You are currently viewing Il n’y a plus aucune vision d’avenir

Il n’y a plus aucune vision d’avenir

On a vraiment l’impression qu’au soir du second tour des élections législatives, une page s’est tournée. Après quatre semaines d’un combat contre les extrêmes et entre les extrêmes, est arrivée la période de la répartition des rôles. A la droite de la droite on attend désormais patiemment que le fruit tombe de l’arbre du suffrage universel en 2027. Il y aura des lendemains meilleurs pour peu que la dédiabolisation ne soit pas mise à mal par de grossière erreurs de casting. C’est une certitude. Trop occupés à se déchirer le reste des courants de pensée politique ne va plus mener une lutte effective contre les principes que le RN a pourtant réussi à ancrer dans plus de 10 millions d’esprits en colère ou déçus. On lave son linge sale en famille. 

Les vacances approchent pour les catégories sociales qui peuvent en prendre. Elles se détourneront d’une situation pour le moins abracadabrantesque qui éloignera encore plus les citoyens des partis. La défiance et parfois même la haine à l’égard du Président augmentera. Ce ressentiment a alimenté bien plus que les programmes ou des affirmations conjoncturelles les votes pour les deux camps opposés. Les affrontements avec des outrances calculées reprendront leur cours. Il n’y aucune initiative qui puisse éclairer les chemins d’un avenir pourtant très sombre.

Deux premiers ministres au cours des cinquante dernières années, ont ouvert des perspectives positives ; Jacques Chaban-Delmas et sa nouvelle société et Michel Rocard lors de son discours d’investiture. Tous deux avaient mis du fond dans leur propos et tentaient de changer durablement le cours des événements qui les avaient amenés au pouvoir. Ils ont lourdement payé leur « progressisme » pragmatique. Pour le premier c’était le 16 septembre 1969 et pour le second le 29 juin 1988 presque 20 ans plus tard. Depuis c’est le vide, le néant et aucune idée novatrice n’a émergé. Le néant. 

Chaban n’y allait pas de main morte quand il déclara : « Nous sommes encore un pays de castes. Des écarts excessifs de revenus, une mobilité sociale insuffisante maintiennent des cloisons anachroniques entre les groupes sociaux. Des préjugés aussi : par exemple dans une certaine catégorie de la population non ouvrière, à rencontre des métiers techniques ou manuels. J’ajoute que ce conservatisme des structures sociales entretient l’extrémisme des idéologies. On préfère trop souvent se battre pour des mots, même s’ils recouvrent des échecs dramatiques, plutôt que pour des réalités (…) » Fermez le ban! 

Il avait aussi diagnostiqué l’état du pays en quelques phrases bien senties : « De cette société bloquée, je retiens trois éléments essentiels, au demeurant liés les uns aux autres de la façon la plus étroite : la fragilité de notre économie, le fonctionnement souvent défectueux de l’État, enfin l’archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales. Notre économie est encore fragile. Une preuve en est que nous ne pouvons accéder au plein emploi sans tomber dans l’inflation. C’est cette tendance à l’inflation qui nous menace en permanence d’avoir à subir la récession ou la dépendance (…) » Qu’y a-t-il de changé ? Une feuille d’impôt opportunément sortie du Ministère des Finances suffit à lui rabattre le caquet et à ramener son équipe novatrice dans les clous. Exit la Nouvelle Société.

Quant à Rocard sans majorité parlementaire et soutenu par un PS majoritaire minoritaire qui était son principal handicap, il surprendra par son « parler vrai » qui contrastait avec les envolées lyriques de Pierre Mauroy en 1981 et le ton mesuré de Fabius en 1984 : c’est le « style Rocard », le « ton Rocard ». Le Premier ministre va jusqu’à prendre des accents de Martin Luther King : « Je rêve d’un pays où l’on se parle à nouveau, je rêve de villes où les tensions sont moindres (…) ». Il ne rêve plus et nous non plus.

