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Mort au champ d’honneur de la pratique du vélo

Le drame qui vient de se produire à Paris où à la suite d’une querelle avec un automobiliste un cycliste a été tué dans des circonstances qu’une enquête déterminera. Cette mort n’aura pas j’en suis certain, l’audience d’autres affaires de la rubrique des faits divers. Elle reflète pourtant la réalité de cette société où tout se règle par la violence. J’ai été durant sept ans président du Club des Villes et territoires cyclables (1) , association regroupant des centaines de collectivités dans laquelle ont été menées des actions positives non pas contre les automobilistes mais pour le partage de la rue ou de la route. Utopie non rentable électoralement. Ce drame me touche donc directement.  La malheureuse victime qui n’avait selon les premières informations seulement demandé le respect de son statut d’utilisateur d’un autre support de mobilité que celui de la bagnole triomphante, mériterait une manifestation particulière et si j’étais encore en poste j’’organiserai à Paris un vaste rassemblement de toutes celles et tous ceux qui préfèrent la citoyenneté sur deux roues à la dépendance méprisante sur quatre.

La pratique du vélo pour celles et ceux qui peuvent y souscrire, constitue en effet un acte citoyen qui devrait être appris, développé, encouragé dans tous les lieux et dans toutes les circonstances. Même s’il ne s’agit pas de la panacée pour une mobilité de proximité apaisée elle y contribue forcément. Souvent dénigrée, caricaturée ou assimilée à des comportements écolo-extrêmistes elle provoque des réactions injustifiées en raison de la manière dont est vécue l’usage de l’espace public dévolu aux déplacements.

L’histoire même de l’industrialisation du pays a donné en France la primauté à l’automobile partout et tout le temps. Il a fallu des années de lutte pour parvenir à instiller d’autres usages sur ce qui est pourtant un équipement d’intérêt général : la rue ou la route La notion de « partage » n’ayant plus cours il faut désormais séparer les modes de déplacement qui ne vivent heureux que dans leurs couloirs respectifs. L’insécurité bien réelle vient pourtant seulement de la prééminence du « plus fort sur le plus vulnérable ». Le camion impose sa loi à l’automobile qui domine les « deux roues » désormais aux multiples formes, et ces derniers ne respectent pas les piétons. A chaque instant, faute de réels rééquilibrages des sanctions par mépris du vivre ensemble, le constat de cette dure réalité s’impose si l’on sait seulement observer le comportement des uns et des autres sur les voies publiques.

Le cycliste parisien est mort écrasé par ce culte de la supériorité de celui qui se trouve installé derrière un volant. Le conducteur s’arroge de plus en plus souvent le droit d’enfreindre toutes les règles qui ne s’appliquent qu’aux autres : stationnement sur les places réservées aux personnes à mobilité réduite (allez donc voir sur les parkings des grandes surfaces) ; vitesse démentielle aux heures où les contrôles impromptus n’existent pas (venez entre 19 h 30 et 21 h dans la rue Baspeyras à Créon par exemple) ; refus de respecter les panneaux (voie réservée sur le contournement de Fargues qui sert à doubler par la droite aux automobilistes pressés)…feux tricolores non respectés par des conducteurs excités mais c’est aussi vrai pour les cyclistes qui n’utilisent pas en ville les espaces qui leur sont dévolus ou qui zigzaguent entre les piétons sur les trottoirs. Et désormais il faut ajouter à ce tableau tous les Objets Roulants Non Identifiables (ORNI) qui revendiquent leur place.  En fait l’usage chaque fois que c’est possible physiquement et matériellement de tout autre moyen de locomotion que l’automobile devient un acte précieux pour l’avenir mais dangereux car heurtant les certitudes du dominant.

Au cours des dernières années les initiatives se sont pourtant raréfiées en matière de partage de l’espace public. Les coupes budgétaires à venir accentueront cette baisse des investissements des collectivités locales dans la mobilité douce. Comme par ailleurs l’automobile rapporte des sommes considérables (TVA, Taxe sur les carburants ou l’électricité, stationnement payant par exemple) et qu’en revanche le vélo coûte, la balance est vite faite. Or des changements importants sont intervenus comme les vélos à assistance électrique qui ont nettement amélioré le rayon d’utilisation de ce moyen de déplacement mais qui ne décollent pas.

Le budget 2025 annonce un année zéro pour la bicyclette. En effet les mauvaises nouvelles roulent en peloton serré. Avant les débats parlementaires sur le projet de loi de finances, Bercy a déjà limité à 3,7 milliards d’euros le budget 2025 de l’agence de financement des infrastructures de transports (Afit) : une coupe de 21% par rapport cette année. Si cela se vérifiait, l’agence ne pourrait financer aucun nouveau projet. Cela tombe mal pour les citoyens pratiquant les cycles de ville et des VTT. On retourne en arrière.

