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La crise agricole profonde et durable est soignée au Doliprane

La situation intérieure de la France qui se dégrade inexorablement au jour le jour explique en grande partir les mouvements d’opposition à l’accord envisagé avec le Mercosur. Comment le pouvoir en place pourrait-il se positionner autrement alors que le sol se dérobe sous ses pieds, qu’il est sous la menace de plus en plus forte d’une exécution parlementaire en bonne et due forme et que sa préoccupation essentielle n’est vraiment pas de mener une révolte institutionnelle contre la Commission européenne ? Il se contente d’accompagner les manifestations d’une profession tellement diversifiée qu’il n’est pas certain qu’elle soit absolument d’accord sur les revendications à présenter. Il n’existe plus depuis belle lurette une unité du monde paysan tellement les intérêts divergent selon les productions, les territoires et les méthodes de culture.

Les vrais sujets seront occultés par des manifestations conjoncturelles alors qu’ils sont structurels. Par exemple alors que le nombre d’agriculteurs diminue d’année en année, près de la moitié d’entre eux a plus de 55 ans. L’enjeu du renouvellement des générations est crucial si la France veut préserver son rôle de puissance agricole. Le sujet est mis sous le tapis car il n’est pas certain que dans un monde de la toute-puissance financière, le libéralisme ne souhaite pas concentration et transformation industrielle de l’agriculture. Ils étaient 605 000 en 2001 et ne sont plus que . Plus que 496 000en 2020. Le nombre de chefs d’exploitations étaient de plus de 2,5 millions en 1955.

Si on élargit au nombre total de personnes qui travaillent en France à produire (exploitants, mais aussi conjoints ou parents, et salariés permanents), concerne 761 000 « travailleurs » aujourd’hui, soit environ 1,5 % de la population active alors qu’ils étaient 966 000 en 2000… Et cette chute n’est pas prête de s’arrêter puisque pour 3 départs en retraite (dans quelles conditions ! ) il n’y a qu’une seule installation d’une jeune exploitant.

Des milliers d’hectares ne trouvent pas de repreneurs en raison de la faiblesse des revenus dont on peut en tirer ou plus souvent par l’absence de personnes capables de les reprendre. Cette situation mériteraient un véritable débat puisqu’il conditionne une donnée importante de l’indépendance nationale : la suffisance alimentaire. La mondialisation aberrante des échanges dont nous constatons les dégâts conduisent à importer des denrées au même niveau de volume que… ce que nous exportons.

Nous condamnons la venue de produits de mauvaise qualité, à prix bas sur le marché français alors que nous livrons ces mêmes denrées à l’étranger sans être plus certain de leur qualité. La fameuse « concurrence libre et non faussée du traité européen » se paie cash surtout que absolument rien ne permet d’affirmer que notre industrie agroalimentaire respecte les textes en vigueur. Est-on certain que certains vins envoyés sur les tables étrangères ne contiennent pas des produits toxiques ? Combien de contrôles sont effectués sur les utilisations d’intrants nocifs ?

Depuis le début de l’année 2024 ce sont près de 13 000 produits qui ont été par exemple rappelés. Par exemple 25 l’ont été pour des additifs illégaux, 62 alcools ou vins pour des ajouts dangereux, 2654 produits laitiers, 1 986 viandes, 681 venus de la pêche ou de l’aquaculture… et la liste est longue. Tous relèvent de la vente en France. Faute de fonctionnaires contrôleurs en nombre suffisant il est certain que tout ce qui part vers l’exportation n’est pas forcément vérifié. On exige à juste titre (et je le soutiens) des analyses de ce qui arrive en France mais les grands groupes producteurs vendant à l’étranger ne partagent pas nécessairement discrètement les mêmes exigences.

Sur l’ensemble de l’année 2023, l’excédent français des exportations s’est élevé à 6,5 milliards d’euros. Il avait perdu 3,7 milliards par rapport au haut niveau de 2022 lié au contexte de la guerre en Ukraine et de la flambée des prix des céréales. Ce recul marqué est principalement dû à celui des exportations de céréales sur fond de baisse des cours sur les marchés mondiaux : l’excédent des produits bruts perd ainsi 3,6 milliards par rapport à 2022 (à 1,2 milliard d’euros).

