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Quand on écrit on se délivre et on se livre

Écrire un bouquin quelle que soit son importance nécessite une bonne dose d’optimisme. Au moins autant qu e celle qui anime un naufragé déposan un message dans une bouteille pour la lancer dans l’océan. Le système oblige en effet à une grande modestie et à un espoir immodéré. Le succès potentiel de ce que contient l’ouvrage et veut apporter aux autres a le même taux potentiel de réussite. Sauf s’il s’agit d’une commande avec des codes préalablement donnés et convenus, l’incertitude est totale quant à la manière dont « l’oeuvre » sera reçue. Bien des livres dispaaraissent dans les océans de l’indifférence. 

Désormais il faut se persuader dans cette période où l’achat d’un livre reste un acte onéreux, plus personne ne prend le risque de publier des inconnus ou des peu connus. De plus en plus, comme un peintre achetant ses toiles, ses tubes de gouaches et qui se pose pour transcrire ce qu’il voit ou qu’il imagine, les écrivain.e.s payent pour produire leur ouvrage. En effet le système de l’édition repose davantage sur l’exploitation d’un nom déjà connu à qui on attribue un bouquin qu’il a plus ou moins écrit, car c’est un gage de vente assurée. Bien des usines à produire des titres achètent une « marque » et demande à un tiers de garnir les pages. Ils appellent le produit, un « livre ». 

Ces pratiques représentent la plus large part des publications actuelles. Il ne s’agit pas de remettre en cause tel ou tel bouquin porté par une célébrité politique ou issue des mondes sportifs ou culturels. J’ai moi-même eu la proposition d’écrire des romans historiques à partir de thèses universitaires et de dossiers documentaires fournis par un éditeur. La recette a ses adeptes et fonctionne à merveille. Écrire dans ces circonstances ressemble alors à un devoir imposé mais il procure des subsides intéressants. Le risque est limité et le bénéfice assuré. Le passé fait donc recette.

Comme dans la vie quotidienne, bien des créations littéraires partent encore de souvenirs, de situations vécues ou partagées. Les livres de témoignages directs ou indirects adaptés de telle manière qu’ils ne prêtent pas à critiques deviennent de plus en plus nombreux. Ils servent à expliquer les soubresauts du monde ou à dévoiler des manigances plus ou moins secrètes qui peuplent notre quotidien. Dans une société des réseaux sociaux avec des messages raccourcis au maximum, l’écriture de ce type d’ouvrage remet souvent les faits dans un contexte beaucoup plus attractif.

Écrire pour satisfaire son propre besoin de transmettre n’a plus sa place dans le monde actuel de l’édition. L’envie se révèle difficile à juguler. Bien des « journaux » plus ou moins intimes constituent pourtant des témoignages essentiels pour comprendre une époque. J’ai lu des cahiers d’écoliers vrais manuscrits retraçant des histoires humaines exceptionnelles. Malheureusement ils sont repartis dans les oubliettes des familles. J’aime partir de la vie réelle des gens. Les écouter. Les ramener à leur parcours de vie. Toute existence est un roman potentiel. Chaque fois que j’ouvre un échange en confiance avec une personne bien connue ou découverte depuis peu, j’entre dans un livre potentiel. J’en ressors avec l’envie de le transcrire. 

Tout n’est qu’affaire de confiance. Il n’existe pas de cheminement ordinaire. Et même celui qui l’est, recèle des événements qui paraissent anodins alors qu’ils offrent une vision intéressante de ce que certains appellent les destins. Ne parlons pas des familles, creusetS des pires intrigues mauriaciennes ou des vies professionnelles dont on constate chaque jour combien elles sont compliquées. Tout n’est jamais bon à écrire mais rien ne devrait pas être écrit. La société est devenu celle de la parole et de l’image. L’écrit n’y aura bientôt qu’une place réduite car il est dangereux par sa durabilité. Tout « l’écrit papier » est menacé. la loi du marché est impitoyable.

Le chiffre d’affaires des éditeurs est par exemple passé de 3 078,6 millions d’euros en 2021à 2 911 millions d’euros en 2022, soit une baisse de 5,4%. il sera encore en baisse en 2023. Le nombre d’exemplaires vendus est, quant à lui, passé de 486,1 millions en 2021 à 448,5 millions en 2022, soit une baisse de 7,7%. Ces résultats varient d’une catégorie éditoriale à l’autre : Littérature (-2,7%) ; Bandes dessinées & mangas (-4,2%) ; Jeunesse (-8,2%) ; Art et Beaux livres (+14,7%) à titre d’exemples.

Le risque c’est que le livre, objet secondaire dans la situation actuelle du pouvoir d’achat bascule sur le numérique bien moins cher. En 2022, le marché de l’édition numérique, tous supports et toutes catégories éditoriales confondus, a généré un chiffre d’affaires de 285,2 M€ en progression de 4,4% par rapport à 2021. En attendant j’éprouve toujours la même joie intérieure de présenter un nouveau-né… sur papier glacé. C’est toujours le plus beau, le plus réussi d’autant que celui-ci parle des ces femmes et ces hommes qui ont construit  une aventure attachante. Une délivrance pour ce que l’on a à livrer aux autres.

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Cette publication a un commentaire

  1. François

    Bonjour J-M !
    « Le risque c’est que le livre ….en progression de 4,4% par rapport à 2021. »
    D’accord sur ces chiffres … émanant d’un Spécaliste du monde de l’Écriture ! ! ! !!!!!
    Apportons juste une correction: les livres de seconde et troisième main.
    Outre l’échange (maintien de relations humaines !), ils sont souvent issus de nettoyage de maisons suite à décès. On peut y trouver de beaux exemplaires … même sauver de la déchèterie (! !) des merveilles par exemple ce dico Larousse de 1913 ! Mon budget m’interdit de mettre 18 € (+8) sur E-bay ! ! !
    À tout à l’heure !
    Amicalement

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