You are currently viewing Le système de santé est anémié, fatigué et asphyxié

Le système de santé est anémié, fatigué et asphyxié

Le médecin généraliste ou spécialiste appartient à la catégorie des professionnels que l’on souhaite voir le moins souvent possible. Il est vrai qu’actuellement compte tenu de la pénurie consécutive à des erreurs de stratégie dans la formation le vrai problème c’est de le rencontrer. Soit dans certains secteurs géographiques il n’existe pas soit il est tellement surchargé que les délais dépassent l’espérance de guérison. Il faut attendre des mois pour trouver sur n’importe quel territoire un cardiologue, un dermatologue, un ORL ou un ou une gynécologue. Essayez donc de prendre un rendez-vous avec votre médecin de famille le matin pour dans la journée. Le malade doit anticiper ses besoins pour espérer bénéficier d’une échographie ou d’un IRM. Bref si c’est pire dans des secteurs géographiques ruraux il serait peu lucide de prétendre que tout va bien ailleurs.

Les mesures gouvernementales visant à contraindre les nouveaux formés à se mettre « au vert » durant quelques mois ou à « donner » deux jours par mois pour une clientèle qu’ils ne connaissent pas posent pas mal de problèmes. Ils passeront et le suivi des patients sera inexistant puisque rien ne les contraindra à revenir. Le lien de confiance entre le « malade » et son « soignant » reposant sur une continuité dans la relation humaine n’existera pas. Or on en connaît l’importance. Dans le milieu rural les « visites domiciliaires » continuent souvent auprès de personnes âgées ou incapables de se déplacer. Quid aussi des professions paramédicales qui font défaut partout (infirmières notamment) et qui sont submergées souvent pour assurer le maintien à domicile de personnes âgées dépendantes ?

La pénurie actuelle dans les métiers de la santé ne se résoudra pas par des mesures conjoncturelles. Le système de santé est à repenser. Mais les pouvoirs qui se sont succédés se contentent de lui administrer du Doliprane dont on sait qu’il atténue ou fait disparaître les effets sans en soigner les causes. Le plan gouvernemental est en fait un aveu d’impuissance comme dans de nombreux autres domaines. La privatisation accélérée ne permettra pas un retour en arrière. Elle suppose un libre choix de la part de celui qui exerce une profession justement classée comme… libérale. D’ailleurs il est aisé de constater que le rapport entre le profit et la santé devient essentiel. Les fameux « dépassements d’honoraires » se généralisent et il est à craindre que le déconventionnement progresse encore.

Les vraies raisons de la désertification médicale tiennent à la désertification globale des espaces où on la constate. Un(e) toubib cherche comme toutes les personnes qui doivent s’installer quelque part des services de proximité autre que le sien, des structures de soutien pour sa vie familiale ou personnelle, une vie sociale réelle. C’est un tout et pas seulement une affaire de « rentabilité ». Par ailleurs le manque d’attractivité des professions du secteur de la santé, le vieillissement du personnel médical dont on n’a pas anticipé le départ, un volume de formation insuffisant pour assurer la relève, et de faibles investissements qui vont aller en diminuant dans la ruralité ou les quartiers en difficulté confortent partout… la pénurie. Or il n’y a pas de mesures réelles d’urgence spécifiques dans les cartons du pouvoir en place.

Il faudrait par exemple un vrai débat sur les pathologies relevant d’un nécessaire suivi en consultation présentielle avec le médecin ou pouvant être déléguées à des professionnels expérimentés lors de leurs contacts avec les malades. L’aménagement de cabinets de permanence de soins avec un « opérateur » qualifié rémunéré (infirmières, aide soignante, kinés…) pour développer la téléconsultation avec des médecins salariés ou volontaires selon un système de permanences est une autre solution.

L’autorisation d’implanter dans des zones définies de « cabinets annexes » de maisons médicales constituerait une troisième piste alors qu’il est quasiment impossible d’avoir une telle autorisation. L’itinérance organisée de véhicules multi-usages médicaux pouvant être subventionnés offre une autre possibilité. Une différenciation de la tarification de la consultation par zonage territorial sans surcoût pour le patient en serait une autre. Un complément forfaitaire financier non imposable reposant sur une estimation des consultations faites sur les espaces identifiés constituerait une incitation plus efficace que les obligations énoncées par le plan du Béarmais bétharamisé.

Le système de santé public traverse un telle crise que l’égalité de l’accès aux soins n’est plus crédible. La carte bleue est devenue vitale. Les mesures gouvernementales ne changeront rien au malaise ambiant qui renforce l’idée de l’inefficacité de l’action politique qui navigue à la corne de brume faute de courage.

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

    « La carte bleue est devenue vitale.  » Ça c’est une belle figure de style ! Métonymie et/ou litote ? Ou autre figure ? Je n’ai rien trouvé de convainquant, mais c’est joli.
    Le plan Bayrou est parfaitement coupé des réalités, ridicule. On n’envoie pas des médecins souvent surchargés de travail, quasiment comme une punition, examiner des patients qu’ils ne connaissant pas et ne rencontreront sans doute plus jamais, et pour cela abandonner leur patientèle.
    Qu’est ce qu’il consomme en cachette le monsieur ?
    Avec des citoyens comme ça, on n’est pas sorti, non de l’auberge, mais du lazaret, comme disait « l’adjudant de compagnie » en désignant l’infirmerie.

