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Les chiffres qui passeront inaperçus alors que…

Il y a des informations qui tombent mal lorsqu’elles confirment ce que l’on devine mais que l’on ne peut pas prouver. Elles débarquent dans le paysage médiatique sans pour autant révolutionner la hiérarchie des journaux télévisés, radiophoniques ou écrits. Alors que Laurent Berger ressassait que la réforme des conditions d’accès à la pension de retraite finirait peut-être par économiser 10 milliards sur les 130 habituellement versés par l’État. Bien entendu ces estimations sont contestés et la guerre des chiffrages qui fait rage depuis le début de la présentation du texte ne s’arrêtera jamais. «Les chiffres c’est comme les gens. Si on les torture assez on peut leur faire dire n’importe quoi » explique Didier Hallépée et dans la période actuelle son constat n’a jamais été aussi authentique.

10 milliards ! Une somme qui paraît colossale sauf qu’il faut le rapprocher d’une autre qui a brutalement surgi dans le flot des constats qui sont publiés chaque jour sur la situation de la France. Quand on apprend que la dette totale de la France sur les marchés financiers s’élève à 2 950 milliards on peut relativiser le déficit des retraites par répartition. Selon l’Insee, la dette française demeure une épée de Damoclès pour le pouvoir en place, alors que les dépenses publiques vont continuer à croître pour financer notamment la transition environnementale.

Certes on constate pour le moment un léger recul grâce à un rebond continu des recettes fiscales, dopées par l’inflation (tiens donc merci la TVA), le déficit 2022, lui, ressort un peu meilleur qu’attendu : 4,7 % du PIB quand le gouvernement attendait 5 %. Cette situation a vraiment de quoi inquiéter puisque la conséquence réelle de cette dépendance aux emprunts touche les frais financiers. Durant les années antérieures les taux d’intérêts étant très bas et la BCE ayant distribué des montagnes de milliards à des coûts la raison, le gouvernement a emprunté massivement pour diminuer artificiellement ses remboursements.

La technique est simple : récupérer à moindre taux des crédits peu chers pour rembourser des sommes anciennes dues à des taux élevés. Il était même possible de payer ses dettes avec de l’argent ne coûtant rien. La charge d’intérêts de la dette, a augmenté à 53 milliards (presque le budget de l’Éducation nationale). Ces intérêts ont augmenté de 15 milliards l’an dernier. Davantage que les économies attendues de la réforme des retraites… mais chut il ne faut pas affoler le bon peuple et le persuader que son avenir ne sera garanti qu’en travaillant plus longtemps. La courbe des taux ne cesse pourtant de grimper pour suivre celle de l’inflation puisque pour les particuliers on commence à parler de les voir passer la barre des 4 % avant l’été !

Cette information sortie hier sera triturée puisque sera vendue la diminution en pourcentage du PIB de cette dette alors que son volume augmente et son coût pour les finances publiques augmentent. La situation risque de devenir intenable à échéance de 5 à 10 ans mais d’ici là le Président aura changé. Les dépenses ne seront pas réduites en raison de l’inflation et des ajustements des salaires qu’elle entraîne. Bien évidemment il n’y aura aucune réforme des recettes avec par exemple le rétablissement de prélèvements sur les autres revenus que ceux du travail. Toute la stratégie repose sur le produit des taxes tous azimuts sur les actes de consommation.

Chaque jour la TVA rapporte par exemple davantage avec l’augmentation des prix dans tous les secteurs. Au mois de janvier ce sont 19,4 milliards d’euros de TVA qui ont été encaissés. Une somme à rapprocher du déficit des retraites surtout quand on sait combien est injuste ce prélèvement sur tous les produits du quotidien pour les gens ayant peu de revenus. Il y en a d’autres pour qui la TVA ne constitue pas le problème.

Dans l’actualité de hier, une perquisition géante au siège des plus grandes banques françaises est passée inaperçue et ne fera pas la une des journaux. BNP Paribas, Société générale, Exane (société de gestion, filiale de BNP Paribas), Natixis et HSBC sont en effet suspectés d’avoir mis en place des montages financiers complexes, appelés « CumCum »,pour permettre à des investisseurs étrangers d’échapper à la taxe sur les dividendes d’actions d’entreprises françaises cotées.

