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Le vrai militantisme c’est d’aller vers les autres

Comment arriver à se débarrasser de l’envie permanente d’expliquer plutôt que d’asséner, de convaincre plutôt que de vaincre ou de dialoguer plutôt que de soliloque, La métaphore du chewing-gum sous la chaussure que l’on ne parvient que très difficilement à abandonner au trottoir où on l’a récolté, ne me quitte pas. Elle illustre ce que je ressens en me lançant toujours dans des aventures improbables. Être toujours persuadé que l’éducation populaire a un avenir relève de la vanité propre aux générations d’instituteurs auxquelles j’ai appartenu. Tout concourt à ce que cette notion devienne ringarde, désuète et dépassée soit rangée sur ces étagères poussiéreuses où reposent les idées d’un autre temps.

Plus grand monde s’investit dans cette tache ingrate consistant à prendre sur son temps pour aller à la rencontre, sans autre ambition que celle de semer une graine de réflexion dans l’esprit de personnes seulement soucieuses de comprendre. Renoncer constitue la tentation qui grandit avec l’âge. Il est vrai que j’ai tout tenté depuis plus de cinquante ans avec « Certifié exxact » et ses bobines de films produites avec le Syndicat national des Intituteurs, le club Convaincre des Rocardiens, une entite que j’avais créée et animée (Initiative Dialogue Entre Deux Mers-IDEM), les ateliers citoyens de diverses autres structures et il faut donc maintenant que je me fasse violence pour espérer encore et toujours accomplir une œuvre utile. La sensation de devenir un colibri tentant de lutter contre l’incendie de la désinformation et l’inculture envahit bien des esprits. Les flammes ravagent le territoire de la citoyenneté et les regards se détournent.

En créant en 2008 avec deux ou trois enseignants et amis « Gironde citoyenne » nous avions l’objectif de mettre à la disposition des élus, des associations, des personnes refusant les idées toutes faites et le prêt à porter les idées toutes faites, une structure pouvant intervenir. Immédiatement nous avons été stigmatisés par justement dette catégorie. Quelle arrière-pensée y-avait-il derrière cette initiative ? Combien durerait-elle ?

Était elle de circonstance ou durable ? Quel parti serait-elle ? Ses promoteurs avaient-ils des ambitions personnelles hors formatage institutionnel ? Ces préjugés méfiants perdurent… mais sont inhérents à toute prise d’initiative. Pour tenter de rassurer les accusateurs en tous genres, nous avons bordé les statuts et le fonctionnement. L’association a inscrit dans ses statuts qu’elle était unitaire, indépendante, démocratique et laïque.

Comme l’éducation populaire n’appartient à aucune obédience politique, Gironde citoyenne regroupe des personnes d’absolument toutes les origines sociales, politiques ou géographiques. Bien entendu, les tenants d’idées considérées comme hostiles au triptyque républicain n’y ont pas leur place. Elle est indépendante de tout parti et ne se réclame d’aucun d’entre eux mais elle effectue le travail de formation qu’ils ont abandonné au RN sur le département. Elle reconduit son existence tous les trois ans si les adhérents ont la volonté de poursuivre l’initiative initiale. Les membres fondateurs s’ils estiment qu’elle ne correspond pas aux objectifs initiaux peuvent la dissoudre. Enfin elle considère que la laïcité constitue la règle absolue.

Des dizaines de réunions ont été organisées sans aucun problème avec parfois des centaines de participants (Saint-Loubés ou Pujols-47) ou des assistances plus intimes sur des sujets techniques. Chaque fois les oppositions ou les majorités en place ont vu d’un mauvais œil que des étrangers viennent proposer de la démocratie directe sur des lieux où elle ne se pratique pas ou mal. La peur du semeur reste vivace. La tendance rassurante consistant à ne rien faire pousser sur une terre stérilisée existe bel et bien dans les communes. Le débat a toujours affolé les faibles ou les castrateurs de la démocratie élémentaire.

Notre pays qui sombre chaque jour un peu plus dans la défiance, a asphyxié la rencontre, le débat, la confrontation. Tous les prétextes sont bons pour empêcher la contestation même celle qui est raisonnée, construite, argumentée. Cette tendance s’accélère à tous les niveaux. Les structures dites de citoyenneté participative ne résolvent pas tous les problèmes car elles appliquent le postulat que l’exercice ne nécessite aucune information ou formation. Or l’une des bases de l’action de Gironde citoyenne reste la phrase du Professeur au collège de France, Alfred Sauvy : « Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets »

Nous sommes rendus dans une période où ce constat constitue mon angoisse permanente. L’information approximative, superficielle, orientée, déformée, de plus en plus truquée et bientôt falsifiée envahit le quotidien. Les citoyens ont de terribles difficultés à dénicher ce qui approche le plus possible de la vérité. L’acte militant de notre époque ne consiste plus à acquitter une cotisation et à suivre des réunions marquées par l’entre-soi stérilisateur mais d’aller vers les autres en permanence avec l’esprit impérissable de l’instituteur.

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Cet article a 3 commentaires

  1. christian grené

    Sacré Jean-Marie! Toujours sur le front… populaire, ça va sans dire. Tu me fais irrésistiblement penser à Don Quichotte. Mais ne t’inquiète pas, j’ai toujours le sang chaud.

    1. J.J.

      Christian @ Pansa, non surtout Pansa !

  2. J.J.

    « Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets »

    Illustration flagrante de cette sage observation : les tenants des religions dites révélées ont contesté d’abord les « philosophes des lumières » puis les promoteurs de l’esprit laïc car les idées ainsi exposées faisaient de l’ombre à leur fonds de commerce.
    C’est ainsi que l’on assène ou que l’on insinue à des populations, parfois consentantes, parfois composées de bénis ouioui le parallèle entre laïcité et sectarisme.
    Or, certains anti laïques un peu moins bornés (parfois la peur ouvre les yeux)ont fini par comprendre (pas tous, malheureusement) que la laïcité est le rempart le plus sûr contre l’intrusion de fanatismes de tout poil, et qu’en défendant la liberté de pensé, elle les défend eux aussi.
    Certains protestants et des minorités religieuses (la Petite Église de Parthenay, par exemple) ont été de farouches partisans et même des promoteurs de l’esprit laïc. preuve que la Laïcité n’est pas synonyme d’incroyance ou d’anti cléricalisme.

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