Lorsqu’avec un peu de recul seront publiées les analyses des deux années de crise sanitaire il est certain que le bilan en sera pour le moins contrasté. Il y aura eu, et il est aisé de pratiquer ce bilan, des déclarations toutes plus contradictoires les unes que les autres avec des formules chocs démenties sans aucune vergogne quelques semaines plus tard. Il serait malhonnête de prétendre que la gestion de la pandémie pouvait être aisée et linéaire mais un constat s’impose : elle fut souvent improvisée et surtout éminemment politicienne.
Toutes les adaptations jouaient sur le principe voulant selon Joël de Rosnay que « La gouvernance par la peur est le moyen de souder les gens : gouverner par la peur, c’est le moyen de ressouder les gens en leur offrant la sécurité. » Il semble que l’objectif avec des moments sinusoïdaux ait été atteint. On ne le saura vraiment qu’au moment du départ en vacances estivales avec le résultat des élections nationales. Le niveau de l’abstention risque d’être historique et comme les historiens le constatent après chaque période difficile, les électrices et les électeurs soutiendront celles et ceux qui incarnent l’ordre et la sécurité.
Pourtant durant la même période la fracture sociale se sera considérablement élargie et la France est devenue un pays où les inégalités économiques, sociétales, culturelles, éducatives et sanitaires se sont accrues. Bien évidemment alors que la liberté vacille, que la fraternité est totalement oubliée et que l’égalité n’est plus qu’une idée oubliée il faudra de longues années pour une éventuelle réparation des dégâts. Pour la situation financière, le ministre concernée évoque « une décennie minimum ». Pour la partie liée au virus il n’est même plus question d’une fin prévisible mais d’une « obligation de vivre avec… » et pour le reste il n’y aura que des lambeaux qui auront bien du mal à tenir face aux changements d’habitude. Le doute s’installe chaque jour davantage.
Comme plus personne ne souhaite se remettre en question et admettre que ses « croyances » n’ont aucun fondement objectif, la récente publication de l’ONG Oxfam (1) tombera dans des oreilles des sourds à toute raison. Imaginons un instant qu’il y a une quarantaine d’années on ait appris qu’en France, que les milliardaires se sont largement enrichis et de manière « historique » durant 19 mois au pire moment de la crise sanitaire. D’après l’observatoire « de mars 2020 à octobre 2021, les richesses des grandes fortunes françaises ont bondi de 86%, soit un gain de 236 milliards d’euros. À titre de comparaison, elles avaient augmenté de 231 milliards d’euros en 10 ans, entre 2009 et 2019. » Des chiffres hallucinants qui ne provoqueront aucun débat puisque les échanges sur le « capitalisme » ou « le profit » sont considérés comme obsolètes.
Si on se concentre sur les cinq premières fortunes du pays, « elles ont doublé leur richesse depuis le début de la pandémie : elles ont gagné 173 milliards d’euros. C’est près de ce que l’Etat a dépensé pour faire face au Covid-19 en un an. » Oxfam annonce que ces cinq milliardaires possèdent désormais autant que les 40% les plus pauvres en France. Bernard Arnault, PDG du groupe de luxe LVMH, a vu par exemple sa fortune passer de 67 milliards d’euros en mars 2020 à… 163 milliards, en octobre dernier. Le fameux « quoi qu’il en coûte… » n’a pas fait que protéger les PME, mes restaurants, les bars, les artisans ou certains commerçants mais a été une manne pour les plus nantis.
Trois facteurs ont provoqué cet enrichissement fulgurant : le flux d’argent public qui a plus que largement compensé leurs pertes non analysées et non vérifiées ; les prêts consentis à des taux ridicules par les banques centrales qui ont déversé des milliards dont n’ont bénéficié que ceux qui ont su les capter pour les placer ailleurs sur les marchés financiers ; la montée record du niveau des actions dont ils sont détenteurs.
Dans le même temps la crise a renforcé la pauvreté chez celles et ceux qui étaient déjà en difficulté avant la pandémie. Ainsi sept millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire pour vivre, soit 10% de la population française (2), et quatre millions de personnes supplémentaires sont en situation de vulnérabilité à cause de la crise. Là encore il n’y aura pas de réactions indignées puisque les analyses prouvent que les abstentionnistes figurent dans leurs rangs et qu’une majorité d’entre eux votent désormais pour l’extrême-droite qui leur donne en pâture les responsables de leur situation : les migrants ! Ceux qui détiennent et tirent les ficelles du pouvoir réel ont les moyens d’échapper à la vindicte populaire et plus encore à un échec électoral.
