Deux images furtives passées dans la séquence « silence » de l’émission Quotidien m’ont bouleversé car elles résument parfaitement l(état du monde. Sur l’une on voyait une rangée de visages de femmes puis d’enfants tendant des récipients cabossés de métal dans la bande de Gaza. Des regards apeurés. Une lutte pour la survie impitoyable. Des bolées d’une nourriture indéfinissable jetées au hasard à la volée dans ces calebasses en aluminium tendues par dessus une barrière. Écrasés contre elles des gamins attendent aussi ce qui ne viendra jamais , de la nourriture. Des milliers d’autres sont trop loin pour espérer. Sous le soleil de Gaza il n’y a pas des centaines de photographes pour saisir la « montée » des escaliers vers la famine, la déshydratation, la maladie, la mort.
L’autre image montrait une foule hurlante entassée derrière des garde-fous renforcés, protégés par des vigiles et des policiers chargés de l’empêcher de tout renverser. Des cris et même des hurlements montent de cette meute avide d’apercevoir des millionnaires en représentation ou pour certaines en exhibition sur les marches du festival de Cannes. Ces hordes qui attendent durant des heures une apparition miraculeuses portent les stigmates de notre société, qui mendie le selfie de leur vie. La superficialité va de pair avec un vedettariat auquel se prêtent volontiers actrices, acteurs, réalisateurs et même un Dupont demi que je croyais au-dessus de la mêlée.
Le budget de la grande messe mondiale de la Côte d’Azur atteignait l’an passé la bagatelle de 35 millions d’euros dont la moitié est financée par de l’argent public, que ce soit le ministère de la Culture (via le Centre National du Cinéma), la Ville, le Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur ou le Conseil Général des Alpes-Maritimes. Ce budget sert aux dépenses de personnel (artistique, administratif, accueil…), mais également à la logistique, comme le célèbre tapis rouge, qui est changé plusieurs fois par jour pour ne pas abîmer les robes des stars. L’autre moitié est financée par des sponsors privés. C’était le cas l’année dernière par exemple par L’Oréal et Canal+, partenaires historiques, mais également BMW ou MasterCard.
Comme le veut le système économique ce financement du festival est grandement amorti par les recettes propres directes et indirectes. En 2024 les retombées économiques étaient évaluées à 200 millions d’euros, pour la Ville, mais également les villages alentour. La billetterie vient elle aussi gonfler la trésorerie, puisque plus de 200 000 billets avaient été vendus en 2023 par exemple. Le fric est partout…Il coule à flots. On dort par exemple en paix sur la Croisette et dans le reste Cannes. Les hôtels quadruple le pris des chambres et certains réalisent en quinze jours 20 % du chiffre d’affaires. En 2024, ce sont 80 000 nuitées qui avaient été réservées !
L’image de ces femmes et de ces enfants palestiniens revient devant mes yeux. Hier la défense civile de Gaza annonce un bilan actualisé d’au moins 88 morts dans les bombardements israéliens, après un bilan de plus de 100 morts hier jeudi. Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, met en garde contre un « nettoyage ethnique « ,, évoquant une « dernière vague de bombes, obligeant les gens à se déplacer sous la menace d’attaques encore plus intenses, la destruction méthodique de quartiers entiers et le refus de l’aide humanitaire ». Vous ne verrez pas d’images de cette escalade de la violence et donc le monde entier se tourne vers d’autres sujets moins culpabilisant.
A quelques centaines de kilomètres de là, lors de sa tournée de VRP (voyageur représentant de Trump) le Président américain a annoncé des contrats d’armement pharaoniques. Mercredi, à Doha, Donald Trump a ensuite scellé avec l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, un partenariat économique chiffré à 1 200 milliards de dollars. L’accord inclut notamment la commande de 210 avions Boeing par Qatar Airways pour un montant de 96 milliards de dollars, la plus grande de l’histoire pour le constructeur américain ;
Un autre volet de l’accord prévoit 10 milliards d’investissements sur la base US d’Al-Udeid qui représente un point stratégique majeur pour les opérations américaines au Moyen-Orient. Le Qatar a par ailleurs prévu de verser 42 milliards pour des achats d’armements américains. Il reviendra un jour dans son avion cadeau de 400 millions de dollars. Combien de centaines de tonnes de farine, de semoule, de litres d’eau potable, de ciment pour la reconstruction, de médicaments représentent ces contrats ?
Les regards des enfants de Gaza ne sont pas ceux des films. Ils me regardent fixement. Ils me hantent. Ils devraient être sur le mur bardé de logos de ces marques du profit outrancier devant lequel posent ces marionnettes d’un système déshumanisé.
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« Les regards des enfants de Gaza ne sont pas ceux des films. Ils me regardent fixement. Ils me hantent. »
Et ils me rappellent douloureusement, tragiquement, les mêmes images ou presque, vues en 1945 quand le « monde » a découvert les « camps », où il n’y avait pas que des juifs : des « manouches » (il y en avait d’ailleurs un camp tout près, mis en place par « l’état français », dont les occupants n’ont été délivré par les nouvelles autorités en place, qu’en 1946, à notre grande honte (la nouvelle soigneusement cachée n’ a été connue que plus tard).
Il y avait aussi des homosexuels, mais ça on n’en parlait pas, des opposants politiques, des résistants, etc.
Lorsque « nos déportés » survivants sont revenus, une foule était venue les accueillir à la gare, mais à cause de mon encore jeune âge, et vu l’état dans lequel on s’attendait à trouver ces survivants, je ne fut pas autorisé à assister à cette arrivée.
Tant mieux peut être, car je pense que les images m’en reviendraient comme me reviennent les images des déportés et des camps de 1945, quand je vois des images de Gaza.
