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Le placébo de la mise en internat

A plusieurs reprises dans une vie antérieure il y a quelques décennies je suis entré dans la prison de Gradignan pour des actions de partage (match de foot, concert de rock, conférence…). Dans un contexte sûrement très différent de celui que connaissent les établissements actuels j’avais établi des liens avec des détenus afin de tenter de comprendre avant de juger. J’ai en mémoire aujourd’hui en entendant parler des mesures gouvernementales, ce que m’avait confié l’un d’entre eux. « Dehors je n’ai aucun repère, aucune obligation, aucune attache réelle… Je replonge très vite. Ici j’ai des heures précises, une vie régulée et je n’ai pas le choix. » Pas certain que je puisse avoir la même conversation dans la période présente.

J’évoque cet échange car depuis quelques temps le gouvernement a trouvé la panacée à la dérive violente actuelle d’une faible (très faible partie) de la jeunesse. Durant les presque quarante années de mandat électif j’ai toujours constaté que les incivilités, génération après génération, les délits du quotidien ne sauraient être systématiquement imputés à des moins de 20 ans. Loin s’en faut. Une autre remarque porte sur le nombre de ceux qui défiaient les règles établies. Jamais plus d’une dei-douzaine d’adolescents voire trois ou quatre qui suffisaient à faire régner un climat détestable.

Il n’y a pas une jeunesse globalement délinquante mais des éléments en nombre réduit qui dans des contextes particuliers utilisent l’illégalité pour exister ou défier un monde dans lequel ils s’estiment ou se trouvent réellement en échec. La récidive constitue d’ailleurs le principal problème. La légende actuelle entretenue pour des raisons électoralistes ou de propagande repose sur des considérations erronées voulant que l’indulgence judiciaire soit la cause de ces phénomènes exaspérants. Bien évidemment tout le monde a dans sa besace d’idées toutes faites, des exemples approximatifs sur la sévérité qui manquerait dans le milieu judiciaire.

Chaque année le nombre de mineurs confiés aux départements ayant en charge par des mesures décidées par les juges ne cesse d’augmenter. En Gironde l’aide sociale à l’enfance pulvérise chaque année un nouveau record. Ils sont aujourd’hui 15 000 enfants suivis en Gironde, dont 5 500  (3 378 en 2018) sont confiés au Département après avoir été retirés de leur famille pour éviter une mis en danger grave. En 2022 ce sont 4517 situations préoccupantes concernant plus de … 7000 mineurs qui ont été signalées aux services de protection. Seulement un peu plus d’un millier de ces gamins en difficulté sont dans des familles d’accueil. Les autres dans leur grande majorité sont hébergés dans des « structures d’accueil » avec encadrement éducatif !

Il est donc assez dérisoire d’annoncer que l’on va sanctionner les familles défaillantes quand elles sont déjà en grande difficulté (alcoolisme, drogue, violence, délaissement…) sans être majoritairement défavorisées ou immigrées. Là encore les poncifs ont la vie dure car bien évidemment la médiatisation de situations extrêmes forcément symboliques accréditent de fausses certitudes. Toutes les révisions de textes, toutes les propositions de renforcement des sanctions, toutes les rodomontades ne changeront pas la réalité. La détérioration constante de la famille (séparations difficiles, parents isolés, précarité ou absence totale d’autorité) accentuent le manque totale de repères que l’école ne parvient plus à compenser.

L’annonce de la « mise en internat scolaire » loin de son quartier durant les vacances avec l’accord des (du) parent(s)  l’enfant  qui « commence à avoir de mauvaises fréquentations » pour « retrouver un cadre » plutôt que « de sombrer dans la spirale de la délinquance et parfois du crime » paraît bien dérisoire par rapport à al situation sur le terrain. Une islamisation rampante dans les clubs sportifs, dans la vie sociale, dans les activités proposées et l’appât de gains faciles par les trafics divers ne seront pas éradiqués par des « mise en pension ». Qui paiera ? Chiche. Je parie que ce sera encore une fois les départements au titre de l’ASE puisque l’État n’a plus un euro et que l’avenir s’annonce très sombre. Les élections européennes passées tout repartira comme avant.

Une étude en Gironde payée avec des fonds européens dont j’avais la gestion avait entrepris une action concrète pour trouver et accompagner ces jeunes qui échappent à tous les dispositifs en vigueur. Dans le Médoc j’ai en mémoire deux adolescents qui avaient quitté le système scolaire au CE 2 sans que personne ne s’en préoccupe. Dans les écoles, les collèges et les lycées y-a-t-il encore un cahier d’appel quotidien ? Pour convenances personnelles des milliers de famille signent des billets justifiant une absence constituant le début de la transgression des repères. Tout ce qui est sanction est contesté ou simplement méprisé. Alors le reste suit sans problème…

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Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    « …la dérive violente actuelle d’une faible (très faible partie) de la jeunesse. », dont on a connaissance par l’expansion des médias : il y a cinquante ans (ou même moins) on n’aurait jamais entendu parler en Gironde d’une agression en Alsace(à moins d’être un fervent lecteur de Radar et autres publications de même farine).

