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Le début de la mascarade budgétaire

En de nombreuses années d’exercice d’une responsabilité publique à divers niveaux, il m’a toujours été ressassé qu’un budget devait être « sincère » dans ses prévisions de recettes et de dépenses. Je me suis amusé à comptabiliser les présentations budgétaires que j’ai personnellement assumées sur la base de ce principe. Le total dépasse une soixantaine-dix documents construits avec les techniciennes et les techniciens compétents. Tous les contrôles diligentés plus ou moins spontanément par la Cour des Comptes n’a jamais mis en cause des entorses à ce principe essentiel.

Un autre principe essentiel qui m’a valu bien des remarques ironiques ou amusées, résidait dans l’approche de sa construction : minorer les recettes sur un socle aussi réaliste que possible pour ne pas engager des dépenses que la collectivité ne saurait tenir. Ce n’est surtout pas la voie de la facilité car la tentation est souvent grande d’effectuer la démarche inverse. Promettre des dépenses et ajuster les recettes utopiques pour équilibrer ou couvrir par le creusement de la dette.

L’État est d’une exigence féroce à l’égard des collectivités territoriales qui non seulement ne doivent pas générer un déficit dans leur gestion mais ont la contrainte de réaliser un « autofinancement » le plus élevé possible. Même si les contrôles des documents budgétaires par les autorités de tutelle n’existent quasiment plus bien des communes se retrouvent dans des situations catastrophiques. Peu d’élus sont en effet enclin à hiérarchiser leurs choix budgétaires surtout en fonctionnement : c’est ça faire de la politique !

Depuis hier s’est ouvert en France le bal des faux-culs budgétaires avec l’utilisation de multiples artifices techniques destinés à masquer une situation financière très préoccupante débute. On va s’invectiver à l’assemblée pour le plus grand plaisir des médias dédaigneux d’une nécessaire rigueur qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes. Le contribuable gueule sans vouloir comprendre. Le citoyen renonce car ça l’arrange. L’opposant invective sans proposer. La majorité approuve avec mauvaise conscience pou une minorité et dans le silence pour celles et ceux de ses membres qui n’ont pas envie de se poser de question.

Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour détecter un gonflement des recettes du budget 2024. Ayant basé toute sa stratégie libérale sur la tonte des consommateurs de tout et de rien par le système des taxes, ayant accordé des exonérations démagogiques de contribution individuelle ou collective à l’effort commun, ayant désigné deux catégories sociales comme exutoires des besoins (propriétaires et retraités ce qui va souvent ensemble) le pouvoir en place a creusé un déficit budgétaire inavouable.

Le budget annoncé est fondamentalement insincère car il repose sur des prévisions qui ne seront pas atteintes en terme de recettes. Bercy table sur une croissance de 1,4% du PIB en 2024 (alors que l’INSEE et la Banque de France projettent moitié moins, et encore) et sur une inflation redescendue à 2,6%, en moyenne, alors que les mêmes causes produisant les mêmes effets, elle restera aux alentours de 5%! La baisse de la consommation s’amorce et le début 2024 risque bel et bien d’être très négatif dans ce domaine. Dès le début le principe du « réalisme pour les recettes » est jeté à la poubelle. Le budget sera à peine adopté qu’il sera totalement faux.

Comme depuis un demi-siècle , la France dépense (avec plus ou moins de démagogie) davantage que ses ressources. Côté recettes (TVA, impôt, cotisations), le pays devrait engranger 1 494 milliards d’euros en 2024. Mais il va en dépenser…. 1 622. Bilan : un « déficit public » de 128 milliards qui est vraiment trop limité pour être sincère. N’empêche qu’il faudra le combler. Et là intervient la solution miracle : l’emprunt. Un volume de 285 milliards de dette supplémentaire s’avère déjà le minimum vital. Rappelons que ce sont 270 milliards qui ont été en 2023 ajouté à la montagne de plus de 3 000 milliards.

Le contexte des marchés financiers avec des taux d’intérêts croissants est occulté. Comment oser annoncer que l’on entre dans une phase de désendettement… alors que les sommes empruntées sont plus élevées et que leur coût intrinsèque sera supérieur. L’astuce consiste à faire semblant en disant « voyez on emprunte moins que nous aurions dû le faire : c’est donc du désendettement ! »

En 2024, les besoins de financement sont censés être moins importants que l’an dernier : l’État doit trouver au total 299,7 milliards d’euros, soit une « baisse de 10,6 milliards d’euros comparé au besoin de financement de 2023 actualisé ». Cette « économie » correspond à la baisse théorique du déficit à financer, Bref suivez le pancrace parlementaire car il vous évitera de tenter de comprendre que le sincérité n’est plus de ce monde en politique.

Cet article a 6 commentaires

  1. christian grené

    M’sieur, à l’école vous m’aviez appris pi 3,14, et maintenant vous m’apprenez qu’il y a pis … 49.3!

    1. Laure Garralaga Lataste

      à mon ami christian…

      Etant fâchée avec les mathématiques, je complète qu’en même… 3, 14116

      1. François

        Bonjour @Laure !
        Allons, Madame, vraiment fâchée avec Archimède et sa constante ! ! ! !
        Π, en valeur « scolaire » vaut 3,14 ou 3,1416 ! ! Je vous économise la rallonge car l’écran n’y suffirait point !
        Avec le sourire,
        Respectueusement

      2. J.J.

        Que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages

  2. J.J.

    …et maintenant vous m’apprenez qu’il y a pis … 49.3!…
    Comme ça ne changera rien, il vaut mieux en rire !

    Toujours en continuant la lecture de mon pavé(Gilles Perrault  » Le Secret du roi » tome III, 542 pages sans les notes) cette situation actuelle, d’insouciance apparente et de frivolité, je la compare malheureusement à celle de la France avant la Révolution.
    De même que le gueuleton de Versailles et le spectacle d’enfants couchant dans la rue m’évoque la déclaration apocryphe de Marie Antoinette, à propos de la brioche, il me revient en mémoire ce mot de mon maître de 7 ème, à propos de la situation économique en France avant 1789 : Banqueroute.

  3. Laure Garralaga Lataste

    à mon ami J.J…
    Le problème pour Marie Antoinette, c’est qu’elle a fini en Ni-Ni : ni pain, ni brioche !
    La faute à qui ? Aux sans culotte…

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