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Le livre de salon peine à tourner la page

L’auteur qui se rend dans un salon du livre comme celui de Sadirac où j’étais hier,, dans la période actuelle, avec l’espoir de vendre des dizaines d’ouvrage a de fortes chances de rentrer dépité. La tendance n’est plus guère à l’achat de bouquins en direct et rares sont les grandes vedettes qui remplissent les caisses de libraires servant de support aux transactions. Les achats sur les plateformes ou dans les librairies semblent tenir la corde pour les titres renommés alors que pour les « petits » il n’y a pas d’autres moyens que le contact persuasif pour espérer place quelques ouvrages.

Le défilé devant la table qui accueille ces bouquins souvent édités à compte d’auteur, c’est à dire dont le financement est assuré par celle ou celui qui écrit, a des allures des salles de bal d’antan. On attend que la lectrice (elles sont infiniment majoritaires) jette un regard intéressé sur le fruit de votre créativité. Difficile, car souvent, très souvent, les acheteuses potentielles ne sont guère attirées par ce qu’elles ne connaissent pas. L’investissement dans un livre suppose une confiance à priori dans l’auteur. Sur quels critères ? Ce n’est surtout pas le sujet ou le style. 

Il faut établir un contact pour espérer séduire et solliciter un brin d’intérêt. Pas facile ! D’abord parce que «l’écrivain » a parfois bien du mal à vanter son œuvre. S’il est persuadé que le résultat de son travail mérite l’intérêt, il ne sait vraiment pas comment le « vendre ». Fier de ce qu’il pense vraiment pouvoir passionner son interlocutrice il tente en quelques mots d’éveiller un intérêt, une curiosité, une envie. La visiteuse tourne et retourne le livre, lit en silence quelques lignes du résumé, le repose et annonce : « je vais finir mon tour du salon ! ». Parfois elle revient et alors c’est une petite satisfaction, une lueur dans l’indifférence qui plombe la journée.

Souvent dans une journée les « arrêts au stand » pour faire le plein de lecture? dépasse à peine une demi-douzaine sur une trentaine de possibilités. Devenu un camelot de l’écriture, le vendeur ne doit pas manquer une opportunité de séduire ! Il est aisé de sentir que la retenue actuelle repose sur le pouvoir d’achat. Sortir une vingtaine d’euros sur chaque table devient un acte nécessitant une vraie réflexion. Tous les secteurs culturels sont affectés par cette restriction sur ce qui ne paraît pas essentiel. « Entrer en tentation » semble passer de mode. On est  donc de plus en plus dans la catégorie des salons de passage. 

Dans les grands rendez-vous comme par exemple celui de Brive où l’on fait la « foire » quelques grands noms de l’écriture mobilisent des milliers de lectrices et de lecteurs qui viennent par curiosité ou pour des selfies valorisant pour celle ou celui qui le fait. Cette année les Prix Goncourt et Renaudot étaient de la partie sur les trois jours ce qui garantit une fréquentation exceptionnelle. On y croise aussi des personnalités venant de tous les secteurs médiatiques d’une société reposant sur la notoriété. Quelques 400 auteurs ont été acceptés sur ce qui constitue l’un des plus grands rendez-vous du livre en France mais tous ne sont pas reparties avec un chiffre d’affaires suffisant pour seulement amortir leurs frais.

Dans un lieu à taille humaine, les discussions de salon à taille humaine les moments de partage, même réduits en nombre, constituent le bien le plus précieux dont un auteur peut bénéficier. En ce qui me concerne je voudrais pouvoir offrir (et le je fais souvent) mes bouquins à toutes celles et tous ceux qui ont l’envie seulement d’échanger. Comme lorsque j’écris l’une de ces chroniques les réactions ou les dialogues de quelques « vaillants » du clavier parmi les centaines d’abonnés ou de lectrices ou lecteurs constituent la « récompense » quotidienne. Un « retour » quel qu’il soit sur un article ou un livre est du même ordre.

On écrit pour l’autre, pour lui donner le plaisir de quitter d’une certaine manière le quotidien. « J’ai besoin de livres gais et heureux » me confiait une jeune fille en difficulté. « Si votre histoire est tris et fini mal, je ne pourrai pas le lire ». Cette phrase entendu hier dans mon village natal de Saditrac m’a interpellé. Le besoin de bonheur s’accentue… Le rêve sous toutes ses formes constitue la nourriture essentielle d’une société angoissée. Les mots qui le portent éclairent la grisaille ambiante.

