’oiseaux a décliné de 25 % en 40 ans sur le continent européen, voire de près de 60 % pour les espèces des milieux agricoles. Bien entendu il n’y a ni responsables, ni coupables de cet hécatombe ! Morts sur le front du profit. 

Demain je tendrai l’oreille histoire de reconnaître quelques bribes de la composition renouvelée très discrètes de cette œuvre musicale offerte par l’orchestre de « instruments à bec » en voie d’extinction. Il paraît que les chants les plus tristes sont les plus beaux. Enfin ce n’est pas la réalité de mes petits matins à la fenêtre. J’aimerai tant retrouver cet opéra de quatre sous dont je ne mesurais pas l’importance au temps où il m’était offert abondamment. Rien de plus agréable que d’écouter depuis son lit avant que le radio-réveil débite ses informations démoralisantes ces piaillements, ces trilles, ces petits solos qui s’estompent au fur et à mesure que naît un nouveau jour de crainte. 

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Cet article a 8 commentaires

  1. J.J.

    Ton beau texte me rappelle, avec les jolies planches d’illustration, tous ces oiseaux que j’ai connus et dont je déplore la raréfaction et hélas pour certains la disparition. Cela m’a donné envie d’en faire un inventaire, car j’en ai deux catégories : les oiseaux des villes, près de mon logis, et ceux que je rencontrais dans mon jardin au bord de l’eau.
    Au jardin j’avais les « rouge queue front blanc » très familiers, et mon ami Robin qui venait voleter si près de moi au point qu’un jour, j’ai failli l’écraser en prenant mon plantoir sur lequel il était perché. Je l’entends parfois Robin, mais il ne descend plus me rendre visite, probablement pour éviter les matous des nouveaux voisins, qui ont investi sournoisement le terrain.
    Il y avait aussi les vols de mésange de toutes sortes qui traversaient le jardin en zinzinulant.
    Le « troglodyte mignon » voletait autour de la cabane, visitant mon panier où se trouvait mon casse croûte, concurrencé parfois par un accentuer, plus rare.
    Lorsque j’approchais du vieux pommier creux du voisin , j’étais parfois accueilli par les pépiements des jeunes pic verts croyant entendre arriver leurs parents nourriciers.
    La dernière grive a été décapitée par un affreux geai des chênes qui a exterminé ces malheureux volatiles.
    De la « fenêtre d’en haut » que chantait Charles Trenet, ou en me promenant dans le quartier, c’est là que j’ai encore le plus de chance de rencontre la « gent ailée.
    Les chardonnerets ont pris leurs quartiers dans les platanes voisins, je les vois rarement, mais je les entends.
    Ils remplacent les pinsons du nord dont les nombreuses bandes ont hiverné dans les charmes.
    Bien sûr les moineaux continuent de piailler, bien que leur nombre semble diminuer, et le merle, traditionnellement moqueur a cessé ses roucoulades virtuoses.
    Les envahisseurs ne manquent pas : tourterelles, pigeons, pies et corbeaux pilleurs de nids au cris disgracieux.
    J’ai aussi découvert en plus, de rares grimpereaux, sitelles, gros becs, pic épeichette aperçus quelquefois, et logeant sous le toit de l’immeuble voisin, une curieuse colonie de petits étourneaux sédentaires.
    Dominant tout ce monde, parfois nous avons la visite du milan royal qui vient, planant majestueusement.

