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L’ignorance citoyenne rend l’urbanisation responsable de tout

L’urbanisation d’un territoire dépend de documents totalement méconnus des citoyens et comme ils s’empilent sous le contrôle d’un État dont les positions varient au gré des décisions prises au niveau national ils ne sont pas compris. Combien parmi les habitants se soucient du Plan Local d’Urbanisme (PLU) ; du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) ; du Schéma de Cohérence Territoriale (SCot) qui s’imbriquent les uns dans les autres avec toujours à l’origine des cabinets d’études payés à prix d’or pour dans bien des cas « imposer » aux élus leur vision allant du global au local. La rédaction des règlements qui accompagnent des zonages plus ou moins abscons réserve souvent des surprises car ils se contredisent ou font dans le détail les rendant inapplicables.

C’est l’éternel débat français : lois, décrets, circulaires, règles à géométrie variable, normes rendent la dimension politique des documents essentiels totalement invisible. L’urbanisme constitue désormais le sujet essentiel dont doivent se préoccuper les élus garants de l’intérêt général. Malheureusement les habitants eux ne s’y intéressent, comme sur bien d’autres situations que quand ils sont directement concernés. Protestations, contestations, récriminations, réclamations, manifestations révèlent donc souvent de la défense d’intérêts particuliers considérés comme ayant une importance essentielle.

Trop souvent la réalisation des documents qui seront à la base des décisions ne tient compte que d’un équilibre entre surfaces dédiées à divers types de constructions, aux activités agricoles, à la préservation d’espaces environnementaux ou à l’exclusion de terrains susceptibles d’être concernés par des risques majeurs. Toute la procédure n’est suivie que par les personnes intéressées et donc elle suscite des oppositions intéressées. 

Le vrai problème c’est qu’entre le moment où le SCoT, le PLUI ou le PLU sont travaillés et adoptés, le contexte social ou économique change en rendant le contenu obsolète. Pire les habitudes sociétales poussées par le culte de la croissance n’ont plus rien à voir avec celles qui existaient quelques années auparavant.

Plusieurs facteurs pèsent désormais sur les territoires aux réalités diverses. Par exemple, la notion de services de proximité disponibles a supplanté celle de l’inclusion au milieu de la nature loin de tout. L’éloignement de l’école, du collège, du lycée ; des services de santé ou de secours; de commerces diversifiés, d’installations sportives ou culturelles, l’emploi éventuel constituent les éléments constitutifs d’un choix d’installation.

Leur importance s’atténue avec le prix de l’immobilier ou du terrain à bâtir dans une période où le crédit varie à cause des crises successives. Les habitants installés n’ont pas conscience qu’en ayant choisi de densifier les entités déjà construites le Plan Local d’Urbanisme il y a une décennie les concepteurs des documents d’urbanisme leur ont rendu un fieffé service. Le coût de l’énergie pour les déplacements du quotidien (trajets vers les établissements scolaires, vers les transports collectifs, vers le travail…) constituera en effet le revers à court terme d’un étalement urbain qui ne sera plus effacé et dont les effets négatifs se vérifient chaque jour.

Trois lois nationales dont les objectifs sont louables n’ayant pas été expliquées et partagées, aggravent la situation. La première pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) a modifié l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme et a supprimé le Coefficient d’occupation des sols (COS) ainsi que la possibilité de fixer une superficie minimale des terrains constructibles dans le règlement du Plan local d’urbanisme (PLU). Aucun Maire ne saurait y déroger. A entendre les commentaires sur les constructions trop nombreuses, sur des espèces réduits il y a encore bien des efforts de partage de l’information à faire. Il arrive que ceux qui en ont bénéficié en vendant la parcellisation de leurs terrains initiaux soient les plus véhéments pour protester contre la densification.

Qui sait que l’article 55 de la loi Solidarité et Renouvellement urbain (SRU) contraint les communes de plus de 3 500 habitants à avoir sur leur territoire % de logements à vocation sociale ? Qui sait que la pénurie dans ce secteur est évaluée en Gironde à 40 000 habitations à loyer réglementé ? Qui sait que la multiplication des séparations familiales a considérablement augmenté les demandes dans ce secteur ? Or il n’y a parfois plus de terrain constructibles sur les collectivités concernées pour satisfaire aux obligations de la loi. D’un coté il ne faudrait plus construire et de l’autre une contrainte financière s’applique si on ne construit pas…

Enfin le dernier texte concerne l’artificialisation des sols qui va générer une problématique nouvelle. Elle devra diminuer de 50 % dans les prochaines décennies ce qui va considérablement raréfier les terrains constructibles et donc en augmenter le prix et générer une spéculation décuplée.

La gestion de l’urbanisme devient un casse-tête surtout quand en plus les oppositions égoïstes, semi-sectaires et politiciennes montent chaque jour un peu plus. Plus aucune décision n’échappe aux récriminations, aux déferrements en justice et se retrouve souvent exploitée politiquement.  

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Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Pour finir de brouiller le paysage certains promoteurs usent et abusent des règlements en vigueur pour entreprendre et mener à bien des opérations immobilières plus que douteuses.

    Ainsi, on a laissé planer la menace sur les habitants de la vallée de l’ Anguienne (petit affluent de la Charente) d’une possible et terrifiante « lame d’eau de 7 mètres » (fréquentant cette vallée depuis des décennies, j’ y ai observé de rares crues dépassant péniblement 30 cm…).

