You are currently viewing L’écran triomphant étouffe le vivre livre

L’écran triomphant étouffe le vivre livre

Il est assez aisé de constater que nous nous éloignons chaque jour un peu plus de la civilisation de l’écrit. J’effectue le constat de manière simple sur les réseaux sociaux où une image, une vidéo recueille beaucoup plus d’intérêt qu’un écrit sur le même sujet. Il arrive même que des « lectrices » ou « lecteurs » approuvent des posts sans j’en suis certain avoir lu les textes qui sont publiés. Cette réalité est confirmée par une enquête effectuée par le Centre National du Livre. Dans le salons en raison de la baisse du pouvoir d’achat et de l’absence de motivation, les promeneuses ou les promeneurs sont beaucoup plus nombreux que les acheteuses ou les acheteurs.

L’enquête a pour objectifs de mesurer, sur la durée, les pratiques et les perceptions des Français vis-à-vis du livre et de la lecture, mais aussi de mieux comprendre ce qui favorise ou au contraire freine et acte distractif ou culturel. Le résultat est implacable : les Français s’emparent de moins en moins d’un livre. A tous les âges et dans toutes les catégories sociales la baisse est de 5 points d’une année sur l’autre. L’effondrement de tous les indicateurs résulte du poids des écrans de toute nature dans la vie quotidienne. Ainsi seulement 63 % a avoir lu cinq ouvrages au cours des douze derniers mois. Si les versions numériques semblent progresser (+ 3%) la dégringolade globale de 4 points de l’attention porté à l’écrit a de quoi inquiéter la presse « papier . C’est le niveau le plus faible de la décennie.

L’accès aux livres s’effectue par la moitié des 15-34 ans via les formats numériques ou ce qui devient tendance par l’écoute des enregistrements chez les « garnds lecteurs » (+8%). Bien des éditeurs se lancent sur ces deux créneaux avec l’espoir de conserver des habitués des publications qui sont les leurs. Pour lutter contre les difficultés financières d’achat dans la période actuelle les séries dites de « poche » ont la côte mais ce n’est pas la panacée pour effacer le désintérêt qui s’installe.

Les réfractaires ne viennent plus vers la lecture et rien ne semble les y conduire. L’envie de lire n’existe pas chez eux. J’ajouterai personnellement ce que l’enquête n’a pas quantifié : les difficultés qu’ont de plus en plus d’adultes ou de jeunes à simplement lire… Seuls 5 % d’élèves ont un niveau dit « avancé » en France, contre 9 % dans le reste de l’Union européenne, et 27 % enregistrent un niveau élevé contre 32 % ailleurs en Europe.  Chez les non-lecteurs, peu de raisons sembleraient déclencher leur envie de lire. La concurrence des autres loisirs, en particulier en ligne et sur écrans, freine . Pour leurs loisirs, les Français se tournent de plus en plus vers Internet pour différentes activités (+7 pts vs 2023), en particulier les moins de 35 ans : tous (100 %) pratiquent des activités sur Internet.

Sur leur temps libre, ils consacrent ainsi presque une journée par semaine aux écrans (23 h 27 ; + 49 minutes par rapport à 2023 hors études/travail) et jusqu’à plus de 35 h par semaine chez les moins de 25 ans, soit quasiment autant de temps aux écrans chaque jour (3 h 21 par jour) qu’à lire des livres chaque semaine (3 h 40 par semaine ; 1 h 07 par semaine vs 2023). Alors que, concernant la pratique de la lecture, tous les indicateurs sont au rouge et révèlent, a contrario, combien les écrans entrent de plus en plus dans la vie quotidienne. D’ailleurs je contribue moi-même à votre longueur de séjour devant un écran avec cette chronique.

Ce qui m’inquiète encore plus c’est que les acheteurs avouent que la présence d’un livre ou d’un auteur sur Internet leur donne envie d’acheter le livre évoqué (55 % chez l’ensemble des acheteurs et jusqu’à 91 % chez les acheteurs de 15-24 ans). Pour les lecteurs, des conseils ou des discussions sur les réseaux sociaux peuvent également leur donner envie de lire (47 % chez l’ensemble des lecteurs ; 79 % chez les 15-24 ans ; 60 % chez les 25-34 ans), tout comme le visionnage d’une série ou d’un film adapté sur une plateforme (43 % chez l’ensemble des lecteurs ; plus de 60 % chez les moins de 35 ans). J’ai maintes fois dénoncé le fait que des livres n’en sont pas puisqu’ils reposent non pas sur le contenu mais sur le nom inscrit de la première page. On achète une « tête de gondole » pas un auteur !

Pour Régine Hatchondo, présidente du CNL : « Les écrans sont là, au quotidien dans nos vies, notamment celui du smartphone avec ses applications, et un bon usage du numérique peut apporter beaucoup. Mais pour la première fois dans son histoire, l’espèce humaine est confrontée au fait d’avoir une sorte de « doudou » greffé au bout de son bras, dernière fenêtre caressée avant de s’endormir pour reprendre les mots d’Alain Damasio, et la première ouverte au réveil. Face à cette omniprésence des écrans dans nos vies, à l’enfermement algorithmique et à la fragmentation de l’attention créés par les réseaux sociaux, la lecture est menacée. Les données révélées par notre baromètre sont inquiétantes. Une prise de conscience individuelle et collective est aujourd’hui nécessaire pour l’avenir de nos sociétés et celui de la filière du livre ». Dans le contexte présent on en est très loin…

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 5 commentaires

  1. martine puyo

    BONJOUR Jean Marie,
    j’ai toujours lu et je continue. J’ai besoin d’un support papier pour lire. j’achète plus d’une dizaine de livres par an, plus ceux que je me procure gratuitement par échange. je regrette infiniment que les jeunes ne lisent pas, il y a tellement de plaisir à lire un bon roman, qu’il soit d’un auteur français ou d’un auteur étranger traduit. c’est le rêve d’un voyage futur, d’une culture que l’on ne connait pas mais que l’on découvre. Tous les soirs avant de m’endormir j’ai besoin de lire .