En parallèle, l’excédent des produits transformés (5,4 milliards d’euros) diminue légèrement (- 0,1 milliard sur un an), la hausse des importations étant en grande partie compensée par la croissance des exportations. Ce ne sont pas les agriculteurs, les éleveurs les plus modestes qui sont touchés par ces réalités économiques. Les grands céréaliers, les groupes diversifiés, les industriels de l’agro-alimentaire ne sont c’est certains sur les barrages des syndicalistes.

En fait le vrai maître du jeu reste le consommateur. Les paysans doivent être beaucoup plus inquiets de la baisse de la consommation en France que des conséquences du Mercosur. Ils veulent un prix rémunérateur de leur production sans se poser la vraie question : la baisse du pouvoir d’achat qui s’accentue conduit les acheteurs soit à renoncer à des achats, soit à les diminuer ou à être contraints d’aller vers le moins cher pour se nourrir. La religion de « l’offre » comme solution pour l’écoulement des productions a atteint ses limites. La crise en cours n’est que le début d’une profonde mutation qui tombe au pire moment car personne n’a de solutions autre que la moins pire !

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Cet article a 3 commentaires

  1. christian grené

    Je ne sais pas si le monde agricole se soigne au Doliprane mais ce matin, sur les chaines TV d’infos, j’entendais qu’il fallait prendre du Dafalgan, produit 100% français. Aux fourches, citoyens!

    1. faconjf

      @Christian Grené c’est préventif pour les coups de matraque sur la tête des manifestants. Pour le matraquage fiscal les kleenex ne sont pas remboursés.

  2. faconjf

    Bonjour,
    dans ce nouvel épisode du feuilleton « les agriculteurs jouent la survie » la question demeure, jusque quand la FNSEA va tenir son grand écart?
    Exemple emblématique de ce mélange des genres, le suppléant de la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, Éric Liégeon, qui l’a remplacée à l’Assemblée nationale, a été secrétaire général et vice-président de la FDSEA du Doubs.
    D’où cette position paradoxale — concertation avec le pouvoir d’une part, soutien et encouragement aux mobilisations de terrain d’autre part. Le syndicat tient cette ligne de crête « depuis la fin des années 1950 », explique l’historien spécialiste de l’agriculture Anthony Hamon. « La direction centrale parisienne a toujours été opposée aux manifestations et au folklore associé — blocages routiers, dégradations, etc. Mais elle est hantée par le risque de séparatisme syndical, si elle ne suivait pas les fédérations départementales et le terrain », explique-t-il.
    L’hégémonie de la FNSEA s’érode. Lors des élections des chambres d’agriculture de 2019, marquées par un niveau d’abstention record de 54 %, il lui a fallu s’associer aux Jeunes agriculteurs pour atteindre 55 % des suffrages exprimés. « C’est que les mesures productivistes qu’elle porte ( la FNSEA) ne profitent qu’à une minorité d’agriculteurs, analyse Anthony Hamon. La majorité, moins riche, moins avantagée, qui n’est pas présente dans les instances de décision des coopératives, ne voit pas la couleur des aides publiques obtenues ».
    Les prochaines élections pour les chambres d’agriculture, le 31 janvier prochain, seront décisives pour le syndicat majoritaire, menacé par la montée de la Coordination rurale. « D’où la surenchère démagogique de la part de la FNSEA », explique Anthony Hamon.
    Pour se faire une idée du pouvoir tentaculaire de la pieuvre FNSEA suivez ce lien qui décrit l’enquête très fouillée de Splann qui est une association de loi 1901 dont l’objet est de produire des enquêtes journalistiques d’utilité publique en Bretagne et dans le monde, en français et breton.
    https://splann.org/lobby-agricole-fnsea/
    Le monde agricole est divers dans ses activités, morcelé dans ses convictions, individualiste dans ses comportements et profondément conservateur, pas étonnant que de pareilles féodalités ont résisté depuis 1950.
    Bonne journée

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