« La route, souvent, c’est le reflet de la société en pire« , a déclaré sur France Info le vice-président de la Ligue contre la violence routière. Je ne saurais mieux dire. On s’y comporte comme dans la vie : agressivité, polémiques, déploiement du fameux : »c’est fait pour les autres pas pour moi! » et surtout inconscience vis à vis des vrais enjeux. Un mort de plus pour le prouver et une envie parfois de reprendre du service pour secouer la résignation ambiante. Il aura droit à des fleurs et à des bougies sur un trottoir. 

(1) De 2008 à 2014 

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Cet article a 6 commentaires

  1. alain

    la liberté des uns s arrête ou commence celle des autres
    n étant plus cycliste (vu mon âge ce ne serai pas raisonnable)
    je ferai deux remarques sur les cyclites qui sur route roulent en peloton
    et en ville ne respectent pas tous le code de la route

  2. J.J.

     » La malheureuse victime …. mériterait une manifestation particulière. »
    Ton souhait a été exhaussé je pense : hier soir la 6, je crois (à moins que ce soit le Une ou Arte, en décalage je regarde en partie les trois, et j’y vois souvent les mêmes images achetées aux mêmes agences de presse) diffusait un reportage d’une manifestation place de la Madeleine, rendant hommage à cette pauvre victime d’un acte difficilement qualifiable, et beaucoup de participants étaient particulièrement émus.
    Il faut reconnaître également que les autorités prennent parfois d’absurdes mesures : probablement pour respecter des quotas imposés, une voie de circulation, devant le Lycée Professionnel voisin a été neutralisée et est devenue une piste cyclable. Résultat : lorsque le bus s’arrête à sa station, ou lorsque le personnel venu en voiture fait la queue pour entrer dans le Lycée, et quand les deux se conjuguent, la circulation est complétement bloquée dans le carrefour. Avec l’arrivée des élèves en nombre, c’est alors un joyeux « b… » . Sur la piste cyclable déserte, on voit parfois(très rarement) s’aventurer un vélo ou une trottinette, non par mauvaise volonté, mais ces engins de déplacement sont particulièrement rares dans une ville où pour aller d’un quartier à l’autre, il faut affronter des pentes dépassant souvent les 13 ou 14%.
    On voit un peu plus d’engins à assistance électrique, mais ils sont relativement couteux et ne sont pas tous autorisés à circuler sur une piste cyclable.
    Pourtant la communauté de communes fait des efforts : au siège de la compagnie locale de transport de bus, on peut louer un vélo électrique et le faire entretenir. Cette initiative connaît un certain succès.

  3. Frank Ze

    Très bon article – ce n’est certainement pas une consolation, mais : c’est la même chose en Allemagne.

  4. christian grené

    Il est loin le temps des cerises. Rappelle toi Jean-Marie quand on partait de bon matin, quand on partait sur les chemins, à bicyclette. Y avait Francis et Sébastien. Et puis Paulette.
    L’avait bien raison Ivo Livi. Y avait aussi Ezio. C’était le bon temps du vélo dont chacun connait l’anagramme: LOVE. J’arrête là, j’ai un coup de pompe.

  5. Alain.e

    Impossible pour moi de commenter cet article, je reviens juste du salon de l’auto , enfin de l’auto électrique que l’ont veut nous vendre , des trucs hors de prix pour la plupart….
    Comment font il pour acheter ça….
    Bon , suis aussi motard , cycliste et marcheurs et je confirme la présence d’abrutis dans tout ces groupes.
    Cordialement.

  6. JJM

    Que pensent nos amis automobilistes de ces chaussée à voie centrale bidirectionnelle dites Chaucidou pour voitures, cyclistes et piétons? Que disent certains de ces mêmes automobilistes des aménagement à Tresses de pistes cyclables? Eh bien ils se plaignent de la gêne occasionnée.Malgré mon âge avancé je fait toujours du vélo sur les routes Créonaises que JM connait bien.Quand je me rends à Bordeaux j’utilise le vélo.Jusqu’à l’âge de la retraite, en 2004, j’allais à la zone industrielle de l’aéroport depuis Bordeaux (17 km) un ou plusieurs jours par semaine, selon la saison.S’il pleuvait trop c’était à moto.Pour avoir traversé la ville,non aménagée à l’époque,je n’ai jamais eu de craintes sur le vélo.Maintenant si! Nous avons affaire à une civilisation de sauvages,gens agressifs qui vous frôlent et ne respectent rien.A vélo, oui avec mon camarade nous avons peur et je suis encore plus inquiet pour mes (nos) enfants.

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