  2. J.J.

    On achète une « tête de gondole » pas un auteur !
    C’est rarement mon cas. j’aime découvrir de nouveaux auteurs, mais souvent de peur d’être déçu (ce qui m’est arrivé parfois) je préfère lire ou relire ce que je considère comme une « valeur sûre ».
    C’est vrai que j’ai de la peine à me remettre à la lecture, surtout depuis que j’ai ma nouvelle tablette, entrainé par la facilité de l’image. Mais je m’efforce de reprendre un « livre papier » et la magie de l’écriture revient de nouveau.
    Par contre pour écouter de la musique, la tablette c’est « super », j’arrive à trouver des titres ou des interprètes que je cherchais depuis longtemps sans espoir, à tel point que parfois je ne sais plus où donner de l’oreille.
    Mais c’est vrai qu’il faut faire un effort au départ, ce dont ne sont peut être pas capables ou conscients des lecteurs non assidus et peu « entraînés ».
    Je goûte peu la lecture sur tablette sauf évidemment les ouvrages que je ne peux trouver en « papier »(vieux ouvrages à la BNF par exemple) et j’ai de la peine à apprécier ce procédé.

  3. Pc

    Pour lire encore faudrait-il savoir , et pas seulement déchiffrer, ce que la plupart savent faire mais aussi comprendre ce qui est lu.
    Lors de réunions professionnelles j’ai constaté que au moins la moitié des participants, non seulement mettaient un temps fou pour lire quelques lignes, mais surtout ne comprenaient pas ce qu’ils lisaient.
    En résumé, ils ne savaient pas lire.
    Pour ma part après avoir plafonné à 50 livres par an , souvent plusieurs en même temps, je dois être à une vingtaine par an de tout genre.
    J’aime, entre autre, fouiller dans les cabanes à livres, les brocantes et les bouquinistes, à quoi j’ajoute parfois des recommandations (télé, radio, journaux), peu de livres récents (il y en a trop on ne sait pas quoi choisir et on est souvent déçu).
    Lus récemment « un nom sur le mur  » de Le Tellier pour apprehender la periode 40/44 et  » Mesopotamia » de Guez pour comprendre le Moyen Orient, mais aussi quelques Fleuve Noir, « La Peste » de Camus, et le der Prix du Quai des Orfèvres.

    T

  4. facon jf

    Bonjour,
    je répondrai pour commencer par répondre à @ Pc que en tant qu’ex-formateur pour adultes j’ai connu moi aussi des adultes qui avaient des difficultés pour déchiffrer et surtout comprendre les consignes données. Il fallait alors ruser pour les aider tout en essayant tant bien que mal d’ éventer cette « particularité » qu’ils dissimulaient souvent.
    Le second mari de ma défunte mère qui m’a nourrit depuis mes 6 ans était illettré ce qui a créé entre lui et moi des conflits insolubles. Né en 1911 en pays Chouan, il était allé à l’école au cul des vaches, ce qui n’enlève rien à son courage. Lecteur acharné je dévorais tous les livres à ma portée, le vieux Larousse à la couverture usée était l’un de mes compagnons favoris. Je préférais cent fois les livres aux parties de foot avec les copains. Ce brave homme qui partageais la vie de ma maman ne supportais pas le temps qu’il jugeait gaspillé à me voir lire, me rappelant à chaque fois qu’il y avait du travail au jardin sa plus grande passion… J’ai donc pris très tôt l’habitude de me cacher pour lire en secret ce qui me tombait sous les yeux. Tout y passait, magazines, bandes dessinée, journaux, livres de toutes natures, que je trouvais souvent abandonnés ici ou là. Les bandes dessinées étaient pour moi des trésors inestimables. Heureusement mes grands-parents maternels et ma maman étaient eux aussi passionnés de lecture et ils approvisionnaient ma réserve par des livres bien choisis que je pouvais lire en toute sérénité et sans me cacher.
    “Ne plus lire depuis longtemps, c’est comme perdre un ami important.” proverbe que l’on dit Chinois. Ma pauvre maman a perdu en grande partie la vue, séquelle de la DMLA, elle qui occupait sa retraite à la bibliothèque municipale ne pouvait plus retrouver ses grands amis les livres et à travers eux les auteurs qu »elle chérissait. Par chance elle fit la connaissance des livres audios sur cassettes enregistrées par des lecteurs bénévoles. Un réconfort pour occuper ses vieux jours, voyageant en spectatrice immobile dans son fauteuil.
    Qu »il me soit permis aujourd’hui de remercier tous ces anonymes qui enregistrent ces livres au bénéfice des malheureux qui ne peuvent plus s’évader par la lecture.
    Bonne soirée

  5. Alain.e

    Je l’ avoue , je lis beaucoup , mais plus beaucoup de livres .
    Pour lire un livre , il faut du temps , beaucoup de temps et comme le temps ,c’ est de l’ argent , je prends l’ argent et laisse le temps .
    Mais même l’ écriture , c’ est pas évident pour tout le monde …
    Le plus surprenant , c’ est que mes menaces à Donald dans mon précédent commentaire ont fonctionnées , il fait une pose sur les droits de douane , je ne me savait pas aussi influent finalement.
    Humoristiquement.

Laisser un commentaire