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Les bienfaits inestimables de l’histoire locale

Dans le fond l’histoire locale reflet beaucoup plus fidèle que la grande Histoire à l’évolution d’une société est largement méprisée par l’opinion dominante. Bon nombre d’habitants posent leur pavillon sur une terre dont ils ne connaissent pas autre chose que le prix payé au lotisseur. Pourtant il est impossible de se sentir bien dans un lieu d’adoption sans savoir qu’elles en ont été les évolutions. Dans les quelques réunions d’accueil de nouveaux habitants il est rarement question de présenter les spécificités de la commune qui conditionneront en grande partie les évolutions ultérieures de leurs conditions de vie.

Par exemple un monument classé hypothéquera grandement des projets d’aménagement débridés. Il est souvent reproché aux architectes en charge de la préservation des paysages et des abords de bâtiments protégés d’être pointilleux. Dans leurs fonctions les élus locaux se heurtent parfois à des avis qu’ils ont bien du mal à partager avec les pétitionnaires. Pour ces derniers seul le résultat compte et peu importe le gâchis architectural qui en résulte. Les périmètres de protection agacent les uns et rassurent les autres. Dans bien des cas la différence repose sur la connaissance de l’histoire qui justifie cette opposition.

Souvent les défenseurs du patrimoine humain ou bâtimentaire sont accusés de conservatisme. En souhaitant le respect de l’esprit d’une tradition ils apparaissent comme dépassés ou réactionnaires. Il s’agit souvent de rappeler qu’avant d’avancer vers l’avenir il est souvent indispensable de savoir quel a été le chemin parcouru. On peut à tout moment commettre de graves erreurs d’appréciation si on ne partage pas les racines d’un village, d’un quartier, d’une ville. D’ailleurs les ensembles d’immeubles déshumanisés meurent de l’irrespect de leurs habitants envers le lieu où ils ont « atterri ». Ce constat explique en partie les rapports entre de nouvelles populations et le milieu où elles évoluent. On ne s’intégre pas sans connaître un minimum de la vie antérieure de ceux chez qui on arrive. 

L’histoire locale est avant tout celle du peuple, si ce mot a encore un sens dans le vocabulaire. En écumant les archives les découvertes sur les petites aventures de la vie servent à concevoir ce qu’était une époque. La permanence du comportement de fond des individus, leurs rapports avec les pouvoirs permettent de se rendre compte que la société dite moderne n’a rien « inventé ». Les faits divers plus ou moins sanglants, les délits, les abus de tous ordres, les exploitations de la faiblesse des uns par les autres, les atteintes à l’environnement, les massacres au nom des religions, les haines exacerbées, les querelles familiales apparaissent dans la presse ou dans les documents datant de deux ou trois siècles en arrière. S’il y avait de supports antérieurs on retrouverait les mêmes causes et les mêmes effets.

Il est par exemple assez étonnant que des gens achètent des terrains pour y bâtir une nouvelle existence sans se renseigner sur les risques qu’ils recèlent : inondations, incendies, effondrement. Ils se tournent lorsque la catastrophe arrive vers la puissance publique en protestant contre le fait qu’elle n’ait pas joué son rôle protecteur. La répétition de phénomènes climatiques transparaît pourtant sur un siècle. Les documents d’urbanisme (PLU, PLUI) ne comportent quasiment jamais d’analyses historiques des territoires sur lesquels ils s’appliquent. Toutes sortes d’études restent obligatoires mais l’histoire locale et les évolutions qui l’ont accompagnée n’a pas sa place.

J’ai une passion inextinguible pour les parcours humains dans la vie locale. La réflexion de Gaston Bonheur dans un film du Syndicat National des Instituteurs consacré à l’école maternelle a marqué mon parcours : « J’ai au moins autant appris sur le chemin me conduisant à pied vers l’école que dans le lieu où je me rendais. » Je pense que moi-aussi : le maréchal-ferrant, le bouilleur de cru, l’épicière, le bistrot, l’abattoir, le coiffeur, le muletier, le cantonnier, le facteur, le sacristain, le peintre ivrogne et bien d’autres figurent dans la liste des acteurs qui ont imprégné ma vie. Ils ont élu domicile dans ma mémoire…pour toujours. Ils ont appartenu à « mon » histoire locale. Ils avaient tous à un titre ou un autre participé à une parcelle de l’Histoire de France.

Jean Noël Jeanneney a écrit que « l’histoire mérite d’être défendue. L’histoire, c’est-à-dire ce travail patient d’appréhension du passé qui se pratique dans l’humilité. Et fait de l’historien à la fois un aventurier et un «scientifique», au sens où il a pour but d’élucider des phénomènes qui, bien souvent, garderont leur part d’énigme. Cette démarche est aujourd’hui menacée par l’ignorance agressive de ceux qui croient qu’ils savent, sur les réseaux sociaux, et par la démarche de ces idéologues qui, en toute occasion, réclament des réparations historiques (…) » Ce constat s’applique à l’histoire locale !

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Cet article a 5 commentaires

  1. Gilles Jeanneau

    Bonjour Jean-Marie
    Comme tu as raison…
    Bonne journée à toutes et tous et en particulier à Laure et Kiki.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami Gilles…
      Un grand merci et bonjour !
      … qui a pour définition : que le jour te soit bon !

  2. Laure Garralaga Lataste

    Et pourtant… connaître notre histoire, n’est-ce pas de toute importance ? Comme l’est celle de connaître l’Histoire de France, d’Europe et du Monde !

    1. christian grené

      Buenas (muy) tardes a Laurita mia et à Gilou. Sans oublier l’auteur de la chronique quotidienne qui nous réchauffe le coeur à l’heure du p’tit dej’.

  3. J.J.

    « Il est souvent reproché aux architectes en charge de la préservation des paysages et des abords de bâtiments protégés d’être pointilleux.  »

    Il fut un temps où les architectes des Bâtiments de France avaient une très faible autorité, ce qui a permis à certains promoteurs et autres requins d’abattre des constructions anciennes de haute valeur pour leur seul profit et celui de leur « camarilla, projets qui la plupart du temps ont d’ailleurs par la suite tourné en « eau de boudin ». Mais le mal était fait.
    Maintenant au contraire, ces architectes ont un pouvoir incontournable dont ils usent et abusent parfois lourdement, selon les « clients » concernés. Le quidam se voit parfois interdire tels ou tels travaux pour des prétextes ridicules ou excessifs, alors qu’un entrepreneur en vue obtiendra de scandaleuses dérogations dans le même secteur.
    Je pourrais citer des exemples nombreux à l’appui de ces constatations, qui sont hélas aussi monnaie courante dans d’autres domaines.

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