  2. faconjf

    Bonjour,
    Les déserts médicaux ne sortent pas de nulle-part, ils sont le résultats de tractations politiques menées par les syndicats de médecins depuis 1971. La convention médicale de l’époque conclue avec l’Assurance-maladie a solvabilisé la clientèle et amélioré la situation financière des médecins. À ce moment, gestionnaires et syndicats médicaux se rejoignent pour demander une limitation du nombre de médecins formés par crainte d’être trop nombreux dans cette profession. Et le numérus clausus est arrêté à 8 588 étudiants. En 1977, Simone Veil, alors ministre de la Santé, considère que la France est trop pourvue en médecins, en équipements hospitaliers et en lits d’hôpitaux. Elle souhaite adapter la formation aux besoins et propose un numerus clausus de 6000 étudiants. En 1987 il est fortement déconseillé de s’installer dans ce qui sera nos futurs déserts médicaux. À cette époque le conseil de l’Ordre de la Creuse est formel : il n’y a aucun avenir pour un jeune généraliste qui s’installerait dans ce département. A partir de ce moment l’Assurance-maladie devient le fer de lance du mouvement en faveur de la diminution du numerus clausus ; la caisse va jusqu’à considérer qu’il faut reconvertir des milliers de médecins. Gilles Johanet*, son nouveau directeur et conseiller à la cours des comptes est en faveur de cette diminution et sera une des personnes à l’origine de la forte diminution à 3 500 étudiants en 1993. Il dira même à l’Express « qu’il y a 20 000 médecins à reconvertir ». Le 10 décembre 1998 le gouvernement envisage d’augmenter le numerus clausus, moment où ils prennent conscience du risque de pénurie qui se profile pour les années 2 000. Seul contre tous, Gilles Johanet pèsera de tout son poids pour bloquer le numerus clausus au plus bas. Il faudra attendre le début des années 2000 pour que le numerus clausus commence à être relevé. Comme 10 ans sont nécessaires pour « fabriquer » un médecin opérationnel il est déjà trop tard. En 2001 le numerus clausus augmente de 6,5 %, puis un peu chaque année, jusqu’à laisser la place au numerus apertus en 2021. Selon le ministère de la Santé, la pénurie devrait durer jusqu’en 2050, d’autant qu’il faut aujourd’hui 2,3 médecins généralistes pour en remplacer un qui part à la retraite. La nouvelle génération serait en effet moins encline à ne pas compter ses heures et aurait tendance à privilégier le salariat aux horaires plus restreints.Aujourd’hui, on dénombre 240 000 médecins sur l’ensemble du territoire, soit une augmentation de 11,9 % par rapport à 2010, avec une progression de 1,7 % entre 2024 et 2025. À ce rythme, l’Hexagone pourrait donc compter 316 000 médecins d’ici 2040, soit 30 % de plus qu’actuellement. Une aubaine pour les patients, mais un risque de trop-plein qui pourrait avoir un goût de baisse de la rémunération des médecins selon l’Ordre des médecins.
    Vite, vite il faut se dépêcher de trouver un nouveau porte drapeau pour succéder à Gilles Johanet! La route de la corruption passe aussi par L’ INSP avec la garantie de ne jamais avoir à rendre des comptes. (l’École nationale d’administration (ENA) a été supprimée le 31 décembre 2021, remplacée par l’Institut national du service public (INSP) depuis le 1er janvier 2022.
    « Quand on ne peut pas changer le monde, il faut changer le décor. » Daniel Pennac
    Bonne journée

    Gilles Johanet, né le 22 mai 1950 à Paris, est un haut fonctionnaire français, spécialiste des secteurs de la santé. Il est procureur général près la Cour des comptes de juillet 2012 à mai 2019. Enarque,ancien Maoïste, ex faucialiste ex directeur de cabinet de G Dufoix. Directeur général adjoint jusqu’en 2006, à la tête de la branche santé et assurances collectives des AGF (septembre 2003), il propose en avril 2006 une réduction de la cotisation à l’assurance santé maison contre des preuves d’achat du yaourt Danacol™ de Danone, et une complémentaire santé dite Excellence santé à 12 000 € par an et par personne, donnant accès aux meilleurs médecins de France. Un réseau de 200 médecins, dont Pierre Godeau (président de l’Institut Servier), est déjà constitué . Les soins plus lourds (comme la chirurgie) restant à la charge de la Sécurité sociale. Face au tollé général, le projet ne verra jamais le jour. Il quitte AGF devenu Allianz en 2007 et retourne à la Cour des Comptes.

  3. christian grené

    J.J. m’a coupé l’herbe sous les pieds. « La carte bleue est devenue vitale » est une trouvaille de notre J.M. que j’apprécie plus particulièrement. Et le titre de la chronique quotidienne qui l’accompagne « Anémié, fatigué, asphyxié » représente pour moi l’idéale DEVISE de la République aujourd’hui.

Laisser un commentaire