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Tuons la crémière mais exigeons qu'elle nous fournisse notre beurre

Encore une fois j’ai pu mesurer le hiatus existant entre ce que l’on appelle des sondages et la réalité des positions de électrices et des électeurs potentiels quand ils sont informés. Les réponses des sondés sont uniquement basées, pour une bonne part d’entre elles, sur l’ignorance totale des conséquences des propositions qui leur sont faites. Invité de dernière minute à un débat sur l’avenir du financement du sport je me retrouve face à une salle bondée de responsables de comités départementaux et bien évidemment l’essentiel du débat a tourné autour de la réforme territoriale entraînant une forte baisse des soutiens au milieu associatif en général.
C’est en effet une certitude : la première victime de cette lubie gouvernementale sera le milieu associatif à la « française » ! Il l’ignore encore mais il le pressent. La réaction sera en cascade et à terme il y aura beaucoup de disparus tant au niveau des structures qu’au plan des personnels. Pour l’instant les dirigeants bénévoles se contentent de s’inquiéter sur leur sort, invoquant, comme c’est devenu la constante, la responsabilité des « élus » qui sont face à eux dans ce débat de la réforme territoriale !
Ils ont peut-être souhaité en tant que contribuable la disparition du conseil général pour faire les « fameuses économies » réclamées par Bruxelles et les nécessités budgétaires mais d’un autre coté ils s’aperçoivent du vide qui s’ouvre devant eux. Il faut que les élus fasse des coupes sombres mais pas pour eux qui ne peuvent déjà pas joindre les deux bouts à cause d’un système pyramidal d’une organisation sportive très onéreuse (sections, clubs, districts ou comités, ligues, fédérations : une mille-feuilles au moins aussi coûteux que celui qu’ils condamnent en tant qu’électeurs). « Je suis partisan de la suppression des départements mais pas des subventions que celui-ci m’alloue !  »
En définitive quand ces citoyens plus dévoués et éclairés que les autres s’angoissent il faut leur dire franchement que la disparition des conseils généraux qui les inquiète n’est que la conséquence de l’approbation par l’opinion dominante de la fameuse théorie des économies . Que font-ils pour combattre ce dogme ? Pas grand chose car ils sont écartelés entre la pression médiatique qui les persuade que c’est inévitable et leurs réalités de gestion bénévole ! Ils imaginent les conséquences pour eux mais ne remettent pas en cause la décision totalement théorique de réforme territoriale.
Le grand public sous-informé, ballotté par des annonces gouvernementales purement tactiques, abandonné par des médias qui se contentent de ressasser des certitudes toutes faites approuve la disparition de l’échelon territorial départemental. A plus de 60 % dans les sondages les français serait encore pour la fameuse théorie des économies sauf que quand pour certains on leur met le nez dans l’aberration que va représenter la disparition des soutiens au milieu sportif ils tordent le nez ! C’est une caricature du défaut essentiel de la société actuelle : on persuade les gens de manière méthodique que leur intérêt se situe dans un suicide collectif au nom du monde du profit et ils n’en découvre les conséquences qu’après avoir approuvé le mouvement général! Dramatique !
« Que faites-vous pour soutenir les conseils généraux ? Avez-vous protesté contre ces sondages qui prétendent que la France sera de meilleure qualité après la mort de son système associatif ? Avez-vous expliqué à vos licenciés les effets induits par cette réforme ? Préparez-vous une adaptation de vos structures ? Êtes vous prêts à saborder votre propre organisation pyramidale ? Avez-vous abordé les difficultés de la Gironde rurale dans ce contexte ? Quelle cohérence y-a-t-il à prétendre que la réforme va améliorer le sort des sportifs face à la destruction d’un système n’arrivant même pas à leur donner les soutien dont ils ont besoin ? » Autant de questions que j’ai posées crûment et directement. Sauf que dans chaque tête il y a le fameux sondage : l’électeur générique réclame une mise à mort au nom du fait que les « élus » sont pourris, inutiles, menteurs, intéressés que par le maintien de leur privilège…et dans le fond que l’on peut s’en passer ! Et en plus ils font de la « politique ».
Oui je fais de la politique quand je défends le conseil général comme institution de proximité. Oui je fais de la politique quand dans mes fonctions je cherche les crédits nécessaires pour soutenir les clubs, les investissements pour le sport. Oui je vais de la politique quand je refuse de financer le grand stade privé bordelais. Oui je fais de la politique quand je répète que le CNDS a été ruiné par le gouvernement Fillon. Oui je fais de la politique quand je contribue à la rédaction d’une carte protectrice pour le milieu associatif.
Le témoignage de Marie-Emilie Sallette maire d’une commune de 600 habitants s’alarmant du désastre que représenterait la fin des conseils généraux ne change rien au problème. Il suscite la sympathie et l’émotion mais pas de réaction constituée de soutien. L’opinion dominante ne veut plus de la « crémière » mais souhaite bénéficier encore et encore du beurre venu d’on ne sait où mais devant continuer à s’étaler sur les tartines communales ou intercommunales. C’est désarmant On n’admet en sortant de la salle, devant sa télé, qu’un sondage soit une vérité alors qu’il n’a été accompagné d’aucune explication, d’aucune information, d’aucune précision permettant au sondé de répondre sur une base intelligente et cohérente mais on le refuse dans son rôle social.
Je suis sorti du débat frustré face à ces responsables auxquels on ne peut pas expliquer que ces « élus » dont ils mettent en doute la sincérité, ces gens dévoués pour la grande majorité d’entre eux au bien public, à l’intérêt général et donc à la cause du sport n’arrivent pas à être écoutés, entendus, soutenus. Au contraire ils sont dénigrés et combattus.
J’ai été licencié, j’ai été éducateur, j’ai été entraîneur, j’ai été secrétaire, j’ai été trésorier, j’ai été président, j’ai exercé des responsabilités nationales dans le milieu sportif et pour mon malheur je suis élu… autant dire que désormais je suis passé à l’ennemi ! Surtout quand on a été élevé au biberon du parler vrai quel qu’en soit le prix ! On dérange !

