La crise viticole dans le Bordelais se répète à intervalle régulier avec des solutions conjoncturelles qui masquent les vrais problèmes que sont la baisse des consommations en France, une concurrence internationale beaucoup plus offensive et structurée, la priorité donnée depuis des années aux grands crus au détriment du vin générique dont la qualité laissait à désirer. Toutes les zones monocultures en dehors de celles de céréaliers ayant la maîtrise réelle de la FNSEA, traversent tôt ou tard la surproduction synonyme de difficultés liées à la baisse des prix et à le trop-plein de production.
Le vignoble a été régulé par les droits d’arrachage et de plantation durant des décennies. La possibilité de rachat des premiers au moment où les exploitants cessaient leur activité ou obtenaient le classement de certaines parcelles et terrain à bâtir ont permis dans le secteur de production de l’appellation Bordeaux de constituer des « usines à produire » sur ces centaines d’hectares.
La vigne a pissé dru comme disent certains vieux de la vielles et les rendements ont été portés au maximum. Le « générique » a coulé à flots sans que personne ne mesure les conséquences de ces vins pas toujours de bonne qualité, vendus en vrac et diffusés sur le marché chinois par exemple sans contrôle réel sur les quantités commercialisées.
L’eldorado chinois s permis tous les abus. D’abord les pouvoirs successifs se sont glorifiés que, dans le cadre de la mondialisation, les investisseurs venus de Shangaï ou de Pékin achètent quelques propriétés. De belles opérations financières ont été réalisées et les projets les plus pharaoniques ont été annoncés en grande pompe alors que peu d’entre eux ont été menés à bien. Les acheteurs venaient surtout récupérer des étiquettes de toutes les appellations bordelaises et un savoir-faire ancestral.
La diffusion en Chine n’étant pas surveillée les contre-façons se sont multipliées avec moultes difficultés et la diminution des importations a suivi. La baisse de la croissance, les difficultés du marché de l’immobilier, la main-mise du pouvoir sur les achats à l’étranger et la chasse aux « riches » ont considérablement tari la filière. Les débouchés n’ont plus été à la hauteur des espoirs du Bordeaux de « base » et le négoce a abandonné les producteurs qui avaient eu l’imprudence de cibler un seul marché ! Les « négoce-dépendants » sont en grande difficulté surtout s’ils ont une dette pesante. En fait la commercialisation reste la clé de la survie d’une propriété.
En dehors des grands crus et des appellations prestigieuses, les vrais exploitants c’est à dire ceux qui n’ont comme revenus que ceux de leur propriété (tous les autres pour moi ne devraient pas bénéficier de ce statut) ne survivent que par la diversification de leur clientèle. Les particuliers, les restaurants, l’événementiel ou les ventes directes sur des manifestations festives nécessitent un investissement personnel considérable mais indispensable pour tenir la route. Certaines exploitations tiennent bon grâce aux réseaux qu’ils se sont patiemment constitués. Diminution des surfaces afin d’ajuster leur offre avec la demande pas nécessairement dans le vin rouge dont la consommation est en chute !
Le crémant de Bordeaux, le rosé qui ne bénéficie pas de la notoriété qu’il mérite, le blanc sec festif tiennent bien la route en France. Sur les 850 millions de bouteilles produites on peut estimer que le rouge 684 sont du rouge et seulement 66 millions seulement pour la diversité de l’offre. Alors la mévente du vin rouge cause des ravages (-35 %). Comme le veut la tradition de crise : on va distiller mais pas forcément les productions qui devraient l’être. 160 millions vont être affectés par le gouvernement et l’Europe sur ce qui reste toujours une opération « de court terme » et non de « structurel ». En fait si la récolte 2023 est de la même veine que celle de 2022 il faudra recommencer !
L’autre décision aussi faux-cul que possible constitue à donner 6 000 € par ha de vignes « malades » étant arrachées. Des parcelles sont abandonnées depuis longtemps. Elles vont constituer un effet d’aubaine. Au total il est prévu la destruction de 9 500 ha quand selon certains spécialistes plus de 10 000 seraient nécessaires. Ils devront rester 20 ans les lieux en l’état avec interdiction d’y planter quoi que ce soit ou de l’exploiter. Ils ne peuvent espérer que le convertir en terrain à bâtir… mais ça c’est une autre histoire.
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Un peu plus au nord (tout juste un peu), on mise tout sur le cognac : nouveau bâtiment pharaonique pour le siège du BNIC (bureau national interprofessionnel du cognac), rachat et transfert de droits sur des parcelles arrachées (dans le bordelais par exemple), déplacement du ministre de l’agriculture, gros essor de la tonnellerie locale, exportations pharamineuses etc. Bref, tout baigne jusqu’au jour où suite à un effondrement des ventes ou à l’arrivée d’une nouvelle maladie ou parasite, ou de quelque imprévu non prévu, la consigne sera « Arrachez, arrachez », c’est foutu ! « ce qui sera l’occasion au passage de recevoir de nouvelles primes.
Bon je sais je tiens bien mon rôle de Cassandre, mais j’ai déjà été témoin de ce genre de situation.
Bonjour,
surproduction = baisse des prix.
depuis 30 ans que je vis en Entre-2-Mers combien d’ha de bois ont été arrachés pour planter de la vigne ? des vignes à perte de vue dans certains secteurs. et maintenant il faut arracher alors qu’il y a tant de vignes à l’abandon faute de vignerons, faute de vente puisque beaucoup qui partent à la retraite ne trouvent plus d’acquéreur. la monoculture n’est pas une solution d’avenir. de la diversité serait la bienvenue.
A si certains se mettent à planter des oliviers.
Il en est de la vigne comme pour l’être humain…
Rien ne vaut le multiculturel… !
p.s. ainsi que des chênes truffiers !