(1) Le communiqué diffusé par Oxfam est édifiant
(2) Chiffres du secours ctaholique
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Avec Jean-Marie, on passe du jour au lendemain des petits oiseaux aux rapaces. Ce doit être ça la transition ornithologique?
Il est en forme ce matin Christian !
Ce qui est quand même positif, dans tout cet étalage d’indécentes richesses, c’est qu’à la fin, riche ou pauvre, rouge gorge ou vautour, on finira tous de la même façon.
Même avec un cercueil en or massif, quand on est mort, c’est pour de bon, tirlitonton, tirlitontaine !
Maigre consolation
@ à J.J.
Moi, j’ai choisi de suivre mon ami Georges… « mais de mort lente ».
Oui, oui transition, c’est le mot…
Autrefois, je veux dire au siècle dernier, je me régalais quelquefois des alouettes à la broche, rôties à la cheminée par ma grand-mère.
Il n’y a plus d’alouettes …
Pour combien de temps pourrons-nous s’émerveiller du spectacle des rouges-gorges ?(1)
Il faudrait demander aux rapaces leur avis, non?
(1) xan-xan gorri est le nom basque de ces oiseaux (c’est aussi le nom d’un ancien bar de Bayonne où l’on allait finir les soirées!)
@ à Gilles
Nostalgie, nostalgie… quand tu nous tiens !
Quand je lis « alouette » me reviennent en mémoire « les alouettes sans tête »… On ne quitte pas la gastronomie comme çà !
Gilou, et le King-Kong gorille… tu connais? On y paye en monnaie de singe.
Excuse mon erreur! C’est le King-Kong Grill de Zanzi bar.
@ à Christian… un conseil d’amie
Je constate qu’entre le King-Kong Grill de Zanzi bar et mon Cha Cha Cha tu as fait ton choix ! (Bon choix madame, bon choix mademoiselle, bon choix monsieur et la question qui se posait déjà était… pour qui voter ?). Je te rappelle que la danse, c’est bon pour la santé, pas la fréquentation des bars !
Parler d’ornithologie n’est pas mon fort… Mais parler du Cha Cha Cha…, oui ! C’est quoi çà ? Une danse où tu fais du surplace… et que « les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître »! Tu parles d’un espoir dans le changement…
Quand j’écris… « Bon choix madame, bon choix mademoiselle, bon choix monsieur et la question qui se posait déjà était… pour qui voter ? », j’ai oublié de préciser que cette alternative électorale se posait à la droite… On n’est jamais trop précis.
Bonjour,
passer du rouge gorge aux requins, @ Christian, un magnifique grand écart !
Je profite de la perche tendue pour faire moi aussi un « petit » écart. Vous citez Joël de Rosnay et j’en profite pour vous conseiller son excellent livre » le macroscope » livre fondateur en France, de l’analyse systémique, abordant les aspects écologie, économie, ville, entreprise, organisme et cellule, paru en 1975. Il présente les systèmes à causalité circulaire (et non plus seulement linéaire) et l’importance du rôle de la rétro-action. J’ai lu ce livre dans les années 90 et il m’est littéralement tombé des mains tellement je l’ai trouvé intelligent. Quels regrets pour moi de l’avoir lu si tard !
Pour revenir au sujet qui nous préoccupe, l’anthropologie des requins de le Phynance. Je voudrais, si vous le permettez, détourner le projecteur des milliardaires qui sont dans la vitrine pour le tourner sur les machines à cash qui œuvrent dans la pénombre.
« le 17/01/2022 BlackRock a enregistré la plus forte croissance organique de son histoire, alors même que ses actifs sous gestion ont atteint de nouveaux sommets » se félicite Larry Fink, à la tête de l’entreprise depuis 1988. Gérés pour le compte de clients institutionnels (fonds de pension, compagnies d’assurance, caisses de retraite, etc.) et épargnants particuliers, le montant des actifs gérés par le groupe a de fait atteint 10.010 milliards de dollars (8.730 milliards d’euros), contre 8.680 milliards à la même période l’année dernière et près de 9.500 milliards trois mois auparavant.
