Marcel Berthomé, ancien Maire de Saint-Seurin sur l’Isle, a enfin signé la paix avec un monde qu’il a fréquenté et secoué durant un siècle. Il n’a jamais pu en effet se contenter de gérer le présent puisque son idée permanente était de construire l’avenir. Doté d’une pugnacité, d’une audace et d’une imagination fertile il avait horreur des tergiversations ou de la réunionite. Droit au but ! Cette devise aurait pu être la sienne. Le but : cette obsession du footballeur intransigeant qu’il fut quasiment jusqu’à la quarantaine, avant de se transformer en dirigeant exceptionnel.
Élève de l’école Jeanne d’Arc de Saint Médard de Guizières sa commune natale il avait quitté les rives de l’Isle très jeune pour « s’envoler » vers un destin dangereux mais qu’il jugeait exaltant. Marcel comme l’appelait tant de monde, avait la trempe d’un inlassable combattant soucieux de la liberté des autres et sourcilleux sur la sienne. Il aimait l’ordre, la méthode et le courage. Le reste pour lui n’était pas digne d’un homme responsable. Toute sa vie aura été marquée par ce souci de servir l’intérêt général et surtout par sa propension à apporter le meilleur. Il était exigeant pour les autres. Exigeant pour lui-même.
J’avais un rapport « filial » avec lui. Les déjeuners dans la petite salle de la RPA de Saint Seurin sur l’Isle restent des moments précieux. Il ne faisait jamais dans la dentelle comme il avait été sur le terrain. Que de conseils m’a-t-il dispensé quand je l’ai rejoint dans les fonctions électives. Je n’en retiens qu’un : « Tu sais Jean-Marie je n’ai pas vu des successeurs dans une Mairie détruire les équipements que les prédécesseurs avaient construits et qu’ils avaient sévèrement critiqué. Vas-y, fais ce que tu crois bien ! »
Il avançait. Il montait au front. Il essuyait tous les tirs de la DCA des idées toutes faites mais ne renonçait pas. Les dizaines de soirées que j’ai passées à ses cotés sur le fauteuil qu’il avait installé au milieu de la tribune dans cette poudrière populaire qu’était le stade saint-seurinois restent toutes uniques. Quelle que soit la météo, il était là ! Parfois emmitouflé dans son par-dessus de peur que les courants d’air altèrent sa santé d’asthmatique chronique, toujours d’une élégance respectée, il était dans son royaume constitué d’un rectangle vert inondé de lumière.
Marcel c’était la passion faite homme. Passion pour cette France qu’il aurait souhaitée forte et généreuse. Passion dévorante pour sa ville de Saint-Seurin et ses habitants. Passion pour le football et le club de sa vie. Passion pour un territoire dans lequel il croyait. Passion pour l’action tous azimuts. Il ne souffrait pas l’indifférence, la passivité, la médiocrité. Il lui fallait secouer les esprits et parfois aller jusqu’aux extrêmes pour réveiller quelques consciences. « Je dérange. Ma liberté dérange. Et alors ? J’ai combattu pour cette liberté. Peut-être plus que d’autres qui la revendiquent ! » C’était son credo.
Il aimait réunir autour de lui les gens du monde du ballon rond qu’ils avaient croisés et qu’ils jugeaient dignes de confiance. Il en avait perdu en cours de route : André Menaut avec lequel il forma un duo détonnant, Paul Sauvage, Roland Bonvoisin et Michel Rollet chez qui les agapes avaient régulièrement lieu. Chaque fois au moment de leur disparition il était là pour leur rendre hommage avec une justesse et une sincérité forçant l’admiration. Marcel était fidèle à une amitié reposant sur la franchise. Son caractère entier allait de pair avec son regard perçant dans elquel passait parfois des éclairs. Il ne reculait devant rien.
