Devant une situation que les médias ne cessent de dramatiser, l’Union européenne a jeté aux orties tous ses principes essentiels issus du Traité constitutionnel que la France avait refusé. Un virage à cent quatre-vingts degrés sous la pression du retrait du parapluie américain ayant jusque-là permis de faire semblant d’être indépendant et libre. C’est l’affolement. Les réunions des chefs d’État se multiplient. Les annonces fusent. Les déclarations semi guerrières prolifèrent. Des mots nouveaux apparaissent (« héros », « résistance », « réarmement », « défense », »armée », « dissuasion », « traître »…). Il ne manque souvent que « paix » mais c’est normal car selon le principe de Jaurés « l’affirmation de la paix est le plus grand des combats ». Alors la mobilisation du fric a débuté.

D’abord, alors que depuis des années il nous est expliqué que l’on ne peut pas effectuer d’effort pour les services publics de la santé, de l’éducation, de la justice, de la sécurité en raison du fameux 3 % de déficit des dépenses des États. Brutalement la barrière « sacro-sainte vient d’exploser. Il sera donc possible de surendetter à tout va sans sanction de Bruxelles. Désormais tout est fait pour au contraire encourager les États membres à dépenser plus pour leur défense, sans souci du respect des règles budgétaires qui les obligent à limiter leur déficit public à 3 % de leur Produit intérieur brut (PIB). « Cela permettra aux États membres d’augmenter de manière significative leurs dépenses de défense sans déclencher la procédure de déficit excessif », a déclaré Von der Leyen jusque là grande prêtresse de l’orthodoxie budgétaire.

Ensuite la France qui a déjà une dette abyssale pourra donc tenir un double discours de rigueur pour toutes les dépenses qui touchent au quotidien au nom de la nécessité de revenir aux 3 % alors qu’il faudra nécessairement emprunter pour financer l’effort de guerre. Un grand écart dangereux. Le fameux « quoi qu’il en coûte » nouvelle formule avec les conséquences que l’on connaît se met en place à crédit comme l’autre. Le vrai problème c’est que le premier plan a touché tous les niveaux de l’activité économique alors que le second ne concernera que les entreprises du secteur de la défense (1).

Le premier a servi à maintenir ce qui existait alors que celui qui arrive devra créer de nouvelles chaînes de fabrication ce qui prendra des mois. Les emplois existaient durant la crise sanitaire. Dans le secteur industriel où il y a pénurie de main d’œuvre qualifiée et il faudra la dénicher. Les milliards virtuels annoncés n’auront une efficacité potentielle dans deux ou trois ans. Or si l’on en croît les augures le temps presse.

Lucide, Zelensky va essayer de jouer la montre en acceptant de signer un traité léonin qu’il sera difficile de toutes les manières à mettre en œuvre dans le contexte des prochains mois. Comment des entreprises américaines viendront-elles exploiter des gisements sans assurer la sécurité de leurs investissements ? Un effet boomerang qui ne tardera pas à entrer dans les négociations entre Trump et Poutine puisque les Ukrainiens n’auront pas la capacité à garantir cette couverture militaire indispensable. Une Ukraine affaiblie n’aura aucun intérêt à moyen terme pour le capitalisme US. D’ailleurs Wall Street commence à grincer et à douter de ce contrat qui se révélera vite très théorique.

Enfin il faut décortiquer l’annonce faite par Von des Leyen. Elle n’accorde dans les faits aucun crédits européens pour financer ses fameux « presque » 800 milliards. Il ne s’agit que d’un montage reposant sur de la dette à contracter par les États membres. Elle s’arroge le droit d’ouvrir un plan« de mobilisation pour des dépenses d’armement pour une Europe sûre et résiliente », dont …150 milliards d’euros de prêts à disposition des 27, et fournir une aide immédiate à l’Ukraine. Qui va emprunter ? La Hongrie ? La Grèce ? La Roumanie ? L’Estonie ? La Lettonie ? La Lituanie ? La Bulgarie ? L’Italie ? Le Portugal ? Pour quoi faire dans le domaine de l’armement ?

La vendeuse de vent a ajouté qu’elle faciliterait le recours à la Banque européenne d’investissements (BEI) pour le financement de projets de défense. Cette banque n’est pour le moment pas autorisée… à financer des projets directement liés au secteur de la défense. Enfin, la Commission européenne veut davantage mobiliser le secteur privé b(sic) pour le financement de la défense en Europe. Il faut donc relativiser, comme toujours cette annonce qui ne repose que sur des hypothèses hasardeuses. En plus bien évidemment le principe « de la concurrence libre et non faussée » qui nous a conduits à la ruine n’existe plus dans ce secteur puisque ce ne pourra être que du matériel… européen ! Il faut se référer au discours de Jaurès le 25 Juillet 1914 : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ! »

(1) Thales (+7,87% à 239,9 euros) a inscrit un nouveau plus haut absolu à 252,40 euros après la publication de résultats 2024 en forte hausse. Dassault Aviation qui possède 26,59% du groupe spécialisé dans l’aérospatiale, la défense et la sécurité, a également enregistré un nouveau record à 300,6 euros.

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