Waouh! 10 000 milliards de $ soit 10 000 km de billets de 100$ empilés soit 1/4 de la circonférence de l’équateur… C’est plus que l’addition des PIB (2018) de l’Allemagne plus la France plus l’Italie 4356+2962+2397.
Entre juin 2019 et Juin 2020 , BlackRock a exercé ses droits de vote au sein de 17 000 assemblées générales d’actionnaires dont 4 190 aux États-Unis et 2 434 en Europe. L’entreprise possède aussi au moins 5% du capital de quatre sociétés américaines cotées en bourse sur dix, comme JP Morgan, Chevron, Facebook ou Walmart. BlackRock en 2020 est l’un des principaux actionnaires du CAC 40, derrière les familles Arnault, Bettencourt et l’État Français. BlackRock détient aussi 5 % du groupe bancaire espagnol Santander. BlackRock est un des investisseurs les plus importants dans huit des plus grandes firmes pétrolières mondiales, et détient plus de 87 milliards de dollars de parts dans des entreprises d’énergies fossiles. BlackRock a dépensé en 2018 près d’1 million et demi d’euros en lobbying auprès du Parlement européen et organise des dizaines de rendez-vous avec les responsables de la Commission. BlackRock entend en particulier influer sur les questions de taxation et de régulation financières. En avril 2020, BlackRock remporte un appel d’offres organisé par la Commission européenne pour rédiger un rapport sur la manière dont la supervision bancaire de l’UE pourrait prendre en compte le climat.
Voila pour l’influence de BlackRock sur notre pays et sur l’ EU(rss).
Parlons maintenant de l’influence du numéro 2 dans la fureur sanitariste covidiste. Le groupe Vanguard, deuxième plus grand fonds d’investissement au monde après BlackRock. Vanguard est bien le premier actionnaire de Pfizer, avec près de 8% des parts, selon le site du média américain CNN Business. C’est également le premier actionnaire de Johnson & Johnson, dont le groupe possède quelque 8,5% du capital. Et ses 6,3% de parts au sein de Moderna en font le deuxième actionnaire de la biotech, après Baillie Gifford, un autre fonds d’investissement (britannique). Avec des parts moins importantes, Vanguard fait aussi partie des actionnaires d’AstraZeneca ou de Sanofi. Le fonds est également un des plus gros détenteurs d’actions d’autres groupes pharmaceutiques, comme Eli Lilly ou encore Abbvie.
Regardons maintenant le problème de notre gigantesque dette nationale. 5) La majorité de la dette (53,6%) est détenue par des « non résidents », des investisseurs étrangers qui peuvent être soit des investisseurs institutionnels, soit des investisseurs privés. La France est donc majoritairement endettée vis-à-vis de l’extérieur.
En Avril 2019, Unicredit a utilisé les données du FMI pour tenter d’identifier qui étaient les acteurs économiques derrière les 53,6% de dette détenue par les non-résidents :
35% est détenu par des institutions publiques étrangères (autre que la BCE), majoritairement des États et des Banques Centrales.
15% est détenu par des banques étrangères.
47% est détenu par des investisseurs privés non bancaires. Il peut s’agir d’investisseurs institutionnels comme d’investisseurs particuliers.
3% de cette dette est directement détenu par la Banque Centrale Européenne.
La question qui découle de tout cela c’est notre pays peut-il s’opposer aux géants économiques sur les questions fondamentales de la dette, de la protection sociale, des retraites, de l’environnement ou de la réindustrialisation ?
Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. L’argent n’a pas de patrie ; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain.
Napoléon Bonaparte
Bonne journée
J’ai pris la peine de vous lire et je vous le dis tout net: cela m’effraie, et ce n’est pas chouette du tout, n’est-ce pas Christian?
@ à facon jf
Quand je lis qu’un livre est intelligent… ça me ravie ! Mais un livre, c’est fragile, il ne faut surtout pas le laisser tomber par terre… ce serait la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau… ce serait la faute à Rousseau !
@ Un complément : j’ai oublié de signer… GAVROCHE !