Et ce qui me met en rage, c’est l’indifférence des grandes puissances, et leur apparente incapacité à faire cesser cette horreur.
Les bourreaux de 2025 ont dépassé en horreur leur modèle des années 40.
Maudit soit ce peuple satanique (ou du moins ses dirigeants) qui se prétend « élu de dieu ».
Prière de ne pas étendre cette imprécation à la communauté juive, dont beaucoup de membres réprouvent ces actions.
@JJ ce lien qui en dit long sur comment les Israéliens vivent les évènements
https://regards.fr/breve-du-jour/
cordialement
Bonjour,
au sujet de Gaza ce lien venant du site escrologiste Reporterre décrit le martyre des Palestiniens dans le silence ouaté de l’ eurovision. Eurovision à laquelle participe Israël malgré les contestations. L’année dernière aussi, plusieurs pétitions et une manifestation avait eu lieu en Suède, où se tenait l’édition 2024. « Les comparaisons entre les guerres et les conflits sont complexes et difficiles […] Nos organes directeurs […] ont convenu que le radiodiffuseur public israélien Kan satisfaisait à toutes les règles du concours pour cette année et qu’il pouvait participer », avait jugé en février 2024 Noel Curran, le directeur général de l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER organisatrice de l’eurovision). Çà fait rentrer des sous dans les caisses de l’UER, il y a juste à se boucher le nez pour passer tranquille à coté des odeurs de charnier.
https://reporterre.net/Israel-veut-couper-tout-lien-des-Palestiniens-avec-leur-terre
L’organisation humanitaire Médecins sans frontières a décrit Gaza comme un charnier pour des milliers d’habitants, mais aussi « pour ceux qui tentent de les aider ». Douze des plus grandes organisations d’aide internationale viennent de lancer un appel commun et désespéré. Pourtant, ces appels semblent rester sans réponse. Le ministre israélien de la défense, Israël Katz, a répété ces derniers jours qu’« aucune aide humanitaire n’entrera à Gaza ».
Bezalel Smotrich s’est fait l’écho de ce sentiment, confirmant qu’une pression maximale était exercée pour « évacuer les gens vers le sud et mettre en œuvre le plan de migration volontaire du président Trump pour les habitants de Gaza ». Ce plan est celui qu’Israël Katz avait déjà présenté au Conseil de l’UE début 2024 alors qu’il était ministre des affaires étrangères.
Simultanément, en Cisjordanie, l’armée mène sa plus grande offensive depuis des décennies. Plus de 40 000 Palestiniens ont déjà été déplacés de force depuis le nord du territoire, ce qui semble bien être la préparation de la mise en œuvre des plans défendus par les législateurs d’extrême droite pour étendre de nouvelles colonies, lesquelles sont illégales au regard du droit international. Le 23 mars, le gouvernement a néanmoins reconnu la légitimité de 13 de ces colonies. L’extrême droite fondamentaliste espère que Donald Trump soutiendra ses projets d’annexion d’une partie ou de la totalité de la Cisjordanie, ce qui aurait pour effet d’anéantir toute possibilité de créer un État palestinien.
Puisque JMD évoque les problèmes d’argent en toile de fond de la tragédie qui se joue en Palestine voici le point de vue de Joseph Borrel. Josep Borrell est un ancien ministre espagnol, ancien président du Parlement européen et ancien haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne.
» Pour certains pays européens, la culpabilité historique liée à l’Holocauste s’est transformée en une « raison d’État » qui justifie un soutien inconditionnel à Israël, risquant ainsi d’engager l’UE dans une complicité avec des crimes contre l’humanité. Une horreur ne peut en justifier une autre. À moins que les valeurs que l’UE prétend défendre ne perdent toute crédibilité, l’Union ne peut continuer à observer passivement l’horreur qui se déroule à Gaza et la « Gazaification » de la Cisjordanie.
Contrairement à ce que l’on pense généralement, et malgré le manque apparent d’empathie dont font preuve certains de ses dirigeants, l’UE exerce une influence considérable sur le gouvernement israélien. Elle est le premier partenaire d’Israël en termes de commerce, d’investissement et d’échanges entre les peuples. L’UE fournit au moins un tiers des armes importées par Israël et a conclu avec ce pays son accord d’association du plus haut niveau qui, comme tous les accords de ce type, est subordonné au respect du droit international, en particulier du droit humanitaire.
Si la volonté politique existe, l’UE possède les moyens d’agir. Et il est grand temps pour elle de passer à l’action. Nombre d’Israéliens, convaincus que la trajectoire actuelle de Benjamin Netanyahou menace à terme la sécurité et la survie d’Israël, accueilleraient sans doute favorablement un tel changement. »
Je me permets d’ajouter que dans un monde qui change et où le gendarme est de plus en plus contesté il est temps pour l’ UE(rss) de considérer la vision des peuples non-occidentaux. Il faut contraindre le Conseil de l’UE et la Commission à prendre des mesures pour répondre aux violations massives et répétées du droit international et du droit humanitaire par le gouvernement de Benjamin Netanyahou. Le contraste est violent entre la réponse énergique de l’Union quand il s’est agi de l’agression de Vladimir Poutine contre l’Ukraine et le laisser faire vis à vis de Netanyahou .
Ce double standard affaiblit la position de l’UE(rss) dans le monde, non seulement dans le monde musulman, mais aussi en Afrique, en Amérique latine et en Asie. L’Espagne et quelques autres nations européennes ont fait part de leurs préoccupations, sans aucun effet hélas.
Pour aller jusqu’au bout de mon raisonnement, je suspecte bon nombre de grands mamamouchis non élus dirigeant l’UE (rss) de connivence voire même de corruption. Complotiste un jour, complotiste toujours.
Bon repos de fin de semaine