C’est probablement la raison pour laquelle les jeunes se précipitent sur les mangas. Avec 23 millions d’exemplaires vendus au premier semestre, les ventes de bande dessinée japonaise ont plus que doublé en France en trois ans en s’affichant comme le secteur «le plus dynamique» de l’édition, Le phénomène de la découverte de mondes irréels, fantastiques ou ésotériques correspond chez les jeunes en particulier à un besoin inquiétant. Les « danses du ventre » de salon ne les intéressent pas ! Ils s’éloignent de plus en plus du papier. 

Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    Bien sûr;, on aime lire une histoire qui finit bien, car on sait dans son inconscient que son histoire personnelle, à la fin finira forcément mal…
    Choisir un livre, une tâche difficile. C’est un investissement et l’on n’aime pas être déçu (là , c’est l’instinct hérité de mes ancêtres auvergnats qui parle).
    Et puis, comme dans les relations humaines, on se retrouve ou non en concordance avec l’auteur, ou le ou les personnages (parce que c’était lui, parce que c’était moi…) parfois sur des critères précis et objectifs, parfois, « comme ça », parce que ça plait.
    Parfois également on est déçu par un auteur que l’on connaît et que l’on apprécie : j’ai acheté il y a quelque temps un livre de l’islandais Arnaldur Indridason dont j’ai lu presque tous les ouvrages, me permettant de me plonger dans cette civilisation du froid, des longues nuit et des jours interminables, des étendues glaciales, désertes où l’on peut disparaître à jamais . Et bien ce livre, malgré mes efforts je n’ai pu en dépasser la trentième page.
    Et puis il y a les ouvrages qui font partie de notre fond « historique propre » : par exemple, enfant, j’avais lu « le Moulin du Frau » , d’Eugène Leroy, et je le relis de temps en temps. Ça ne « raconte » rien, mais ça raconte tout, et je me plais dans cette vie paysanne , peut être un peu idéalisée, mais reposante.

    Là, je suis un peu en panne d’inspiration pour me procurer du livre « divertissant », c’est à dire non politique ou historique, ma lecture favorite (bien que l’histoire souvent rejoigne et éclaire l’actualité). Je ne connais pas trop non plus les auteurs « à la mode » et l’on y regarde à deux fois avant d’investir dans un bouquin qui restera dans un coin de la bibliothèque sans jamais être ouvert,… contrairement à ceux d’un auteur girondin d’Entre Deux Mers qui ressortent de temps à autre

  2. Alain.e

    J’ ai lu récemment un livre , « raison express  » commandé chez Amazon évidemment , puis le livre « sterling » qui parle d’ argent et enfin un livre  » riez afghans  » de l’ humour dans un élevage canin au pays des talibans public.
    Plus sérieusement , je me livre pas trop sur ce sujet , confessant un déficit de lecture pas très loin du déficit public du pays .
    J’ ai eu du mal à finir  » a prendre ou à laisser  » de Lionel Shriver , diverses options pour la fin de vie , je vais tenter le best seller du moment  » les yeux de Mona  » de Thomas Schlesser .
    Je reste à la recherche du temps perdu , et c’ est pas évident de le trouver …
    Cordialement

  3. Laure Garralaga Lataste

    Le déclin du livre ne doit pas nous obliger à renoncer à sa publication … !
    Voilà pourquoi nous, Stéphane et moi, ne renonçons pas… Aussi, espérons-nous le 27 août 2014 prochain, pourvoir sortir l’Histoire de Bordeaux entre 1940 et 1944… ! Que ce soit par une lecture directe de notre livre ou par des consultations sur inter net, nous sommes sûrs d »apprendre au plus grand nombre de Girondins et plus… ce qui c’est réellement passé durant cette terrible période trop longtemps laissée sous le boisseau… !

    1. Christian C

      Date est prise pour le 27 août 2024. 😉
      Jean-Marie a omis d’aborder le rôle de bibliothèques municipales de nos communes et le fond de prêt de la bibliothèque départementale de la Gironde. https://bibliotheques.cdc-portesentredeuxmers.fr/
      C’est grâce à ces bibliothèques locales, que mon épouse et moi-même avons lu à nos enfantes des histoire drôles, qui font peur, des contes, des récits, des bandes dessinées. Et ce chaque semaine, par de nouveaux prêts. Quelle économie financière !
      Un clin d’œil aussi aux lectures faites dans ces lieux avec les « petiboulitous », (orthographe incertaine), de la lecture par le personnel municipal au sein de la bibliothèque, sur la CDC des Portes de l’Entre-Deux-Mers.
      Nous fréquentons encore chaque semaine les rayonnages pour en lire les coups de cœur, nouveautés ou autres histoires écrites antérieurement.
      Quant à nos filles, la lecture sur papier, est encore présente, si le temps le permet.
      Ne nous décourageons pas, l’âge du bois et de la pâte à papier perdureront.

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