  2. faconjf

    Bonjour,
    ma devinette du jour :  » qu’est-qui est le plus ridicule dans notre société ? »
    Un ou une Végan propriétaire d’un chat ! Ras-le-bol des lol-cats ? Le chat ne fait pas rire tout le monde. Les chats domestiques consomment surtout des aliments d’origine humaine : pâtée, croquettes (garantis non végan!!) et restes de table. Grignoteur, il mange peu à la fois, mais tout au long de la journée. Sa particularité est que, même bien nourri, le chat conserve son instinct de chasseur et, le plus souvent, les proies tuées ne sont pas consommées. Un chat de propriétaire consacre en moyenne 3 h par jour à la prédation, contre 12 h par jour pour un chat errant. Une étude lancée en 2015 et coordonnée par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), en collaboration avec la Société française d’étude et de protection des mammifères et la Ligue pour la protection des oiseaux, montre que : 66 % des proies rapportées par les chats domestiques sont des petits mammifères, majoritairement des rongeurs. Viennent ensuite les oiseaux (22 % des proies), principalement les mésanges, le merle, le rouge-gorge. Enfin, en dernier choix, les reptiles (10 %), et de manière anecdotique, des amphibiens, des insectes, des poissons, des araignées, voire des gastéropodes.
    Une étude parue dans la revue scientifique Nature en 2013 conclut que le chat serait responsable de la mort de 1,3 à 4 milliards d’oiseaux et 6,3 à 22,3 milliards de petits mammifères chaque année. En Australie, les chats tueraient 377 millions d’oiseaux et 649 millions de reptiles chaque année. Le pays a ainsi lancé une campagne d’éradication de 2 millions de chats errants sur 5 ans. D’autres résultats plus récents parus en 2019 dans Nature évoquent 800 millions de mammifères tués chaque année par les chats errants. L’introduction du félin, notamment dans les îles, a conduit à la disparition de plusieurs espèces. Les premiers résultats de l’étude du MNHN montrent que pour les oiseaux de jardin, la prédation du chat compte parmi les trois principales causes de mortalité, avec les captures volontaires par l’homme et les collisions avec les vitrages. Cette prédation sur les passereaux dans les zones pavillonnaires a doublé ces dernières années, en lien avec l’augmentation du nombre de chats domestiques – ils sont plus de 15 millions en France –, sans compter les chats errants et harets, dont le nombre est inconnu.
    Le souci est que cette prédation impacte une petite faune déjà très vulnérable à cause de la disparition de leurs habitats, des pesticides, de la ville qui gagne sur la campagne…
    Le chat est un carnivore taillé pour la chasse doté d’ une musculature puissante, efficace pour rester immobile à l’affût ou pour fondre sur sa proie ; des griffes tantôt acérées lui permettant de bondir et de grimper, tantôt rétractables pour se déplacer en toute discrétion ; un squelette souple qui lui permet de se faufiler partout ; une bonne vue, surtout crépusculaire ; une ouïe fine, spécialisée dans les fréquences élevées des rongeurs et petits oiseaux ; de longues moustaches orientables, recueillant des données sur son environnement : largeur d’un passage dans la clôture, force du vent, provenance d’une odeur… Et enfin, il possède une denture de carnivore, tranchante et affilée.
    La plus vieille souche connue de la famille des oiseaux est un animal de la taille d’un corbeau : Archaeopteryx, qui signifie en latin « aile ancienne ». Vieux de 150 millions d’années, il possédait des caractéristiques hybrides des oiseaux et des dinosaures théropodes — groupe de tétrapodes bipèdes comportant la quasi totalité des dinosaures carnassiers, notamment les célèbres tyrannosaure ou vélociraptor.
    J’admire le vol des oiseaux que j’ai tant de mal à immortaliser avec mon appareil photo. De la buse variable au martin pécheur je me régale des clichés réalisés par des photographes avisés et bien plus patients que moi.
    Reste le plaisir des randonnées où je tente, souvent vainement, de repérer le divin chanteur embusqué dans les futaies ou dans les bosquets touffus. Qui a vu en liberté un coucou au chant si sonore ?
    La biodiversité est fragile et même les végans le reconnaîtrons.
    Bonne journée

    1. J.J.

      Qui vu en liberté un coucou au chant si sonore ? Moi ! Mais il y a bien longtemps.
      Un autre oiseau dont on entend parfois le chant caractéristique qui lui a valu son nom (pupupu): la huppe fasciée, mais elle aussi n’est pas facile à observer. Je ne l’ai entenduequ’une fois cette année.
      Amicalement

  3. pontoizeau-puyo martine

    Bonjour à tous,
    je ne peux que confirmer ce qui est écrit ci-dessus, étant en pleine campagne, entourée de vignes, les oiseaux disparaissent. je les nourris tout l’hiver, boules de graisse, graines surtout tournesol. je conserve une population de merles, quelques mésange, pas de moineaux ni de troglodyte, mais des tourterelles, des pies et qques corvidés. ha j’oubliais des rapaces toujours à guetter sur les mêmes piquets de vigne. Cela fait des années que je n’ai pas aperçu une hirondelle. j’aime les oiseaux en liberté et je suis pour « ouvrez ouvrez la cage aux oiseau,, laissez les s’envoler c’est beau………..

  4. Philippe Labansat

    À peu près le même constat que Martine.
    Nous savons tous qu’en acceptant de faire plaisir à la FNSEA, nous acceptons de voir disparaître de nos vies les petits passereaux que nous aimons tant.
    Un plaisir est le spectacle des baignades, de merles surtout dans les grande coupelle que je remplis régulièrement sur ma terrasse : il y a parfois la queue pour en profiter.
    La douche, c’est le jet d’eau qu’il y a sur le petit bassin en pierre de mon grand-père.
    J’ai mis plusieurs nichoirs, bien placés, bien protégés à l’abri des chats : je ne les ai jamais vu occupés, malheureusement.
    Une surprise, en m’étant éloigné du centre-ville de Libourne, ce qui est paradoxal, en étant plus proche de la campagne, j’ai l’impression d’avoir moins d’oiseaux chanteurs et de diversité qu’auparavant.
    Étonnement d’un nombre impressionnant de milans noirs.
    Pas étonné du nombre de pies qui, nous le savons, sont un symptôme de mauvaise santé globale de la nature.
    Une application efficace pour reconnaître les chants d’oiseaux : BirdNET

    1. J.J.

      Même observation : maintenant j’observe et j’entends bien plus d’oiseaux depuis et autour de mon immeuble que dans mon jardin en pleine campagne.

  5. François

    Bonjour !
    Si le chat si bien décrit par @faconjf, est effectivement un grand chasseur d’oiseaux, ce, malgré son air enjoleur (voir Grippeminaud, de La Fontaine ! ! !), il ne faut pas oublier les … oiseaux-prédateurs. Tous les « longs becs » (corbeaux, pies, geais,…) ont comme facheuse habitude, une avide préférence pour les nids (palombes, tourterelles) avalant les œufs et pire les petits sans défense ! Oui, je suis cruel mais c’est, parait-il, de la régulation !
    Si l’Homme est le prédateur de l’Homme, les oisaux savent les copier.
    Amicalement

  6. Christine

    Viens me voir en Ariège c’est un festival et à te lire j’en mesure le trésor

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