Vous reprendrez bien un bol de glyphosate européen

Les informations se succèdent à un rythme tellement élevé qu’il est impossible d’établir un lien entre elles. Tout et son contraire occupent l’espace médiatique selon la hiérarchie établie pour « capturer » au sens propre des téléspectateurs, des auditeurs et malheureusement de plus en plus rarement des lecteurs. Pourtant il devient indispensable d’apprécier l’actualité en mettant en synergie des éléments divers. Par exemple en quarante-huit heures deux annonces s’entrechoquent dans l’indifférence quasi générale.

D’abord on annonce que Le nombre de cancers a doublé en France. Le vieillissement et l’augmentation de la population seraient en cause. Mais pas seulement. C’est en effet la première cause de décès chez l’homme, le deuxième chez la femme. Le cancer est un enjeu de santé publique en France.

Cette explosion des cas inquiète. Entre 1990 et les projections pour cette année, le nombre aurait doublé. Cette hausse spectaculaire s’explique par l’augmentation et le vieillissement de la population. Le cancer le plus fréquent chez l’homme est celui de la prostate (60 000 cas) et chez la femme c’est celui du sein (61 000 cas). Cette information n’est pas explicité car les statistiques brutes ne permettent pas de faire un lien avec des modes de vie ou l’impact des atteintes environnementales à la santé.

Ensuite quarante-huit heures plus tard en vue d’une possible nouvelle autorisation sur le continent, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu un avis scientifique sur l’herbicide de Bayer, accusé de provoquer des cancers par des utilisateurs aux États-Unis comme en Europe. L’étude doit servir de base à la Commission européenne pour décider de prolonger, pour cinq ans, l’autorisation délivrée sur le marché européen au plus célèbre des désherbants et qui doit expirer le 15 décembre 2023. 

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont officiellement classé en 2015 le glyphosate comme un «cancérogène probable» pour les humains. À l’inverse, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a jugé en juin 2022 que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène. Qui croire ? Le principe de précaution ne pourrait-il pas être appliqué ? Que nenni !

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a en effet conclu, que le glyphosate ne présentait pas de « domaine critique de préoccupation » empêchant le renouvellement de son autorisation dans l’Union européenne. « Une préoccupation est définie comme critique lorsqu’elle affecte toutes les utilisations proposées de la substance active en cours d’évaluation » explique sans détours le communiqué, ce qui empêche d’office son autorisation ou le renouvellement de son autorisation.

L’Efsa observe toutefois plusieurs lacunes et des questions en suspens, qui devront « être prises en compte par la Commission européenne et les Etats membres » lors de la prochaine étape. Elle note également « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés du glyphosate. Bref les 90 spécialistes consultés ne sont pas d’accord et nul ne se penche sur leur indépendance mais on va continuer quand même.

En France le tabagisme représente 20% des cancers évitables. Ces derniers évoluent avec les comportements. En effet la consommation diminue chez les hommes et progresse chez les femmes, se répercute sur les chiffres du cancer du poumon. On note une baisse de 0,5% de cancer du poumon chez l’homme, contre une augmentation de 4,3% chez la femme. Parmi les autres facteurs de risque signale le rapport , on signale les pesticides ou encore les perturbateurs endocriniens. On les connaît mais les lobbies étant plus forts que les politiques les règlements européens ne protègent absolument pas la population.

Mieux l’institut du cancer qui publie cette information a trouvé la situation : « cette augmentation est principalement liée à des évolutions démographiques (78% de l’augmentation de l’incidence chez l’homme et 57% chez la femme) et secondairement à une augmentation du risque de cancer lié à nos comportements et à nos modes de vie » C’est à dire nous sommes responsables de l’ingestion des produits nocifs vendus à grand renfort de publicité à celles et ceux qui n’ont pas les moyens pour choisir les moins dangereux. Tous les jours des produits sont sortis d’urgence des rayons de la grande distribution… mais tant pis pour les acheteurs antérieurs à cette mesure.

Pour la respiration de l’air dont qualité de l’air peut être modifiée par des polluants qui peuvent être d’origine naturelle ou liés à l’activité humaine, c’est aussi de notre faute. La pollution a pourtant des effets significatifs sur la santé et l’environnement. Le droit européen fixe des valeurs limites pour certains polluants dans l’air à partir des études épidémiologiques, conduites notamment par l’Organisation mondiale de la santé. La France est engagée dans deux pré-contentieux européens pour la teneur en particules (PM10) et en dioxyde d’azote (NO2) pour une vingtaine d’agglomérations mais c’est de notre faute…

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Cet article a 4 commentaires

  1. Philippe Conchou

    Je me demande si on ne s’illusionne pas un peu sur l’abandon du glyphosate, les particuliers et les municipalités vont dans le bon sens , mais les lobbies agricoles n’en font qu’à leur tête, tout est bon pour se justifier, rendements, nécessité de nourrir une population en croissance etc…
    Est-ce que les différentes autorités comme l’AFSA sont réellement objectives et indépendantes?

  2. J.J.

    Comme à l’accoutumé, on a droit à la plus complète dénégation de logique : hier sur la « 2 », alors que la veille, le gros problème consistait en la manière dont on allait éradiquer les véhicules polluants, le reportage du jour était une étude comparée sur le mode de transport le plus avantageux.
    Avion, voiture ou train ?
    Et c’est évidemment, avec avantage à la voiture particulière, le train qui est sorti le bon dernier du palmarès …
    Et plus question de pollution.

  3. patrickG

    Ah, le glyphosate, ce révélateur d’impuissance de la société civile face aux appétits sans limite des firmes ! Ce témoin de la perversion sans fin d’un monde politique qui ne refuse pas d’être corrompu dans leur rôle de gardien de la santé publique. Tant que l’économie va, tout va ! Un serpent de mer toujours sous-jacent quand il s’agit de faire un choix de société sur un usage « en bon père de famille » de notre planète. Moi, j’y vois surtout une défaite de l’individu dont le sort ne pèse que peu dans l’établissement des politiques agricoles « européennes », ce fer de lance des laboratoires de la chimie multinationale ; comprendre par là que ce sont des sociétés sans responsabilité.
    Ils nous ont imposé mondialement les OGM et son compagnon le glyphosate, et cela ne cessera que quand les sols morts ne permettront plus aucune récolte… Mourir de faim ou mourir de cancers, voilà l’avenir qu’ils concoctent impunément aux générations futures. Triste bilan. Et comme ils savent « qu’il ne faut pas lâcher l’affaire » car en Europe « nous » n’acceptons pas les OGM, ils ont mis au point une nouvelle technologie : les NTG, Nouvelles Technologies Génomiques

    https://www.novethic.fr/actualite/environnement/agriculture/isr-rse/glyphosate-pourrait-entrainer-une-grave-crise-institutionnelle-en-europe-selon-marie-monique-robin-144912.html

    https://www.rfi.fr/fr/europe/20230706-vers-une-autorisation-de-nouvelles-technologies-g%C3%A9nomiques-ntg-dans-l-ue-afin-d-assurer-la-s%C3%A9curit%C3%A9-alimentaire

  4. Philippe Labansat

    Comme nous ne sommes pas capables de congédier les politiques qui nous assassinent, main dans la main avec leurs commendataires lobbyistes, ingérons et humons joyeusement leurs poisons, en cheminant vers le tombeau…

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