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Le renoncement et l’indifférence virus mortels

Deux maux créent des ravages dans une société à la dérive : le renoncement des uns qui génèrent l’indifférence des autres. Plus rien d’essentiel traverse l’opinion dominante gavée d’effets d’annonce sans aucune suite ou uniquement destinés à alimenter l’égo de celui qui les délivre. Si l’on ajoute un système médiatique superficiel et basant ce qu’il appelle l’information sur la polémique et l’outrance nous arriverons dans quelques semaines non pas au grand remplacement mais au grand basculement. Dans absolument tous les secteurs, l’absence de repères due essentiellement à la notion de strict minimum dans l’engagement individuel a ouvert des brèches dans le rempart des valeurs historiques. Seulement une minorité porte désormais un message citoyen basé sur l’éducation civique, le débat constructif et la réflexion collective. C’est dépassé car l’individu a pris le pas sur le collectif considéré comme une contrainte aussi inutile que castratrice.

Lentement le renoncement à convaincre a été remplace par l’obsession de vaincre. Expliquer, disséquer, contester, commenter sont des actions devenues suspectes car elles n’ont plus aucun impact si ce n’est celui d’irriter les porteurs de certitudes rassurantes. Le militantisme qui reposait sur la volonté de partager ses convictions et de les confronter n’existe qu’à la marge. Il suffit de voir l’accueil réservé aux distributeurs d’outils de communication « publicitaire » pour des têtes de gondoles affichant des idées simplistes pour comprendre que l’efficacité de cette démarche est très minime. Tout se joue sur quelques mots volontairement déposés sur les réseaux sociaux et la répétition à satiété de mots convenus et de slogans dévoyés.

Le discrédit volontaire des idéologies, l’appauvrissement des références « politiques » au sens noble du terme, les multiples trahisons des volontés exprimés par les électrices et les électeurs rendent les efforts des défenseurs d’une véritable citoyenneté totalement impuissants. Dans un tel contexte beaucoup renoncent, se taisent et évitent des confrontations qui altéreraient leur tranquillité. Ils laissent tout écrire, tout dire, tout propager sans réaction. « Je sais que toutes les manières le combat est inégal. Je préfère ne rien dire au travail, entre amis ou en famille. Je me sens coupable d’emmerder le monde avec mes remarques. » Cette réalité laisse donc la place aux extrêmes qui font régner ainsi une sorte de « contrainte » par l’exagération qui devient la loi commune.

Avez-vous tenté de parler de rigueur de gestion, d’analyse objective du contexte ou de rappeler les réalités du passé expliquant le présent ou pouvant éclairer l’avenir, et vous constaterez combien la tâche est ingrate ? La gauche extrême vous traitera illico de suppôt de la droite et cette dernière vous expliquera que ces principes ne sont pas d’actualité. Bref, seul le déraisonnable a une chance de plaire. Les esprits devenus hermétiques à toute argumentation se cristallisent sur des faits réputés divers qui servent de masques à la réalité de l’exploitation par le monde du profit des richesses naturelles, celle des femmes et des hommes volontairement précarisés ou des manipulations permanentes en faveur de clans dominateurs.

Le fameux « en même temps » se voulant « ni de droite, ni de gauche » a instillé l’indifférence. Le parti des indifférents occupe maintenant le premier rang suivi par celui des « revanchards » de l’action publique qu’ils considèrent comme éloignées de leurs préoccupations. Cette déconnexion entre les « discours » n’ayant plus aucune influence sur les scrutins a conduit largement plus de deux électeurs sur trois à voter ou à rester chez eux pour protester contre cet écart calamiteux. Il y aura de plus en plus de personnes qui ne s’intéresseront plus du tout à la démocratie représentative considérée comme « pourrie » et « sans intérêt ». Cette tendance empoisonne inexorablement le fonctionnement républicain.

Le militantisme n’est donc plus dans le suivisme de telle ou telle option partisane mais dans la capacité que l’on doit avoir à lutter contre l’indifférence. Toute résignation à agir avec ses moyens, ses priorités, ses orientations ou ses aptitudes participe en effet du déclin démocratique. Or nous y sommes. Le statut de spectateur et pire celui de dénigreur permanent est à la mode. La nature ayant horreur du vide il est évident que certains ont tout intérêt à le maintenir pour le combler avec opportunisme et démagogie. Nous en reparlerons le 10 juin !

Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    Il existe une certaine classe de la société, auto proclamée « élite » qui a toujours existé, depuis qu’Homo Sapiens a « inventé » la vie collective organisée, en introduisant immédiatement la notion de caste, de clan, les plus forts exploitant les plus faibles, tous les moyens étant bons pour maintenir cet état. L’invention des religions a fort contribué à la stagnation et à la pérennisation de cet état de fait.

