Lors des nombreuses rencontres mémoire organisées autour du livre « Les 9 vies d’Ezio » j’ai constaté que dès que l’on évoquait l’immigration en général, certains visages se figeaient. Pour quelques descendants de ces Ritals arrivés la peur ou la faim au ventre, il n’est pas question de comparer les phénomènes actuels avec ceux des années 1920 en France. L’argument finit tôt ou tard par sortir : « ce n’est pas pareil car nous partagions la même culture ! ». Certes. Comme toujours ils ne conservent du passé que ce qui valorise une vision idéale de la société. Tout aurait été facile, ordonné, compris, admis et partagé dans les vagues migratoires successives. Le rêve en somme. Pratageons-nous la même culture que les Chinois ou les Asiatiques qui lentement colonisent l’économie de proximité en autarcie financière et culturelle ?
Toute immigration, quelle qu’elle soit, suppose des étapes immuables. Les causes sont toujours les mêmes. Les méthodes ne changent pas. Les réactions persistent. Les difficultés subsistent. La seule référence persistante reste celle du racisme qui accompagne tous les mouvements de population. Prétendre que les Italiens, les Espagnols, les Portugais, les Polonais, les Marocains arrivant « pour manger le pain des Français » n’ont pas généré des phénomènes de rejet, relève du mensonge rassurant. « Macaronis », « Espadres », « Portos », « Polaks » ou « Bougnouls » ont parsemé le langage du siècle passé comme bien d’autres le feront dans l’avenir. L’oublier c’est trahir ses ascendants.
Il n’y a jamais eu d’immigration heureuse. Il n’y a jamais eu de départ de sa terre natale sans déchirement. Il n’y a jamais eu de parcours de vie privilégié. Il n’y a jamais eu d’intégration facile. Surtout lorsque l’Histoire des Hommes convulsait ou agonisait comme ce fut et c’est le cas. Aucune loi, aucune circulaire n’arrêtera l’aspiration des jeunes et des moins jeunes à partir vers un monde rêvé ou supposé au moins meilleur que celui qu’ils quittent. Quand on n’a plus d’avenir possible chez soi il est inévitable que l’on veuille le construire ailleurs. C’est ainsi depuis des millénaires.
La guerre, la famine, la terreur, la persécution essentiellement religieuse présentes ou en devenir, accélèrent seules ou conjuguées, des migrations incontrôlables. Quand des territoires ont été pillés, spoliés, détruits par une exploitation outrancière des richesses naturelles destinées à alimenter ce que l’on présente comme le confort, le bonheur matériel et la réussite par le fric, il devient difficile de freiner l’envie de ceux qui n’ont plus rien, à aller rechercher la part de rêve qui est la leur.
Les Ritals fuyaient la montée du fascisme dont on a toléré l’émergence au nom du fameux principe : « ça ne nous regarde pas ! » Les Espagnols franchirent les Pyrénées avec dans leur maigre baluchon leur République démantibulée par le fascisme mais ça ne nou regardait pas. Les Portugais ou les Polonais s’exilèrent pour les mêmes raisons sans que ça nous regarde. Les Marocains furent recrutés en masse pour pallier l’absence de main d’œuvre dans des secteurs industriels en développement. Leurs descendants considèrent de plus en plus que désormais tout nouvel arrivant détériore leur image et nuit à leur réputation. Eux ont été de « bons » immigrés quand les autres ne seraient que des profiteurs ou des délinquants.
Ces comportements détachés du contexte et surtout entretenus par un déversement permanent de méfiance, de haine, de mensonges ou d’exclusion sont désormais ancrés dans les esprits. Toute campagne pour les combattre est voué à l’échec. La polémique lamentable sur Aya Nakamura en atteste. L’acculturation massive, la faiblesse dramatique du débat démocratique, l’accréditation apportée à ces pensées par des lois aussi inutiles que démagogiques ou les crises profondes qui secouent le système pervers du profit, la surmédiatisation de faits divers, accentuent la perte de repères. Le racisme s’est infiltré partout et il ruisselle dans une société en proie à une angoisse forte sur son devenir.
Le parti le plus puissant qui sévit en France est devenu celui des peurs. Il est aux manettes car plus personne n’a confiance dans un pouvoir qui navigue à vue après avoir lui-même percé les trous dans la coque. L ‘opinion dominante est soumise par la valorisation des peurs. Mieux on la plonge dans l’incertitude pour qu’elle soit encore plus pétrifiée. Peur de l’autre, quel qu’il soit, son voisin dont on se méfie ou de l’immigré que l’on n’a jamais vu et que l’on ne sait rien. Peur de la guerre dont on entretient la perspective pour tenter de rassembler autour d’un réflexe d’autodéfense. Peur de manquer de tout : eau, nourriture, carburant, nature, argent et d’être privé de ce que l’on a. Peur de la maladie dans un système de santé en déliquescence. Peur de la dépendance sous toutes ses formes. Peur du déclassement social. Le parti de la peur gagnera toutes les élections : sa puissance est irrésistible.
