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Deux aventurières en roue libre le nez au vent

Toutes deux discutent avec leurs voisins de table au Petit Bar Créonnais. Souriantes, curieuses et habituées à s’intéresser aux autres Charlotte et Chimène hument l’air réchauffé par un timide soleil en sursis sur la place. Elles ont un œil sur deux bicyclettes chargées de lourds bagages enveloppés dans des toiles étanches noires. Toute leur entreprise se trouve rassemblée dans ces sacoches ou ces paquets aussi bien ficelés que possible. Elles ont engagé le conversation avec Vincent qui déguste son café sur le chemin du retour vers la métropole sur leur monture de course. Pour leur part elles se déplacent avec des vélos ressemblant davantage aux ânes bâtés pour se rendre au marché. Deux mondes de la pratique vélocipédique se réconcilient l’espace d’un instant partagé sur une terrasse. Charlotte cherche « un viticulteur avec lequel elle pourrait échanger sur son métier ». C’est pour cette raison que j’ai été appelé en renfort pour tenter de dénicher l’oiseau rare.

Charlotte se présente comme « autrice, comédienne » et Chimène comme « dessinatrice ». Le duo des laborieuses de la piste cyclable arrive de Marmande et se dirige vers Bruges dans la banlieue bordelaise où il donnera un spectacle gratuit (1) dans trois jours. « Nous sommes basées à Aix en Provence et nous avons rejoint Marmande par le train. Depuis nous pédalons pour rechercher les éléments constitutifs de ce que nous présenterons au public. » Elle effectue en effet un récit se son aventure à vélo. « Je trouve l’inspiration en pédalant et je vous assure qu’il y a de multiples rencontres, des anecdotes amusantes ou des situations plus compliquées. Un périple à vélo quel qu’il soit constitue une source d’inspiration permanente. » D’ailleurs la prestation qu’elle effectue devant tous les publics s’intitule « le nez au vent ! ». Pour elles le spectacle c’est simplement « le chemin » et les haltes qu’il comporte. Tout ce que nous voyons plus et qui les étonne. 

« Je raconte une itinérance vécue, avec ses hautes et ses bas, ses moments de doute, de solitude ou de partage précise Charlotte. Je restitue avec les fusains de Chimène les paysages ou les sensations d’un carnet de voyage grandeur nature. Pour construire le spectacle il me faut donc vivre la réalité d’une trajet me conduisant vers le public. » L’actrice ne sombre pas dans la facilité puisque toutes ses créations sont forcément différentes et originales. Pour trouver la matière première de sa narration elle se pose sur la selle, les mains sur le guidon, le nez au vent, pour retrouver un puits d’inspirations dans les sensations, les émotions ou les divagations de ce qui demeure une aventure.

Les deux cyclo sportifs ont des impératifs horaires. Vincent et son collègue reprennent la route avec le vent dans le nez. Dure réalité que leurs interlocutrices ignorent, car pour elles le temps ne compte pas. Il faut le prendre pour décortiquer et savourer tout ce qu’offre le parcours. D’autant que la curiosité, la volonté d’apprendre et de comprendre, le souci de fixer une impression au fusain sur un carnet obligent à traîner, à donner du temps au temps. L’ordinaire que la majorité des gens méprise prend pour Charlotte et Chimène des allures extra… ordinaire par la simple magie de la motivation de comprendre ou le pouvoir du regard décalé. Que retiendront elles de leur halte créonnaise ? Quels mots mettront elles dans leurs sacoches ? Quels dessins accompagneront cette rencontre ? Il faut se rendre au spectacle pour le savoir.

Dès qu’elles arriveront à Bruges, Charlotte se mettra à l’écriture et Chimène transformera ses esquisses en dessins. L’aventure du quotidien d’un duo sans idées préconçues et simplement installée dans la proximité avec les êtres, les choses ou la nature prendra alors une autre dimension. Pédaler pour créer. Pédaler pour transmettre. Pédaler pour valoriser. Pédaler pour se libérer. Dénommée « La Bouillonnante » (2) cette échappée originale offre une bouffée d’air pur à inspirer pour que nous oublions l’exotisme facile ou les poncifs touristiques.

Charlotte et Chimène m’ont écouté. Je serai resté toute la journée avec elles à parler de ma passion pour le vélo, ce moyen de déplacement qui change le prisme avec lequel nous voyons le monde. Mes utopies des années 1990 ont vite ressurgi lorsqu’elles ont évoqué leur périple par les rives du Canal du Midi, la piste Lapébie. « mais vous, avez-vous fait du vélo ? » La question m’a déstabilisé. Oui j’en ai fait pas mal car c’est grâce au vélo que je suis devenu ce que je suis. C’est lui qui chaque jour de classe m’a permis de fréquenter le Cours complémentaire puis le collège de Créon. Un bon vieux vélo Motobécane acheté d’occasion par mon père au garde-champêtre qui l’avait précédé et qui en avait assez de pédaler dans Sadirac par monts et par vaux. Je me suis rendu compte beaucoup plus tard combien il avait été mon meilleur ami. Moi aussi j’ai beaucoup appris, rêvé, inventé à son guidon que je lâchais des deux mains pour démontrer ma maîtrise d’un engin lourd et peu maniable. « Pédaler c’est sans cesse faire des allers-retours entre le dehors et le dedans » explique Charlotte. Bon sang je découvre combien c’est vrai !

(1) Spectacle gratuit aujourd’hui au parc Treulon à Bruges à 16 h.

(2) Compagnie La Bouillante. Charlotte Tessier et Chimène Voronkoff Contact 06 52 06 60 55 ;

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