Il avait époustouflé Emmanuel Macron par la vitalité et la vigueur de son propos lors de l’étape bordelaise du Grand Débat. Le regard éberlué du Président de la République en disait long sur le caractère inhabituel d’un propos incisif . Son « « Moi j’appelle des gilets jaunes des rebelles. » avait singulièrement scotché l’assemblée. C’était Marcel ! Il ne souffrait pas le confort de la nuance. D’ailleurs dans le monde politique il était redouté par son franc-parler. Il l’était aussi dans celui du football où il avait accompagné Jean-Pierre Escalette dans sa conquête de la Ligue d’Aquitaine.
Pour lui « les seuls combats perdus d’avance étaient ceux que l’on refuse de mener ». Il aura dans le fond perdu vraiment que le dernier. Celui destiné à conserver le souffle nécessaire à la vie. Il le savait mais ne le redoutait pas. Il avait tellement « joué » avec le destin pour savoir qu’il faut admettre que parfois ce dernier devienne implacable.
Marcel était une saga en plusieurs tomes de notre Histoire à lui seul. Son attachement à l’Afrique était réel. Que le proverbe de ce continent voulant « qu’un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » l’accompagne dans ce ciel qu’il a tant sillonné. Condoléances à sa famille à laquelle il était tant attaché et aux milliers de personnes qui ont eu le privilège de croiser sa route. Un privilège…
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Merci Jean-Marie pour l’évocation de ce grand homme que je n’ai jamais fréquenté mais que j’ai apprécié au travers de tout ce qu’il faisait pour Saint-Seurin sur l’Isle, commune qui rayonnait alors dans tout le libournais et dont l’équipe de football était le fleuron, damant le pion à celle de Libourne.
Cela m’a donné l’occasion dans ma jeunesse de jouer une seule fois à St-Seurin un match de Coupe de France où j’ai joué contre un certain Audebert (ancien demi-centre comme on disait à l’époque des Girondins, excusez du peu!). On avait perdu bien sûr, mais quelle fierté de jouer cette équipe sur un tel tapis vert, nous qui jouions sur des champs de patates de la 1ére série de Ligue…
Que de souvenirs, n’est-ce pas Kiki?
Portez-vous bien toutes et tous
Bonjour Gilou!
Marcel? Un paon de ma vie, et il avait des raisons d’être fier. J’y reviendrai dans la journée car, pour l’heure, je suis en soins.
Amitiés lycéennes et sportives.
Chapeau Jean-Marie! Je n’ajouterai rien, qui semblerait superfétatoire, à ce vibrant hommage rendu à Marcel.
Bravo pour cet hommage sincère
Une sincérité qui fait cruellement défaut aujourd’hui.
On savait bien que la vie côtoie la mort puisque c est toute la vie
Nous avons eu cette chance celle d être contemporain d un tel personnage
Marcel restera dans nos mémoires et ce sera notre façon de le maintenir en vie
Il vas retrouver un vielle ami , un voisin ,un autre maire a eux deux ils accumulent plus de 100ans de mandat! Mr marcel vas retrouver Mr pierre, ils auront le temps de pouvoir disséquer ce monde ou ils auront temps travaille pour les autres! Qu’ ils reposent d’un éternel sommeil réparateur ! La tristesse nous envahie comme a chaque départ bien sûr, mais une joie interne non partageable est là, c’elle d’avoie eu l’immense chance d’un jour avoir croisé leurs routes, et d avoir pu partager des moments inoubliables en leur compagnie! Bon vent!!!
Il a également marqué ma mémoire de jeune correspondant sportif que je fus à l’époque où l’on appelait les sténos de presse pour envoyer les comptes rendus de matches. Le stade à Saint Seurin, c’était comme la place du village!
C’était un homme déterminé ,il savait ce qu’il voulait et c’était toujours teinté de bon sens . Dans nos réunions il n’y avait jamais de temps perdu ,tout était bien étudié et quasiment irréprochable . C’était un régal de travailler avec un homme de cette trempe .Il a droit aux remerciements et félicitations de toutes et tous . Merci Monsieur le Maire .