    Cette politique a plus ou moins gouverné le monde, avec parfois des sursauts de révolte et de prise de conscience des opprimés, jusque vers le XVIII ème siècle, où peu à peu on observe une émancipation des peuples.
    Mais cela ne saurait durer car frustrant les pseudo élites autoproclamées(en réalité la mafia des possédants). La presse et les médias aux mains d’iceux possédants n’est elle pas l’arme utilisée pour détruire toute contestation de cet ordre, en jouant la division ?
    Le maître d’un empire financier a remplacé Monsieur le Comte de la Tuile du Toit d’Ardoise, mais l’esprit (mauvais ) est toujours le même.
    Bon, j’arrête mes élucubrations qui risquent fort de me faire traiter de réactionnaire par les uns et d ‘activiste révolutionnaire par les autres…

  2. facon jf

    bonjour,
    il y a bientôt 40 ans dans les étranges lucarnes on pouvait assister à ce débat sur la crétinisation des esprits.
    https://piped.smnz.de/watch?v=S79CyvxdUw8&t=1125
    Depuis nous vivons dans ce paradoxe où notre monde réclame de plus en plus de cerveaux et de plus en plus nous sombrons dans une crétinisation des masses. L’acculturation terme qui définit le processus par lequel un individu apprend les modes de comportements, les modèles et les normes d’un groupe de façon à être accepté dans ce groupe et à y participer sans conflit. L’acculturation peut prendre plusieurs formes :
    . spontanée quand les cultures sont en contact libre,
    . forcée, organisée, imposée par un groupe comme lors de la colonisation ou de l’esclavage par exemple,
    . planifiée, contrôlée, dans le but de construire à long terme une nouvelle culture, nationale par exemple.
    Les réseaux (As) sociaux, les merdias et la télévision conjuguent leurs efforts pour vendre du temps de cerveau disponible. L’objectif est de conduire à un état zéro de la pensée. Cet état végétatif cérébralement rend perméable l’esprit aux messages, souvent simplistes, conduisant à un comportement de « mouton » consommateur du prêt à penser et de produits manufacturés ou politiques. « Nous n’existons plus, devant la télé, comme des individus singuliers : notre conscience n’est plus la nôtre, notre désir n’est plus le nôtre, notre temporalité n’est plus la nôtre. Nous sommes, en quelque sorte, un avec les autres, mais cette unité est précisément le contraire d’une communauté fondée sur la pluralité.  » Bernard Stiegler – La Télécratie contre la démocratie (2006)
    Dans le système actuel, il faut submerger les cerveaux d’informations car trop d’infos tue l’info. Il faut donc se doter d’un outil de filtrage et cet outil c’est la culture ( philosophique, artistique, historique, politique …). La destruction systématique de la culture est un enjeu primordial pour la construction de la société que veulent nous imposer ceux qui dirigent vraiment notre monde capitaliste. La destruction du socle culturel commun de l’école est une étape, les projets de Holding de l’audiovisuel d’état en est une autre, abêtissement des Français est en marche.
    La politique est censée changer le monde, pas censée être un spectacle. C’est ce qu’elle est devenue, un gigantesque cirque merdiatique où tout est simplifié, l’amalgame où tout se vaut entraîne la confusion et la perte des valeurs fondamentales.
    Pourquoi s’étonner de la disparition de l’esprit militant, alors que l’acculturation vide les cerveaux aussi vite que la chasse d’eau nettoie la cuvette.
    Au moment du choix des Européennes et des projets de supranationalité que certains portent on peut s’interroger avant de voter.
    « Je me résume, Messieurs. L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. Tant que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté, elle est légitime, elle a le droit d’exister… ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue, ni d’appartenir à un groupe ethnographique commun, c’est d’« avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore » dans l’avenir.  » Ernest Renan, dans la conférence « qu’est ce qu’une nation ?  » , prononcée à la Sorbonne, le 11 mars 1882
    Une conférence à la sorbonne d’un autre niveau que celle du Méprisant.

    bonne journée

  3. MICHEL CARON

    L’existence du point de vue exprimé par Jean Marie,et des contributions qu’il suscite ,constitue une solide raison de ne pas céder au …renoncement,ni au désespoir. À ce point de vue,que je partage,j’ajouterai l’effacement de la mémoire,la ré écriture révisionniste du passé,et la tendance lourde au conformisme. Et ce n’est pas la multiplication des discours de commémoration qui suffiront à faire renaître l’attachement collectif à quelques valeurs,qui sont aussi des principes constitutionnels. Nous avons décidément encore,QUAND MÊME ,beaucoup à faire en matière de liberté,d’égalité,de fraternité et de laïcité. Après tout,il nous est parfois arrivé d’être utiles…

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