La liberté dans les déplacements constituait dans les années soixante l’ambition de tous les jeunes ruraux souvent condamnés à une vie villageoise très restreinte. Certes le vélo contribuait à cette émancipation par la mobilité, mais il faut bien reconnaître qu’il ne conférait pas un statut suffisant pour pour attirer les copines. Le mien acquis auprès du garde-champêtre local partant à la retraite était certes extrêmement robuste mais peu esthétique. Il m’avait permis dès mon entrée au cours complémentaire d’effectuer l’aller-retour Sadirac-Créon par tous les temps et c’était sa vocation première. Ce fut sa vocation première.
N’empêche que cette « bécane » m’offrait des possibilités similaires à celles que chantait Yves Montand : retrouver et accompagner des copains sur les chemins de vacances et parfois m’autoriser la découverte d’horizons nouveaux dans la limite du raisonnable. La bicyclette conférait une autonomie limitée mais vécue comme un trésor dans une société où paradoxalement j’ai la sensation d’avoir eu beaucoup plus de latitude que les enfants et adolescent.e.s d’aujourd’hui. Pas de piste cyclable, pas de hantise de l’accident, pas d’horaires imposés, pas de craintes des parents de nous voir enlevés ou agressés… le seul plaisir de rouler libre !
Je partais, à onze ans sur mon vélo d’adulte, avec deux filles plus âgées chaque matin quelle que soit la météo. Elles vers l’école privée et moi vers le collège public mais rapidement j’appris à les abandonner pour me transformer en coureur cycliste disputant un contre la montre quotidien. Quand, après ma première communion retardée pour phobie « cathéchismique » j’eus en cadeau, une montre, je me mis à chronométrer mon trajet avec une volonté de battre quotidiennement mon record. Le Tour de France a sommeillé en moi. Il m’envahit toujours avec autant de force.
Tout changea quand en 1962 avec les rémunérations De mon travail estival je pus acheter un « vélosolex » d’occasion. Mon statut en fut modifié même si ce n’était pas, vis à vis des filles, celui que procurait la possession d’un Mobylette bleue ciel ou mieux une motocyclette avec un siège allongé et un pot d’échappement longiligne, brillant comme un sou neuf. N’empêche que mon Solex améliora grandement mes possibilités de déplacement.
L’usage de ce vélo avec son galet posé sur le pneu avant sous le moteur donnait une certaine instabilité à l’engin quand on sortait d’une usage linéaire paisible. Les arabesques ou les passage sur des chemins malaisés nécessitaient un apprentissage parfois douloureux. Le « Solex-cross » finissait toujours par devenir dangereux mais il offrait le risque des aventures interdites. N’empêche que mon « vélomoteur » au sens premier de ce terme, fut un compagnon maltraité mais fidèle qui m’accompagna dans mes périples estivaux dans les villages alentours.
Garé assez loin de la salle de bal provisoirement installée sur les prairies ou les places, il n’offrait pas une belle image sociale auprès des conquêtes potentielles. Cravate fine, chemise blanche, veston strict : cette panoplie du dragueur potentiel se conjuguait bien mal avec celle d’un usager d’un mode déplacement faisant le bonheur d’une génération plutôt âgée.
Deux situations existaient : ou le rendez-vous avec les copines et copains était programmé ou il fallait improviser. Dans la première situation, l’après-midi ou la soirée s’avérait quoi qu’il advienne agréable, pourvu que l’on dispose d’un peu d’argent pour tenir une place à la buvette ou en accompagnement de la cavalière que l’on espérait ou que l’on connaissait.
L’entrée dans un bal réputé champêtre sans aucun repère nécessitait une stratégie bien élaborée. Tout autour de la salle au plancher toujours disjoint une planche accrochée aux parois accueillait les filles et leurs accompagnatrices… aux motivations diverses. Les chaperons dont on n’imagine pas l’importance à cette époque là où toute liberté pour les adolescentes était « surveillée ». regardaient défiler les prétendants au slow. Danse réputée dangereuse que l’on obtenait qu’en inspirant confiance.
Il fallait donc effectuer plusieurs tour de piste en questionnant du regard la cavalière espérée qui avait été repérée comme étant une « âme seule ». Un principe devenait très vite incontournable : « ne jamais se décourager ! » même si l’orchestre avait entamé la danse. « Faire tapisserie » n’était jamais très valorisant pour les accompagnatrices trop « difficiles ». Les princes charmants passaient rarement dans ces fêtes locales surtout durant l’été…Ils fréquentaient les boites de nuit sur le Bassin !
