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L’habillage mode libéral de la destruction de la filière textile

Le fameux costume ou la superbe robe du dimanche qui parfois accompagnaient durant de longues années celui ou celle qui l’avait choisi ne trône plus dans les armoires sentant la lavande s’exhalant des sachets placés sur les étagères. Depuis pas mal de temps la fidélité à des vêtements durables traversant les fluctuations de la mode n’a plus cours dans une société de la consommation frénétique. Il suffit de se promener dans les vide-greniers ou de se rendre devant les bornes de rejet des textiles auxquels on renonce à contre cœur pour mesurer la gabegie vestimentaire actuelle.

Selon les spécialistes en 2015, 63 % des marques de mode européennes ne mettaient en vente que 2 collections par an. Dix ans plus tard Zara ou H&M en proposent entre 20 et 50 ! Ce qui est déjà considérable, mais qui n’est rien face à la plateforme chinoise Shein qui met sur son site entre 7 et 10 000 nouveaux modèles par jour. Oui par jour ! On trouve sur leur site 470 000 modèles disponibles en temps réel. Et il n’y a pas qu’eux : Temu, Boohoo, Fashion Nova, Pretty Little Things qui submergent internet via des pubs sur les réseaux sociaux.

Nous en arrivons à des chiffres affolants. En moyenne nous achetions annuellement plus de 3 milliards de vêtements. Plus de 40 par personnes. Les conséquences écologiques de cette frénésie sont démesurées. Shein seulement c’est 15 à 20 000 tonnes de CO2 émises chaque jour juste pour produire les nouveaux modèles. Il faut y rajouter la culture des matières premières qui souvent consomment des millions de m³ d’eau, la pollution des sols, le transport, la livraison et l’élimination éventuelle. Nous ne voyons comme le veut la loi du marché libérale que le prix d’achat !

Les associations qui recyclent les millions d’habits abandonnés croulent sous les quantités à récupérer sur les territoires. Les plateformes de vente à distance diffusent des millions d’annonces. Le « jetable » a détruit une bonne part de la production française et même européenne. Un camarade de classe reparti en Italie pour y fonder une entreprisse de filature pour les plus grandes marques mondiales me confiait que le jean d’un grande marque célèbre américaine revenait terminé à 5 à 6 euros pour être revendu parfois plus de 200 euros. Nous payons la marque et la publicité gigantesque faite autour du produit. Le résultat a été terrible. L’industrie textile française a perdu 300 000 emplois en France depuis les années 90 et 37 000 depuis dix ans. Mais pire désormais dans la revente toutes les chaînes disparaissent les unes après les autres. Pas moins de 40 000 emplois ont été supprimés en 10 ans puisque les « boutiques » quittent les centres des villes moyennes et les galeries marchandes des centres commerciaux. Le mouvement est irrémédiable !

 Il y a un an l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une proposition de loi visant à encadrer cet envahissement vestimentaires venu d’ailleurs. Elle prévoyait d’interdire la publicité aux entreprises de ce que le milieu branché appelle la  « fast-fashion », ainsi qu’un mécanisme de prime-pénalités en fonction de l’impact durable des vêtements. Des pénalités qui devaient être payées par les entreprises, sans obligatoirement se répercuter sur leur prix final. Problème, elle n’est toujours pas en vigueur. Il a fallu en effet plus d’un an pour la mettre à l’agenda du Sénat, grâce aux pressions répétées de différents collectifs et fédérations professionnelles dont l’une a pris comme conseiller un certain Castaner ancien ministre de l’intérieur et ancien député influent du macronisme.

Le texte devrait être examiné au sénat dans moins d’un mois. Enfin pas le texte des députés mais ce qu’il en reste. Le lobbying a joué à plain régime puisque la commission a considérablement modifié les dispositions de régulation. La publicité des grandes plateformes de vente en ligne ne serait plus interdite, mais “encadrée”. Les prime-pénalités ne seraient plus indexées sur l’impact environnemental, mais sur les “pratiques industrielles et commerciales”, une notion floue que ni la rapporteuse de la loi , ni la ministre peuvent définir. Castaner et un certain Bernard Spitz (ex-MEDEF) défendent une action coordonnée pour avoir accès à nos datas, détruire nos emplois et notre modèle social ». Force est de reconnaître qu’ils ont été efficace.