Un aller de retour d’un pays à l’autre en quelques jours et le pactole des exemptions d’impôts étaient répartis entre la banque et le détenteur des actions. En 2022 avec l’augmentation des dividendes les sommes « dissimulées » représentent des centaines de millions d’euros voire quelques petits milliards. Les opérations ont été menées par pas moins de 16 magistrats du parquet financier (sur 19 en poste), 150 enquêteurs (sur un total de 250) du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), rattaché à Bercy, ainsi que six procureurs allemands du parquet de Cologne. A suivre mais tout se terminera par un accord amiable !

Cet article a 6 commentaires

  1. christian grené

    Bonjour Jean-Marie! Je reviens après deux jours passés aux Lauriers, et je tombe sur un texte qui a tout pour me hérisser le poil. A l’école primaire, comme au lycée, j’ai toujours été fâché avec les chiffres. Je ne connaissais que les 0 que je collectionnais sans mot dire sur mes cahiers à spirales.

  2. J.J.

    « …les dépenses publiques vont continuer à croître pour financer notamment la transition environnementale. » Il y a des naïfs qui y croient ?

    …les taux d’intérêts étant très bas et la BCE ayant distribué des montagnes de milliards à des coûts la raison, le gouvernement a emprunté massivement pour diminuer artificiellement ses remboursements.
    En langage juridique c’est ce qu’on appelle des « traites de cavalerie » et théoriquement pour le particulier c’est puni par la loi.

    « Dans l’actualité d’hier, une perquisition géante au siège des plus grandes banques françaises est passée inaperçue et ne fera pas la une des journaux.  »

    Ça c’est pas de chance, justement ça aurait du détourner l’attention des manifs du jour en essayant de faire croire que l’état s’attaquait aux malfaiteurs nantis.
    Je ne pense pas que cette action ait empêché de dormir les patrons de ces établissements crapuleux.

  3. Gilles Jeanneau

    Et d’ailleurs, comme le disait un collègue qui était le financier de mon employeur: « les chiffres, c’est comme les statistiques et les bikinis; ça ne montre pas tout mais ça fait rêver… »
    Allez, bonne journée quand même!

  4. facon jf

    Bonjour,
    « En politique, rien n’arrive par hasard. Chaque fois qu’un événement survient, on peut être certain qu’il avait été prévu pour se dérouler ainsi. » Franklin Delano Roosevelt
    Partout, les banques vacillent et leur solidité est sujette à caution, sauf pour Bruno .
    C’est dans ce contexte particulièrement tendu, que le PNF, le parquet national financier, a décidé accompagné de 6 procureurs allemands, de procéder à la perquisition de 5 banques en France dont trois de nos établissements majeurs à savoir BNP, Natixis et Société Générale.
    Mais que viennent faire les 6 procureurs Allemands dans cette affaire ?
    Cumcum c’est quoi ?
    La fraude Cumcum consiste pour un actionnaire étranger d’une société cotée en France à transférer temporairement, autour de la date de versement du dividende, les titres qu’il détient à un établissement bancaire français, afin d’éviter le paiement de la retenue à la source appliquée sur le paiement de ce dividende.
    Des enquêtes similaires sont actuellement menées dans d’autres pays européens, notamment en Allemagne où la justice a condamné en décembre à huit ans de prison l’avocat fiscaliste Hanno Berger, accusé d’avoir orchestré l’une des plus grandes fraudes de l’après-guerre dans le pays grâce à un système d’arbitrages de dividendes .
    Du beau linge est aussi dans le viseur des enquêteurs. Cette affaire remonte à 2018. Le chancelier allemand Olaf Scholz serait lié à cette affaire de fraude fiscale. Il a du d’ailleurs en 2022 de nouveau témoigner devant les enquêteurs. Selon Le Monde, le chancelier allemand pourrait être étroitement lié au scandale de fraude fiscale des CumEx Files, qui éclabousse la vie politique allemande depuis plusieurs années. Olaf Scholz serait impliqué, au moins indirectement, dans des manœuvres politico-financières qui ont permis à une grande banque de Hambourg, lorsqu’il en était le maire, de limiter les dégâts dans cette affaire d’optimisation fiscale, avec notamment la prescription de 47 millions d’euros de rattrapage d’impôts.
    Pourquoi attendre 5 ans pour débouler en France ?
    La probabilité que ce qui se passe aujourd’hui arrive ainsi, est proche de 0 ou aussi forte qu’un virus provienne d’un homme qui aurait mangé un pangolin qui aurait mangé une chauve-souris pendant l’hiver où elles hibernent à plus de 500 kilomètres de Wuhan.
    Donc si ça arrive aujourd’hui ce n’est pas un hasard, juste au moment ou le tsunami bancaire touche une des plus grandes banques Allemandes. Le système bancaire occidental tremble sur ses bases, fallait-il dévoiler maintenant cette gigantesque lessiveuse à blanchiment dont le volume dépasserait les 140 milliards d’€ ?
    La suite ne saurait tarder, certains pays commencent à geindre devant la facture exorbitante de la guerre en Ukraine et des sanctions économiques contre la Russie qui se retournent contre l’Europe … Olaf Scholz n’est pas tout blanc bien que toutes les poursuites semblent avoir été abandonnées à son égard. Si un gros fusible est sacrifié c’est que l’amputation est nécessaire pour sauver le système .