    « Les autres dans leur grande majorité sont hébergés dans des « structures d’accueil » avec encadrement éducatif ! »
    Et je plains les gens chargés de cette tâche, ayant hérité d’une classe qui regroupait des élèves hébergés dans ce genre d’établissement j’en ai vu de rudes. Le tonneau des Danaïdes.

    « par rapport à al situation sur le terrain » Elle est partout l’islamisation rampante !

  2. facon jf

    bonjour,
    en France, la protection de l’enfance est toujours en souffrance. Le constat est accablant : chaque année, le nombre d’enfants placés explose ! On atteindra 400 000 en 2024. Confrontés à des conditions de vie indignes (matelas à même le sol, bâtiments délabrés, sureffectifs, etc.), ces milliers d’enfants se retrouvent à la merci d’un système incapable de leur offrir la sécurité et le soutien dont ils ont cruellement besoin.
    En ce début d’année 2024, deux évènements tragiques questionnent, encore et encore, l’état de la protection de l’enfance en France. La mort de la jeune Lily, 15 ans, retrouvée pendue dans sa chambre d’hôtel le 25 janvier 2024 dans le Puy de Dôme ; celle de la jeune Myriam, 14 ans, retrouvée morte dans un appartement en Seine-et-Marne le 25 février dernier, lors d’une fugue de son foyer alors qu’elle était placée à l’Aide Sociale à l’Enfance. Ces décès font écho à celui du jeune mineur isolé de 17 ans, qui avait été poignardé à mort par un autre jeune, dans un hôtel des Hauts-de-Seine où il était placé, en décembre 2019.
    Pourtant le législateur s’en est donné à cœur joie par un empilement de lois. La loi « réformant la protection de l’enfance » du 5 mars 2007 a donné compétence exclusive aux conseils généraux, désormais départementaux, sans transfert suffisant des dotations étatiques.La loi du 14 mars 2016 annoncée « recentrée » sur « la protection de l’enfant », n’a pas réellement été mise en œuvre. Six ans plus tard a été promulguée la loi Taquet du 7 février 2022, cette fois-ci « relative à la protection des enfants », considérant qu’il y avait urgence… Mais, il a fallu encore deux ans pour que la plupart des décrets d’application, et notamment l’un des plus attendus relatif à l’interdiction d’hébergement hôtelier des enfants, soient enfin publiés, démontrant une fois encore que les questions financières priment sur l’urgence de l’accompagnement. Cette affluence de normes n’a toutefois pas permis de pallier la lente mais inéluctable dégradation de la protection de l’enfance.
    Après avoir passé treize ans en famille d’accueil, Davy Beauvois revient sur les dysfonctionnements de l’aide sociale à l’enfance, dans le cadre de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le sujet.
    Il pointe, entre autre, je le cite: « … le recours décroissant au placement en famille d’accueil, pourtant reconnu par les Nations unies comme l’option privilégiée pour le bien-être des enfants, constitue un autre signe de cette négligence. Ces exemples ne sont que la partie émergée de l’iceberg. La France doit prendre ses responsabilités et agir pour garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.
    J’ai été placé dès l’âge de 3 ans et ma famille d’accueil n’a jamais failli à son devoir pour subvenir à mes besoins, allant même au-delà des montants alloués par l’ASE. Si mon expérience est bien plus proche de l’exception que de la règle, c’est parce que les indemnités et salaires dont bénéficient les familles d’accueil sont dérisoires au regard des besoins réels des enfants. »
    Et il enfonce le clou en ajoutant:  » Quel message envoyons-nous aux enfants lorsqu’une énième loi xénophobe les met en danger du seul fait de leur nationalité ? Depuis la loi « Darmanin » de décembre 2023, un·e jeune majeur·e recevant une obligation de quitter le territoire français se voit exclu·e du dispositif de l’ASE et se retrouve à la rue, sans moyens ni suivi. Quel message leur transmettons-nous lorsqu’on les abandonne dans des hôtels, qu’on les force à retourner dans des familles violentes ou qu’on les laisse sombrer dans la drogue, l’alcool ou l’exploitation ? Combien de Nour, de Jess, d’Anthony, de Méline, d’Amine, de Lily ou de Myriam devront encore mourir avant que l’on prenne enfin en compte la parole des enfants ? »
    J’ai en mémoire la fermeture des internats de la ville de Lyon par Gérard Collomb soit-disant socialiste et marche-pied initial de la Mac-Ronnie. On peut imaginer les conseils néfastes qu’il a sans doute glissés dans l’oreille du Méprisant.
    Collomb et sa clique de faux-cialistes pouvaient transférer les missions de service public à la métropole. C’est bien une décision politique que d’avoir volontairement supprimé ces établissements publics. Le dernier internat représentait 0,63% du budget de la ville.
    Pour Victor Hugo, l’avenir passe par des enfants en bonne santé et éduqués. Toute sa vie, il militera en ce sens.  » Aidons le progrès par l’assistance à l’enfance  » (Hauteville House, décembre 1869).  » Si l’enfant a la santé, l’avenir se portera bien ; si l’enfant est honnête, l’avenir sera bon.
    Bonne journée

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