Mon solex attendait patiemment, protégé par un anti-vol témoignant de l’attachement que j’avais pour lui, que j’ai fini de faire le joli-cœur. Je rentrais les cheveux au vent, léger ou meurtri, dans des vapeurs de Solexine brûlée achetée chez Destrian sur la Place de la Prévôté à Créon… et j’ai toujours eu la sensation que ma monture se prenait pour un fier destrier et moi pour un conquérant de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
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Quand notre Jean-Marie se peint en « Don Quijote de Creón » amoureux du vélo puis du Solex… ! Moi, à l’époque, j’étais « côté filles » et opterai pour « un Pedro de la Bastide, lui aussi à vélo », monture qu’il abandonnera bien des années plus tard, lorsque ses rémunérations d’instituteur le lui permettront, au profit de sa passion —qui demeure encore aujourd’hui— pour les 2 cv… !
Laure @ Quand on a eu la chance d’utiliser une, voir plusieurs deuches, on ne pas prétendre trouver un engin comparable.
Une quelconque autre voiture permet de se déplacer, plus vite, peut être plus confortablement même, mais aucune ne permet de prendre autant de plaisir à se promener.
J’ai eu Rossinante un , Rossinante deux, le Hanneton entre autres poussifs bolides …
@ à mon ami J.J.
Je mange, dors et me lève » 2deuches »… Mon « Pierre » est le « magicien-mécanicien » de 2cv…
Voilà des aventures que je ne connus point, piéton par la force des choses et des volontés familiales qui voyaient dans cet objet de perdition un danger certain et la possibilité que, mes déplacements devenus incontrôlables, je me livre à d’innommables turpitudes. Dire si j’ai envié mes camarades qui le vendredi ou le lundi matin contaient leurs innocentes balades. Parfois ils avaient pitié de moi et pour m’associer à leurs randonnée me procuraient un engin emprunté à un membre de leur famille.
Je n’ai jamais appris à faire du vélo. Je suis monté un jour par hasard sur un improbable Pégase qui m’a permis de faire quelques kilomètres pour mon premier essai.
Plus tard pour finir me rendre dans mon poste en pleine cambrousse(après un bout de trajet en train, puis en autobus), j’ai profité du vélo qu’un copain avait bien voulu me prêter.
Faute de pratique, je n’ai jamais été à l’aise sur ce genre d’engin mais j’ai eu de bons camarades.
Holà, les d’jeunes! Que dites-vous? Mon vrai nom est Grenéandertal, et moi j’ai connu… le Silex. C’est écrit dans la pierre.
C’est p’t-être un peu trop gros… dites?
La bise à Janique Aimée quand même.
@ à mon ami christian…
qui n’est plus mon ami depuis qu’il me fait des infidélités avec Janique ( !!!)
Pas vulgarité entre nous: je n’ai pas dit « j’la n… » J’suis pas NTM, moi.
Abrazos.
@ à mon très cher ami christian…
Message bien reçu… Restons ami/amie et surtout… « piensa en mí… cuando leas, cuando sufras, … piensa en mí… «
Bonjour,
le doux parfum de la nostalgie envahi ma mémoire de ces images de liberté patiemment construites dans l’adolescence. Le 3800 de chez Solex tant espéré fut enfin ma propriété après une saison de collecte des pommes chez les agro-industriels, qui se moquaient bien de l’écologie et du droit du travail… Le vent de la liberté me soufflait dans le dos assis sur la grosse selle noire en plastic amortie par le gros ressort à boudin. Ce sentiment profond d’échapper à la captivité d’un environnement campagnard, partir loin des regards des commères du quartier ces ancêtres de la vidéo surveillance. La découverte seul de la grande ville voisine avec ses grandes salles de cinéma où pour quelques francs nous profitions de l’obscurité pour nous laisser griser par les géants du 7ème art.
l’expérimentation de solutions mécaniques pour accroître les performances du poussif 49.9 cm3. Avec comme épée de Damoclès l’angoisse du coup de lime de trop qui nous renverrait à la condition de piéton ou pire de cycliste d’un vieux clou rouillé à cadre féminin.
C’ est aussi et encore le ciné du village voisin tenu d’une main de fer par le curé véritable homme-orchestre caissier, opérateur projectionniste, programmateur, videur à l’occasion des perturbateurs envinassés . Un personnage haut en couleurs propriétaire d’une moto et d’une R8 Gordini la rumeur faisait de lui un ancien de la 2ème DB. En réalité il était particulièrement bienveillant tolérant les flirts des adolescents profitant de l’obscurité.