    En attendant d’y voir plus clair, bonne journée

    1. J.J.

      Cumcum ? Curieux ce terme « avec avec ». Y a-t-il une explication ?

      1. facon jf

        La fraude des CumEx Files repose sur deux pratiques fisco-financières : le CumCum et le CumEx.

        Le Cumcum, anglicisme pour arbitrage de dividendes, consiste pour un investisseur étranger à revendre ses actions à une banque d’un certain pays qui touche, elle, les dividendes avant imposition. La banque bénéficie ensuite du remboursement par le fisc de l’impôt sur les dividendes et rétribue, moyennant une commission, les dividendes touchés à l’investisseur. Bien que moralement questionnable[non neutre], le CumCum est légal.
        Le CumEx consiste, lui, à déclarer des dividendes sur des sociétés dont les actions sont échangées à haute fréquence entre plusieurs établissements bancaires mondiaux qui vont tous se déclarer propriétaires dans leur pays et bénéficiaires des dividendes associés.

        Mis au point par Hanno Berger, un avocat fiscaliste allemand pantouflard, ce montage financier et fiscal a été exploité par une cinquantaine d’établissements du secteur de la finance, dont les groupes bancaires européens Santander, Macquarie Bank, Deutsche Bank, mais aussi HypoVereinsbank, HSH Nordbank, J. Safra Sarasin, Commerzbank ou encore BNP Paribas, Société générale, Natixis et Crédit agricole , dans onze États européens : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas et la Suisse.
        A noter il y a eu des poursuites contre le lanceur d’alerte en Allemagne
        En Allemagne, le rédacteur en chef de Correctiv, Oliver Schröm, est poursuivi en justice pour avoir enfreint le secret des affaires en révélant cette affaire de fraude fiscale. Le journal réagit en dénonçant « une attaque à la liberté de la presse »
        A noter encore l’utilisation du Trading Haute Fréquence (THF) qui consiste à transmettre automatiquement et à très grande vitesse (moins d’une micro seconde) des ordres sur les marchés financiers, sans intervention humaine, à l’aide de programmes informatiques complexes, appelés algorithmes. Il n’y a pas une interdiction concernant l’usage de la technique de trading haute fréquence en France . L’autorité des marchés financiers (AMF) contrôle le système contre tous les abus et surtout tous les marchés comme le Layering. Celui-ci est une procédure qui conduit à perturber le cours de l’actif. Le but de ce dernier est de placer des ordres d’achat qui pourront être annulés lors de la vente massive.
        Donc le gendarme de la bourse surveille les cours mais pas les magouilles fiscales !!

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