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La spécificité associative française menacée

Je particpais hier soir à une nouvelle soirée d’éducation populaire consacrée à la vie associative, ma passion et le fondement de mon action publique. La loi de 1901 relative au « contrat d’association » voulue par Waldeck-Rousseau, présentée par le ministre de la Justice Ernest Monis, a été adoptée par le Sénat le 22 juin 1901, votée par la Chambre des députés le 28 et promulguée le 1er juillet. C’est pour moi l’illustration parfaite des fondements de la République puisqu’elle offre la liberté d’agir, l’égalité concrète dans la gestion et la fraternité des objectifs. Si ces valeurs ont été malmenées au fils du siècle écoulé, les structures citoyennes ont subsisté. Il a fallu attendre 2005 et un effet pervers du concept ultra-libéral de « concurrence libre et non faussée » porté par le Traité constitutionnel pour que les finalités de la Loi française de 1901 soient remis en cause.

Les diktats de la Commission européenne devant être traduits dans le droit français, les principes associatifs fondateurs d’une action citoyenne désintéressée au service des autres, a eu très chaud sous le gouvernement Fillon. Bruxelles ne reconnaît pas cette dimension bénévole contraire à l’esprit de la seule loi appliquée à la gestion, celle du marché ! Les commissaires qui portent bien leur nom, n’ont jamais digéré la spécificité française. Pour eux le soutien à la culture, au sport, aux loisirs, au lien social doit être porté par les « fondations » dont les statuts en font des « appendices pour avantages fiscaux » des grandes entreprises.

Les lois défendues par Benoît Hamon et ayant trait à l’économie sociale et solidaire en ont sauvé les meubles en reconnaissant cette spécificité au sein des textes européens et en les balisant de telle manière que l’on puisse les protéger au maximum. C’est le minium vital pour toutes les formes de coopératives car elles ne sont pas épargnées par des ajustements fiscaux quasiment similaires à ceux des entreprises. Le pire réside dans le fait que, si elles entrent dans le « secteur marchand », leur spécificité ne sera pas pris en compte ce qui les fragilise !

Pour le système associatif français l’étau se resserre année après année. La gestion exige de plus en plus d’attention sur le fond et sur la forme. Il faut avouer que les abus existent. Profitant de la facilité de création d’un support échappant aux contraintes de l’entreprenariat privé, certains jouent avec le feu en créant des assos artificielles, supports de leur activité professionnelle. Cette perversion en contradiction totale avec les fondements de la loi de 1901 détruit la confiance dans l’action collective, bénévole et citoyenne : mettre en commun des objectifs utiles à l’intérêt général ! Les requalifications en activité commerciale augmentent chaque année !

La vie associative c’est d’abord un état d’esprit mis au service d’une participation organisée au service du quotidien d’une communauté. Il faut sans cesse le rappeler. Les déviances en la matière existent avec des groupes constitués pour défendre des intérêts personnels, cultuels, politiques ou économiques. Des milliers d’associations s’éloignent ainsi de la vision initiale des législateurs de 1901. Elles n’ont qu’une existence soit destinée à porter des ambitions inavouées, à préserver des avantages individuels ou plus graves à entretenir des technostructures professionnelles imposant leurs volontés politiques. Face à ces réalités, il est normal que l’État regarde d’un peu plus près le fonctionnement associatif sur le plan financier. Les défaillances morales des uns plongent les autres, les plus modestes, les plus sincères, dans les difficultés.

Valérie Fourneyron, Ministre des Sports et de la vie associative, lors de son passage au gouvernement avait lucidement voulu protéger le réseau irremplaçable qui quadrille le pays et garantit souvent des services que la puissance publique ne peut plus assurer. Durant deux ans avait été élaborée (1) une « Charte des engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités locales » destinée à cadrer et préserver ce qui constitue une force républicaine de proximité essentielle. Elle a été signée le 17 février 2014 quelques semaines avant que jerenonce à mon mandat de maire mais elle a été vite oubliée… alors qu’elle a un intérêt essentiel dans le contexte politique actuel où la privatisation prend un envol inquiétant.

Bercy cherche de l’argent tous azimuts et bien évidemment ses services traquent les associations pouvant être classées « d’intérêt économique » et donc relevant des impôts applicables aux entreprises privées. Ils pistent aussi l’aide des collectivités rendant les rapports entre bénévoles et élus de plus en plus tendus en cette période où le prêt des équipements ou des locaux coûtent de plus en plus cher.

En 2024 il y aura des moments difficiles avec des baisses de subventions, une possible réduction des déuctions fiscales et des remises en cause des statuts associatifs. La concurrence libre et non faussée l’exige… et prend chaque jour un peu plus sa vraie place en France.

(1) J’ai activement participé à sa rédaction comme représentant des Maires de France. 

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Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    L’ Économie Sociale et Solidaire voilà un grand danger, une aberration économique à abattre pour les picsous autolâtres qui ne connaissent comme idéal de vie que le remplissage de leur portefeuille, quel qu’en soit le prix payé par « les autres « (« les autres » étant en réalité une notion qui leur est parfaitement étrangère).

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