C’est ce passé lointain qui a fait éclore une grande partie des passions de ma vie. Le goût de la liberté conquise par le travail, le cinéma, la mécanique, l’envie d’ailleurs…
Pffff!! je vous parle d’un temps que les moins de 70 ans n’ont pas connu !
bonne journée
@ à mon ami facon jf
… Le 3800 de chez Solex… la R8 Gordini… Nous avons connu et connaissons encore !
Bonjour à toutes et à tous. Ah , Jean Marie, tu as,ce matin réveillé ma nostalgie avec le SOLEX. Basé à Mourenx Ville Nouvelle en 1959, je fis d’abord du vélo pour rejoindre copains et copines à Monein, puis vint l’achat d’un solex par mes parents..Il me permit d’aller jusqu à Oloron, voir une belle qui ne fut pas conquise… Il fallait quand même pedaler pour aider cet engin a franchir les côtes Béarnaises. Un matin: point de Solex dans la cave commune de l immeuble.;Il fut vite retrouvé vers Lahourcade le réservoir à sec! Toute notre adolescence! Merci de ce rappel heureux! Belle journée. Le temps de cet après midi s’améliorant je vais aller pédaler dans les vignes vers Pauillac. Papi Alain DABE de Castelnau de Medoc
@ à mon ami Alain…
Et oui, sans beaucoup d’efforts… point de belles !
Et pour toi seul… « une de perdue… dix de retrouvées ! »
Mourenx Ville Nouvelle en 1959 la ville champignon des pionniers du gaz de Lacq ! L’histoire est contée ici à l’annexe 3 en suivant ce lien
https://books.google.fr/books?id=-_z-DwAAQBAJ&pg=PT104&lpg=PT104&dq=centrale+a+gaz++d%27artix&source=bl&ots=ZoTED3IIOQ&sig=ACfU3U287SLvJHEh5CnbqozXrB4NnxAAiw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiV2LbqhpD7AhXP8IUKHYQMCFg4MhDoAXoECAUQAw#v=onepage&q=centrale%20a%20gaz%20%20d'artix&f=false
extrait du document d’étude » Éléments pour une mémoire collective de Mourenx (1957-1965) »
De Denis Peaucelle
J’ai connu (il y a longtemps) une Pierrette, faisant tous les jours, pour son travail, le trajet en Solex de Montignac (Entre-deux-Mers) à Libourne : 28 kilomètres quand même !
@ à mon ami Philippe…
Soyons honnêtes… Les hommes aussi sont capables de pareils efforts…
et « les machos » ajouteront … « et même plus… ! »
quede bons souvenirs sur la route Lorient-Creon….une époque revolue!!!!!Par contre un grand regret; je n’ai jamais possèdé de solex…… dur dur!
https://solexmillenium.fr/solex3800-fr.php
et même en fin d’article le lien vers le catalogue des pièces du 3800 en 1985 par MBK . en 1975 : Motobécane-Motoconfort prend le contrôle de son concurrent VéloSoleX et rapatrie sa fabrication dans une de ses usines à Saint-Quentin. MBK industrie (précédemment Motobécane-Motoconfort) est un constructeur français de deux-roues fondé en 1924 , devenu en 1986 filiale de Yamaha. EN 2018, l’activité de MBK se concentre uniquement sur la production de deux-roues de la marque Yamaha.
La gamme vedette de Motobécane est la Mobylette, fabriquée à partir de 1949, et vendue à quatorze millions d’exemplaires, ce qui fait de Motobécane le plus gros constructeur de cyclomoteurs à l’échelle mondiale. La Motobécane AV 88, plus communément nommée La Bleue, est apparue à la fin des années 1950. Elle est le modèle le plus connu d’une longue famille de cyclomoteurs dont le point de départ est l’AV87 de 1957.
Construite par Motobécane dans ses ateliers de Pantin en Seine-Saint-Denis (93), elle fut le cyclomoteur le plus vendu dans le monde de par sa robustesse et son design jusqu’en 1990. Les Bleues avaient de très bonnes finitions, une peinture très robuste, des chromes, une grande boite à outils dans le cadre, et sur les versions haut de gamme, un compteur kilométrique, un klaxon, et dans les dernières versions un antivol, un accroche-casque.
Souvenirs, souvenirs
Vous revenez dans ma vie
Illuminant l’avenir
Lorsque mon ciel est trop gris
On dit que le temps vous emporte
Et pourtant ça, j’en suis certain
Souvenirs, souvenirs
Vous resterez mes copains
Paroliers : Cy Coben / Fernand Lucien Bonifay / Robert Finet