    En fait le but de l’opération était de faire entreprendre -aux frais de la ville – un passage important à travers l’ancienne RN10 , tout cela pour rendre constructible un terrain de football mis jadis à la disposition de son personnel et des habitants du quartier par un industriel local. À la place du terrain, les héritiers ayant été neutralisés depuis longtemps, l’usine a été rachetée par une multinationale, et sur le terrain va s’élever un « immeuble de standing ».
    Locations à vocation sociale ? Connais pas .

  2. chantal

    Merci Jean Marie de mettre cela en débat! Pour moi qui suis mobilisée du côté des handicaps, notamment avec la question de rendre les écrits, documents communication, Facile à Lire et à Comprendre (encore un acronyme FALC) , je me dis que si nous tentions de transformer les documents d’urbanisme en FALC, tout le monde en profiterait!
    reconnaissons aussi que l’obscurité faite autour de certains documents d’urbanisme, sert aussi à faire « passer » des décisions , toute la question est de savoir où est l’intérêt général dans tout cela!!

  3. Laure Garralaga Lataste

    Si je comprends bien, la formule magique immuable demeure…  » Pourquoi faire compliquer, puisqu’on peut faire… INEXTRIQUABLE… ! « 

  4. J.J.

    La loi Alur a également rendu obligatoire dans tous les habitats collectifs la mise en place de répartiteurs mesurant la consommation de chaleur, avec une redevance pour l’organisme qui collecte les données (pas vraiment indispensable, le coût étant calculé pour chaque résident à partir de la surface de l’appartement et du nombre de radiateurs) et a imposé la pose de robinets thermostatiques parfaitement inutiles dans des locaux équipés d’un chauffage collectif.
    Un robinet ordinaire(qui d’ailleurs n’avait pas besoin d’être changé) coûte environ 10 €, un robinet thermostatique entre 20 et 70€.
    À qui profite le crime ?

  5. J.J.

    Précision : habitat collectif public, y compris logements sociaux et privé …
    Cette décision vertueuse et d’une efficacité redoutable a été prise pour diminuer la consommation d’énergie fossile et la production des gaz à effet de serre.

  6. facon jf

    Bonjour,
    Le logement est d’abord un bien privé soumis principalement à des mécanismes marchands. Deuxième aspect le logement est un bien durable qui n’est pas détruit par sa consommation, sa durée d’existence est particulièrement longue. La vision économique du législateur consiste à gérer les stocks et les flux, l’impact de cette vison se heurte aux réalités locales socio-économiques et environnementales. Il en résulte une intense production législative qui a produit une complexité générant une inefficacité généralement constatée.
    Sur le plan environnemental on s’est servi de la dispersion de l’habitat grosse dévoreuse d’espaces agricoles pour densifier les habitations autour des constructions existantes. Le remède comportait un effet secondaire indésirable la concentration des zones imperméabilisées créant l’engorgement des réseaux pluvial et égouts. Les épisodes de pluies abondantes alternant avec les sécheresses plus fréquentes ont immanquablement provoqué des inondations. Le principe de  » boucher les dents creuses », dans toutes les agglomérations, sature les services municipaux ( crèches, écoles et tous les locaux de vie). Les communes doivent investir dans tous les domaines réseaux, voiries, locaux, personnel ce qui creuse les finances locales souvent mal en point suite à la suppression de la taxe d’habitation. Suppression qui est en soi une aberration puisque ce sont maintenant les propriétaires uniquement qui financent les services municipaux, même si ils ne résident pas dans la commune, pour les locataires bénéficiaires qui s’en trouvent exonérés. L’accroissement de la taxe foncière devient un frein à l’investissement locatif ou d’usage. L’extinction de l’APL-accession dès 2018, a généré environ 100 millions d’euros d’économie par an, au motif qu’elle était de moins en moins utilisée. C’était pourtant la seule aide personnelle au logement bénéficiant aux propriétaires modestes avec des charges de logement élevées. L’extinction de la taxe d’habitation, entière en
    2023, profite et profitera surtout aux ménages fortunés puisque les plus modestes en étaient déjà exonérés ou payaient des montants limités, avec un impact colossal sur les finances publiques de 18 milliards d’euros par an (dont près de la moitié uniquement au bénéfice des 20 % les plus riches) dont la collectivité et ses services publics se privent. Voir le Bilan du quinquennat 2017-2022 : Le logement, parent pauvre du quinquennat par la fondation abée Pierre .
    Le logement social est et restera le mal-aimé du quinquennat Mac-ronds. Plus inédit, il a lourdement ponctionné les organismes Hlm en leur imposant une « Réduction de loyer de solidarité » (RLS), qui a atteint 1,3 milliard d’euros par an de 2020 à 2022, tout en augmentant la TVA sur les PLUS et les PLS. Sans surprise, la production Hlm a chuté, passant de 124 000 logements en 2016 à 105 000 en 2019, avant de s’écrouler en 2020, sous les effets de la crise sanitaire, avec 87 000 agréments. En 2021, le redressement est plus que laborieux, avec sans doute moins de 100 000 logements sociaux financés. L’objectif officiel de 40 000 PLAI, l’unique engagement gouvernemental au début du quinquennat en matière de production Hlm, n’a jamais été atteint, passant même de 34 000 en 2016 à 32 000 en 2019, puis 28 000 en 2020. La production de logements étudiants est également préoccupante : sur les 60 000 logements promis, seuls 30 000 seront produits à la fin du quinquennat.

    Bonne journée

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