Accueilli sur certains bancs par des ricanements ou de la commisération, ce discours était prémonitoire. Il prenait la mesure d’un mal, celui des banlieues, qui peu à peu s’imposera à tout discours politique de droite ou de gauche. Le deuxième sujet, plus technique, présentait les principales mesures sociales envisagées par le gouvernement Rocard, notamment le RMI et l’impôt de solidarité sur la fortune. Il avait raison trop tôt ce qui n’est jamais bon en politique. Il vaut mieux réagir qu’agir ! 

Nous étions très loin des catalogues de mesures impossibles à mettre en œuvre dans un contexte de pré-faillite de l’État. En un peu moins de deux mois le déficit de l’Etat s’est accru de 5 milliards sans que l’on entende la moindre prise en compte de ce paramètre angoissant. Rien. Pas un mot. La désillusion sera épouvantable. Dans six mois la catastrophe sera évidente. Le Maire de Bercy dira que c’est la faute de la Gauche et la Gauche dira que c’est la faute de Le Maire. 

Dans le fond et en toute sincérité, il me paraît suicidaire pour le NFP d’arriver au pouvoir. Pourvu que les clans ne se mettent pas d’accord sur le nom d’un locataire de Matignon ! Rien en serait pire. On en prendrait pour 25 ans de  Le RN n’est pas autant déçu que l’on veut biepénitence. Les ex-LR eux ne se battront pas pour s’allier avec les responsables de la faillite. Ces derniers oublieront vite ce qu’ils doivent à la Gauche et aux démocrates.  Laissons donc les Macronistes se frotter aux conséquences de l’arrogance maladive de leur mentor et assumer enfin leurs responsabilités de Députés. Préparons des idées neuves pour la fin 2025 ! On peut toujours rêver. 

Je me mets en vacances « politiques ». J’étouffe parfois de honte et souvent d’inquiétude. Je ressasse mes désillusions. Alors Roue Libre prendra comme chaque année ses quartiers d’été avec une rubrique qui s’appellera le JOUR OU et qui vous parlera des femmes et des hommes du quotidien loin de ce bourbier nauséabond. A lundi autrement ! 

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 5 commentaires

  1. J.J.

     » Il avait raison trop tôt ce qui n’est jamais bien en politique. » ni pratiquement dans aucun autre domaine, d’ailleurs.
    Et toujours La Fontaine : « Prophète de malheur, babillarde, dit on. Le bel emploi que tu nous donnes ! (L’Hirondelle et les Petits Oiseaux).

  2. michel Caron

    Je pense qu’avoir raison trop tôt laisse des traces positives;mais pour ceux qui sont à la manœuvre,c’est fatiguant,et par certains cotés,un peu désespérant,ce dont témoigne Jean Marie. J’en ai fait l’expèrience .Pour autant,l’équipe de Chaban Delmas a laissé une trace dans les politiques publiques. De même,Michel Rocard dont j’ai pu en direct voir la liberté de ton alliée à l’intelligence ,a laissé le goût pour une ouverture d’esprit alliée à la recherche de la justice sociale et à l’inventivité économique.l’économie sociale et solidaire existe. La tradition liée à la 5ème République a d’avantage contribué à la constitution de clans et d’écuries pour la gagne présidentielle que favorisé le dialogue conséquent et responsable,devant déboucher sur des politiques viables à mettre en œuvre. Et je n ‘oublié pas ,en la matière,la propension de certains dans la hiérarchie de la fonction publique à penser que les ministres passent tandis que les fonctionnaires restent. La politique de l’immigration,la politique de la ville sont deux illustrations de ce phénomène.
    Tout cela n’empêche pas d’affirmer haut et fort que le front républicain a existé le temps de la dernière élection,et que les citoyens ont tout loisir de se faire entendre localement en réclamant que ce front républicain soit l’inspiration première de l’appel à former un gouvernement qui s’accorde sur quelques grands chantiers prioritaires à conduire sans délai;évidemment,les partis ont du mal à se dégager de leurs jeux traditionnels;mais rien n’empêche les dirigeants associatifs ou syndicaux et la société civile de mettre la pression pour un sursaut de convergences des intérêts supèrieurs de la Nation. Modestement,j’ai adressé une longue lettre ouverte à ma député macroniste élue grâce aux voix de la gauche en essayant de proposer des chantiers prioritaires. JE PRPOSE de lancer une campagne citoyenne consistant à multiplier ce type d’intervention auprès des députés élus à l’échelon local;cela laissera des traces,quand même. Et puis,les citoyens peuvent avoir des idées sur le choix d’un Premier ministre,et sur la rupture inévitable avec un Mélenchon destructeur. Bernard Cazeneuve,Laurent Berger,Pierre Moscovici,…on a le choix d’hommes politiques et de personnalités ayant fait leurs preuves et capables de rassembler. Le temps presse. En tant que citoyen,je continuer de rêver,au delà des partis et des organisations désespérantes,parceque LE PIRE N’EST JAMAIS SÛR.MAIS IL EST VRAI QU’IL EST DEVENU POSSIBLE.