Les exonérations douanières sur les petits colis accentuent ce phénomène. La baisse du pouvoir d’achat oriente les achats vers le moins cher qu’elles que soient les conséquences de ces pratiques. le budget habillement en France reste globalement stable depuis 30 ans, donc pour acheter plus de vêtements, il faut les payer moins cher. Et pour faire des vêtements moins cher, le meilleur moyen c’est d’aller fabriquer dans des pays où les gens sont mal payés – donc pas la France. Pour vous donner un ordre de grandeur, le salaire minimum en Tunisie ou au Bangladesh tourne autour de 100€, soit environ 15 fois moins qu’en France. Au final, le constat est le suivant :  plus les Français consomment de vêtements, plus le made in France disparaît. On fera une commission d’enquête….

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Cet article a 7 commentaires

  1. François

    Bonjour Jean-Marie !
    Dommage que tu n’ais pas terminé ta dernière phrase !
    Donc, pour le bonheur du lecteur, je m’y attèle et ça donne:
    On fera une commission d’enquête….certainement plus utile que pour quelques gifles éducatives !Il est vrai « qu’en même temps », on ne peut pas aussi favoriser l’industrie de la coutellerie !
    Comme l’a remarqué R. Ménard, « Il est épuisé ! » …Le pôvr’ ! ! ! !
    Amicalement

    1. François

      Oups… que tu n’aiEs pas terminé : ma souris est affamée ! ! !

  2. J.J.

    Ça se confirme, je ne suis vraiment pas dans le coup ! Un vieux crassous (avare, grippe sous, comme on dit par chez nous ). Je porte encore, quand le temps est pluvieux, un vieux machin, type K-way que j’avais acheté en solde il y a une bonne trentaine d’années, que je n’ai pas porté tous les jours certes, mais qui n’est ni usé ni déteint. Je porte également encore une vieille veste de « trekking » made in Sweden (au jardin maintenant, il ne faut pas exagérer) achetée en solde il y a bien 50 ans et dans la quelle je suis bien « benaize ».
    J’ai fait des folies il y a trois ans en achetant une veste matelassée légère pour la demi saison(du luxe !).
    Toujours pusillanime au moment de jeter un vêtement « qui a fait son temps », mais difficile de perdre des habitudes quand on a porté des pantalons dont le fond risquait parfois de « rendre l’âme », ou des vestons aux bords de poches râpées.
    Jeter un vêtement encore à peu prés en bon étant me fendrait le cœur…
    Malheureusement ce n’est pas ça qui va aider à sauvegarder notre « made in France ».

    1. Gilles Jeanneau

      Merci pour ces paroles car je croyais être un des rares vieux gardant ses vieux habits!
      J’ai toujours haï la mode et le superficiel, une façon de vendre à prix d’or des choses affreuses sans aucune classe…
      « Il n’y a de nouveau que ce qu’il y a d’oublié » !
      Mais la mode actuelle est d’oublier rapidement (voir notre 1er Ministre)
      Triste époque!
      Allez bonne journée quand même!

      1. François

        Bonjour @Gilles Jeanneau !
        Rassurez-vous car le club des « vieux habits » a de nombreux membres actifs surtout en bricolage, jardinage et autres activités environnementales … réservées aux anciens !
        Ma hantise, ce sont les fermetures éclairs: encore des chinoiseries que nos couturières familiales ne veulent plus changer ! Bon ! j’arrête là mon propos … étant aussi un défenseur de la paix des ménages ! !☺☺
        Toutefois, étant un chineur dominical assidu, je déplore la part exponentielle que prennent les stands de frusques surtout pour enfants. Les vieux cuivres ont déclaré forfait.
        Cordialement

        1. J.J.

          les fermetures éclairs, non ! les fermetures Éclair. Comme un Frigidaire, c’est une marque, le « vrai » nom : fermeture à glissière… C’est vrai que selon la configuration du vêtement, ce n’est pas toujours facile, ou même possible de les changer (témoignage de la spécialiste de la maison).
          Amicalement
          J.J.

  3. Philippe Labansat

    Mondialement, l’industrie textile est le deuxième plus gros pollueur de la planète, après l’industrie pétrolière !…
    Perso, je me contrefiche des « chiffons » fashion.
    C’est avec surprise que, régulièrement, je reconnais, sur des albums photos, des vieilles fringues que je porte toujours…

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