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Le salon du « produire mieux » et la loi du « produire plus »

Le salon de l’Agriculture entame la semaine des visites politiciennes. Après la Président de ce qu’il reste de République tout ce que la France compte comme personnalités susceptibles d’êtres candidates aux élections présidentielles va défiler, serre les paluches, taper le culs des vaches, caresser les agneaux et les veaux, s’extasier sur des produits d’excellence, avaler des godets de toutes sortes et surtout assurer les tenanciers de la vitrine agricole de leur soutien absolu dans une période difficile. Le scénario est le même depuis plus des décennies et n’est pas prêt de changer.

La vraie nouveauté cette année c’est que le poids de la FNSEA a été diminué par quelques victoires surtout dans le Sud-Ouest lors des élections aux chambres d’Agriculture. Une secousse qui poussera bon nombre de visiteurs qui comptent à ajuster leurs mots. Pour le pouvoir actuellement en place une loi tentant de répondre à la pression des producteurs sur les normes, les contraintes diverses d’ordre administratif ou réglementaires, les contrôles réputés excessifs a été adoptée par le Parlement en toute hâte. Un texte qui n’entrera pas en vigueur aussi rapidement car les décrets d’application peuvent évidemment prendre quelques mois.

Cette déréglementation est destinée à facilité la surproduction considérée comme la solution pour le revenu des agriculteurs. D’ailleurs la Ministre a annoncé la couleur : « La France doit produire plus pour manger mieux » (…) Dans ce moment de grand bouleversement de l’ordre international (…), la France doit affirmer sa souveraineté agricole comme un enjeu régalien et réarmer sa puissance alimentaire », a déclaré la ministre, appelant à « sonner la mobilisation générale ». En quelques mots dans ce domaine aussi nous entrons en guerre. Contre qui ? Nul ne le sait vraiment. Une lutte sans pitié s’engage autour de points contradictoires.

Le premier c’est que le milieu agricole réclame justement des prix d’achat de ses produits suffisamment rémunérateurs pour vivre correctement et éviter de survivre. Ce principe suppose que l’Europe abandonne le principe de « la concurrence libre et non faussée » entre pays au profit d’une vision plus sociale et protectrice. Qui assure que l’écart actuel entre les tarifs des importations et ceux de la France se rapprochent ? Il ya deux manière des le faire : la baisse des prix de revient chez nous ou alors hausse de ceux pratiqués par les autres. « Produire plus » pour gagner plus c’est le mythe que poursuivent tous les agriculteurs mais qui ne réussit pas depuis des années.

Il faut dans un second temps avoir du foncier car pour « produire plus » avoir des surfaces de plus en plus vastes, des investissements en matériel de plus en plus lourds, des frais liés aux engrais, aux pesticides énormes. L’intensivité a conduit à la ruine de certaines filières. Dans les vignobles on en fait la dure expérience. Il ne s’agit plus de faire pisser la vigne mais de détruire les surfaces où elle pissait le plus. On incite à produire moins avec l’espoir de diminuer les quantités mises en marché. Le vrai problème c’est la baisse de la consommation et les limites du pouvoir d’achat… On va approcher des 20 000 ha arrachés, on les dépassera sans doute et rien ne bouge vraiment sur les prix d’achat.

« Produire plus » suppose troisièmement que l’offre soit profitable aux consommateurs. Or actuellement il n’y a pas de pénuries constatées de produits agricoles sur les marchés. La « rareté » est plutôt un facteur d’amélioration du prix de vente. Comment peut-on contraindre un circuit économique libéral d’acheter des productions qui… ne se vendent pas ? Comment parviendra-t-on à maintenir des rétributions élevées des paysans quand le marché est pléthorique et que les textes économiques européens permettent de les acheter librement dans d’autres pays ? « Produire plus » suppose vendre plus et plus cher ! Cherchez l’erreur…

Le grand paradoxe c’est que le salon de l’agriculture constitue une vitrine du « produire le mieux possible ». Chaque stand vante la qualité et pas nécessairement la quantité. Le fameux concours distribue des médailles aux meilleurs produits. Toutes les présentations visent à persuader les visiteurs de l’intérêt d’une agriculture non-intensive mais soignée, précautionneuse, cherchant à satisfaire au maximum la clientèle par ses qualités gustatives et nutritives. Le salon n’a d’utilité que s’ils rassure, fait baisser la défiance, permet de comprendre l’enjeu d’une compréhension réciproque entre « producteur et consommateur ». La loi d’orientation qui sera vantée par le gouvernement ne résout rien dans ce domaine.