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Cet article a 3 commentaires

  1. Denis Chandon

    Et attend de voir la reaction de ce milieu quand les subventions municipales vont aussi se reduire du fait de cette réforme. De même avec la disparition des comités départementaux au profit de ligues gigantesques qui vont voir leurs couts d exploitation exploser et donc le cout des licences augmenter mathematiquement nous obligeant à le repercuter tout ou partie sur nos licenciés!

  2. Vent d'Est

    En plein dans le mille !

    L’état d’esprit de l’assistance de cette réunion que vous rapportez est emblématique de l’état d’esprit qui peu à peu s’est sournoisement répandu dans une large partie du corps social durant ces vingt dernières années.

    Les prémices en remontent à l’époque où le mythe des « Golden boys » faisait les choux gras des médias et où « Capital » (M6) enchaînait les reportages sur « le paradis londonien ». Exacerbant la réussite individuelle, se gardant bien de s’étendre sur l’envers du décor, cette doxa ringardisait tout ce qui se faisait ici.

    Peu à peu notre société s’est vue affectée d’un mal indicible pour beaucoup : la « schizophrénie sociétale ». Toujours plus et surtout toujours moins cher pour soi sans vouloir prendre en compte le fait que lorsque c’est moins cher pour soi ça a toujours un coup exorbitant pour les autres, quelque part. Dans ce sens, la montée en puissance exponentielle du phénomène internet, de par son accès à toutes sortes de produits et de services à la gratuité apparente ainsi que le développement du « low-coast » étendu à tous les domaines ont enfoncé le clou dans les esprits.

    « Ce sont donc toujours les autres qui coûtent cher ! » et en premier lieu, les services publics, donc l’État et plus généralement, les collectivités : il faut donc faire des économies. On connaît la suite. Mais en même temps, il faut plus de sécurité (police, contrôles sanitaires…), plus d’enseignants dans son école, moins d’attente aux urgences… J’arrête là, la liste est inépuisable.

    Pour les mêmes, il faut diminuer sans cesse les charges mais au contraire offrir plus de services. La quadrature du cercle doit enfin faire l’objet de sa résolution.

    Des économies sont faites, soyons juste, certaines sont justifiées mais pas dans la proportion qu’on voudrait nous faire croire.

    Par contre, c’est beaucoup moins d’argent directement redistribué dans des activités de proximité (au sens large) : entretien des biens et équipements communs, actions culturelles… Là aussi, la liste est longue. En conséquence la qualité de vie est moindre, le chômage et le coût social et financier qu’il suppose ne cesse de grimper mais ça ne fait rien, il faut continuer à racler, jusqu’à l’os au profit des grands groupes qui vont s’empresser non pas d’investir et d’embaucher mais plutôt « d’optimiser leurs fonds » car en matière de dividendes reversés aux actionnaires, là, il n’est pas question de limite.

    Tout le monde en prend plein la figure, salariés, petits entrepreneurs, petits commerçants, employés précaires, chômeurs, retraités bientôt même certaines professions libérales… pas les éternels « pleurnichards de la bande à Gattaz » qui vivent, cependant déjà, largement des commandes de l’État, tout comme les groupes de médias qui la soutienne, survivent grâce à ses subsides. Certains sont même abonnés aux deux guichets ; il n’empêche !

    La maladie est là, bien incrustée, elle touche tout le monde et les bilans que font « les professionnels de la profession » (comme dirait Godard) de la saison touristique de cet été laissent apparaître déjà que malgré un temps pourri les vacanciers étaient présents mais qu’ils regardaient de très près le fond de leur portefeuille. D’autres constats, dans d’autres domaines confirmeront cet état de fait, il n’y a qu’à voir pour s’en convaincre le nombre inouï de relances effectuées par les sites de vente en ligne et pourtant ce ne sont pas les plus mals lotis.

    Normal, quand des moutons, malades qui plus est, se prennent à hurler avec les loups, il ne faut pas qu’ils s’étonnent d’y laisser la peau !

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