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Le jour où j’ai plongé dans la « bataille » de Castillon (2)

Le jour où l’on effectue sa première rentrée d’enseignant marque parfois sa vie professionnelle alors quand en plus la responsabilité, dans un contexte compliqué, d’une école s’y ajoute tout devient plus difficile surtout à Castillon… la bataille ! 

Je quittais le vaste bureau du directeur de l’école Normale d’instituteurs de la Gironde avec une solide poignée de main et un rendez-vous pour la première semaine d’octobre. J’étais sous le choc ; Il serait malhonnête de ne pas admettre une certaine fierté mais je crois que l’inquiétude était supérieure. En remontant dans ma deux Chevaux pour regagner la Mairie de Sadirac j’avais perdu le goût des vacances. Il restait deux jours pour préparer un « débarquement » en terrain miné. Après avoir déjeuné et tenté de rassurer ma mère qui me voyait déjà mal en point dans un rôle aussi exigeant, je filais vers Castillon la Bataille que je ne connaissais absolument pas.

En roulant j’échafaudais un plan théorique car Ernest Monlau m’avait simplement raconté que la situation locale entre enseignants était fort compliquée. Pire c’était la guerre entre certains instits et la mairie occupée par un Maire Conseiller général influent, Robert Guichard. « Prenez le plus vite possible rendez-vous avec lui. D’abord pour vous présenter et lui faire signer votre P.V. d’installation. Ensuite écoutez ce qu’il a vous dire. Et enfin tentez de le persuader que vous êtes l’homme de la situation » m’avait fortement conseillé le Directeur. Attention l’inspecteur départemental de votre circonscription a été incapable de dénouer les problèmes. Il n’a pas aimé du tout votre nomination. Il faudra que vous le rencontriez assez vite ! » Ces éléments trottaient dans ma tête. Par quel bout vais-je prendre ces recommandations. Je verrais bien. Pour le moment la priorité c’était de trouver l’école de garçons.

Elle n’existait que depuis cette rentrée du 15 septembre 1965. Auparavant il y avait une école mixte . La « bataille » interne avait été tellement virulente que l’on avait promu le directeur que je remplaçais pour qu’il quitte les lieux et on avait ouvert deux écoles une de garçons et une de filles ! Une démarche en marche arrière par rapport aux consignes nationales. L’établissement que je devais diriger avait été installé dans un vieux bâtiment scolaire dont la cour était partagé par une longue barrière métallique pour les manifestations publiques. D’un coté six classes élémentaires et de l’autre les fameuses classes de sixième et de cinquième dites de transition et les clasees dites « pratiques ». Le portail était ouvert. J’entrais.

Les salles étaient vides. Sauf une seule dans laquelle je trouvais un homme en blouse grise très longue par rapport à sa taille. Une moustache en accent circonflexe à la Topaze. Un regard amusé et curieux. «  Que me vaut cette visite ? Je vous préviens je ne suis qu’instituteur. Il n’y a pas de directeur. Revenez vendredi matin. » Je me présentais. Il resta une fraction de seconde ébahi. « Ah ! C’est vous. La rumeur disait que c’était un jeune. Mais là on est gâté ! Bienvenue. Robert Dumont, la cause de tous les maux ! » Sa poignée de main franche et vraiment cordiale me rassura. Il me dressa un panorama d’une situation mêlant querelles personnelles, rivalités politiques, dénonciations diverses et demandes de révocation au Ministre de l’Éducation nationale via robert Boulin !

Très vieille France dans ses manières, adepte des méthodes historiques d’enseignement de la III° République, rigoureux il inscrivait à la plume sur la première page des cahiers du jour de ses élèves avec un art consommé des pleins et des déliés, caque nom et prénom. « Je préfère vous prévenir il vous ont soigné. Vous avez hérité d’une classe avec tous les redoublants du CM2 et les meilleurs CM1. » « Ils ». Qui étaient ces « ils » ? Je ne le sus jamais. En attendant il m’emmena en ce mardi 13 septembre dans une vaste salle où je trouvais une liste de 35 élèves délicatement scotché sur le bureau, des piles de livres, une règle plate, un compas, un e équerre et un rapporteur. Au fond une porte donnait sur une « souillarde » avec un évier en gré et au fond un bureau standard et une armoire quasiment vide. Ce serait mon « royaume durant une année scolaire ».

«  Au fait, puis-je me permettre de vous demander votre âge ? Si ça ne vous dérange pas je vous vouvoierais ! » Quand je lui annonçai que je n’avais que 20 ans il s’exclama : « la moitié de mon âge. Mais vous n’êtes pas majeur… » Mince je n’avais pas percuté. Il faudrait que je règle cet aspect de ma nomination… Il me restait une journée pour préparer une rentrée plutôt surréaliste. Ce ne serait pas de trop pour accueillir 35 garçons dont j’ignorais tout et découvrir les contraintes d’un poste de directeur. Ah ! Ernest Monlau…

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Cette publication a un commentaire

  1. christian grené

    S’cusez moi M’sieur si je vous ai pas répondu, mais j’avais cru bien faire, après vous avoir lu, en empruntant le chemin des écoliers. C’est y vrai que vous avez été aussi journaliste?

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