  3. Jean-pierre madaule

    Et Mendes France

  4. facon jf

    Bonjour,
    nous assistons à un splendide jeu de dupes où les dupés sont les électeurs des deux bouts de l’omelette électorale et on peut ajouter aussi ceux du centre . A l’extrême droite les affidés des compagnons de la Marine se réjouissent de leur faux échec en attendant bien pénards que le fruit bien mûr leur tombe dans le bec. A l’extrême gauche LFI joue un jeu trouble de surenchères conduisant à un véritable repoussoir pour lui aussi se garantir du risque de Matignon.
    « Les Insoumis jouent le rôle de la pureté de la victoire du Nouveau Front populaire, mais fondamentalement ils ne peuvent pas s’allier avec le centre », à cause de divergences idéologiques et ensuite « parce qu’il n’y a pas assez de députés à Renaissance, à Horizons et au Modem pour accepter une alliance avec la France Insoumise », laquelle est un véritable « élément de blocage ». Si un gouvernement LFI ne peut pas tenir, faute de majorité, Jean-Luc Mélenchon, selon Benjamin Morel*, voit plus loin et « veut pousser les socialistes et les écologistes à être dans la compromission de son point de vue, et donc ce faisant, à perdre des plumes pour les prochaines élections ».
    En fait les électeurs sont bernés par les caciques des deux partis s’opposant à Mac-Ronds, faisant mine de vouloir le pouvoir alors que leur objectif n »est pas 2024 mais 2027. En haut lieu tout le monde l’a compris et le problème de la gestion de la catastrophe économique c’est le mistigri dont personne ne veut. Que ce soit aux deux bouts de l’omelette, comme au centre qui refuse aussi le baiser de Judas d’une majorité-alliance avec Mac-Ronds dont l’impopularité est au sommet.
    En fait Choupinet (F) Attal va demeurer aux commandes tant que la motion de censure ne le reconduira pas à la porte. Trouver une majorité pour voter une motion de censure est aussi difficile à assumer que de prendre Matignon, donc Choupinet devrait jouir d’un sursis assez long. Choupinet peut toujours enclencher son siège éjectable, si les conditions lui sont favorables dans l’optique de 2027, en proposant une mesure bien démagogique de droite ou de gauche.
    Tout cela est une comédie que les ténors politiciens nous jouent en attendant 2027…
    Bonne fétnat (14 juillet fête Nationale) à toutes et tous, la France en a vu d’autres dans son histoire.

    *Benjamin Morel, né le 31 mars 1988, est un universitaire, politiste, et constitutionaliste, maître de conférences en sciences politiques à l’École normale supérieure Paris-Saclay, et en droit public à l’université Paris-II.

  5. Michel Caron

    Mendes France est en effet une belle référence politique notamment sur son rapport à la vérité,mais on sait aussi comment les habitudes de la 4 eme République lui ont coupé les ailes . On pourrait remonter à jean Zay , autre grande référence politique, que les petainiste ont condamné et emprisonné, et que les miliciens FRANÇAIS ont assassiné. Raison de plus à ne pas s’en tenir au spectacle actuel et sa contemplation désabusée, voire désespérée. Le front républicain existe, nous l’avons rencontré. Reste à construire l’étape suivante. Quelle autre stratégie que d’appeler à se rassembler sur quelques chantiers prioritaires et de dire la vérité sur ce qu’implique la dette publique.

Laisser un commentaire