Dans quelques jours doivent se terminer les négociations entre la grande distribution et les industriels de l’agro-alimentaire sur les prix. « Retard inhabituel », « niveau de tension extrême », « moral au plus bas » : à dix jours de la clôture des négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs agroalimentaires, l’ensemble des parties prenantes a reconnu des difficultés accrues cette année. Près de 90 % des contrats avec les PME ont été signés, contre 40 % avec les grands groupes. L’organisme représentant PME et entreprises de taille intermédiaire de l’alimentation, alerte sur des « négociations très dégradées » et un doublement des « menaces de déréférencement » de la grande distribution. La vérité est plutôt là !

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Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

    Je pense , mais c’est une vue personnelle et qui m’engage que moi, que l’agriculture française, telle la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, est en train de périr de ses ambitions de gigantisme. Il fut un temps où ce fut nécessaire, pour faire face aux besoins criants de la population en augmentation, et pour effacer la ruine de notre production agricole du fait de la guerre.
    On s’est heurté à ce moment là à la routine, la tradition que les « anciens  » ne voulaient pas transgresser pour s’adapter à la situation.
    Nous assistons à un phénomène inverse maintenant : la super productivité, les machines coûteuses et monstrueuses, inadaptées à nos surfaces agricoles, les superficies cultivées d’une taille invraisemblable pour notre pays(nous ne sommes pas dans les grandes plaines de l’Ouest !) gérées par un personnel raréfié me semblent complétement inadaptées à la situation actuelle.
    Cette situation est aggravée par l’aveuglement et la routine ancestrale et traditionnelle qui s’obstine à ne pas voir que ce modèle est complétement dépassé et qu’il doit être remis en question.
    Mais c’est aussi une affaire de politique générale que les princes qui nous gouvernent n’ont peut être pas l’intelligence de comprendre ni les moyens, ou la volonté de gérer positivement.

  2. Gilles Jeanneau

    « Comment parviendra-t-on à maintenir des rétributions élevées des paysans quand le marché est plétorique et que les textes économiques européens permettent de les acheter librement dans d’autres pays ? « Produire plus » suppose vendre plus et plus cher ! Cherchez l’erreur… »
    Tu mets le doigt là où ça fait mal Jean-Marie et hélas, je n’ai pas la solution mais il est clair que l’Europe qui a mis les agriculteurs sous transfusion depuis longtemps, va maintenant causer leur perte.
    Allez, bonne journée quand même!

  3. JJM

    Voici ce qu’écrivait Greenpeace le 22 février 2024:
    https://www.greenpeace.fr/action-voici-les-vrais-coupables-de-la-crise-agricole/?utm_campaign=agri_&utm_source=email&utm_medium=push_info_240222&codespec=7013V000001IZ2B.
    Ces grands groupes seront propriétaires dans 10 ans des terres délaissées par les agriculteurs qui bénéficieront en retour d’une maigre retraite. Ces grands groupes,des féodalités, auront à leur service une main d’œuvre,des salariés,immigrés peut être,taillables et corvéables à merci. JJ parle des princes qui nous gouvernent,pensez-vous que ces petits marquis se délectent de poulets ou de porcs élevés dans des conditions déplorables?.Un poulet « évolue!!! » sur une surface équivalente à une feuille format A4.Qui est à l’initiative du texte de loi du 27/01/2025 sur l’élevage?Le sénateur agriculteur Laurent Duplomb,ancien président des JA et la chambre d’agriculture de Haute Loire ,au service de la FNSEA, se référer à son pédigrée pour comprendre.Pensez-vous qu’il achète ses productions chez Lidl?

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