Une France affaiblie, détruite par le libéralisme outrancier, ingérable tant elle est socialement fracturée et parcellisée a peur de son ombre. Elle préfère se recroqueviller, se fossiliser en une époque où elle aurait tant besoin de s’ouvrir et de consolider la fraternité, l’égalité, la laïcité et la solidarité. Comme l’a souligné le Premier des ministres : le poisson commence à pourrir par la tête. A qui pensait-il ?
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Hors sujet, encore une fois, bien qu’avec l’actualité…avec mes excuses Jean Marie, mais pour moi c’est de l’actualité et je partage l’esprit de ton sujet du jour.
Extrait de mes souvenirs de guerre
« La population pensait dans sa majorité que notre ville ne présentait pas une grande importance stratégique et que ces avions venus de si loin n’allaient pas s’intéresser à de si chétifs objectifs.
Une nuit cependant tout a changé (19 mars 44). L’alerte venait de sonner, ça n’était pas la première fois, on entendait approcher les avions. Mais soudain de grandes lueurs sont apparues dans les ténèbres, à cause du couvre-feu aucune autre lumière n’était visible : des fusées-parachutes venaient d’être larguées. Dans la nuit, les voisins apeurés s’interpellaient et tentaient de se redonner du courage, de vieilles dames se lamentaient en demandant grâce au ciel. Cette fois nous savions que » c’était pour nous « .
Tout près, nous semblait-il, les avions descendaient en piqué. Bientôt de sourdes explosions ébranlèrent le sol et les maisons. Je tremblais de peur. La veille il avait fait froid et on m’avait donné une brique chaude pour me réchauffer. Je ne sais pourquoi je suis descendu de mon lit, ma brique à la main. Elle avait déjà fait un long usage et devait être fêlée car au moment d’une forte explosion elle se coupa en deux dans mes mains, ajoutant à ma terreur.
Mais, après avoir largué quelques milliers de bombes, les avions avaient repris de la hauteur, déjà l’escadrille s’éloignait, le calme revenait. La poudrerie venait d’être bombardée. J’étais sain et sauf, rassuré, je me croyais naïvement dorénavant à l’abri de tout danger. Ce bombardement fit une seule victime : un employé imprudent revenu dans les locaux menacés pour y prendre ou y vérifier quelque chose. (les suivants eurent des issues plus tragiques)….
…Depuis cette nuit là, chaque alerte qui sonnait précipitait les gens dans les illusoires abris souterrains des caves d’immeubles ou des tranchées à ciel ouvert.
Les immeubles possédant un abri souterrain étaient recensés, aménagés et signalés par une plaque apposée sur la façade et indiquant leur capacité d’accueil. Plus prudemment, si on en avait le loisir, on courait se réfugier vers la campagne proche. Comme nous habitions à proximité d’une ligne de chemin de fer, point stratégique et objectif possible, nous partions nous mettre à l’abri dans les jardins ou les prés….
« Une nuit cependant tout a changé (19 mars 44) », c’est à dire 4 jours après mon septième anniversaire, et les vaticinations et vociférations que l’on entend ne me rassurent pas plus qu’il y a 80 ans…..
https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/14/guerre-en-ukraine-la-metamorphose-d-emmanuel-macron-colombe-devenue-faucon_6221911_823448.html
extrait: » Emmanuel Macron trinque, un verre de whisky à la main. La nuit s’étire, ce 21 février, dans le salon des portraits, à l’Elysée. Le chef de l’Etat répond à ceux qui le félicitent pour son « beau discours » en l’honneur des résistants arméniens Missak et Mélinée Manouchian qu’il vient de faire entrer au Panthéon. Mais le président de la République est songeur. La situation en Ukraine, envahie par les troupes russes depuis deux ans maintenant, se dégrade. La guerre s’enlise. « De toute façon, dans l’année qui vient, je vais devoir envoyer des mecs à Odessa », lâche, d’un air dégagé, le chef de l’Etat devant une poignée d’invités. »
Très bientôt sur vos étranges lucarnes » tous unis dans la tranchée »
« On n’est pas égaux d’origine
Ni d’galett, ni d’chic, ça d’accord ;
Mais on est frèr’pour deux machines :
C’est pour la merde et pour la mort »
Chanson « Le soliloque du poilu » dans André Pézard,
Nous autres à Vauquois, 1915-1916, 46e RI.
Bonjour,
la vraie fraternité est elle uniquement dans les cimetières ? le poète à toujours raison et nous fournit la réponse. ( Armstrong Chanson de Claude Nougaro)
» …
Chante pour moi, louis, oh oui
Chante, chante, chante, ça tient chaud
J’ai froid, oh moi
Qui suis blanc de peau
Armstrong, la vie, quelle histoire?
C’est pas très marrant
Qu’on l’écrive blanc sur noir
Ou bien noir sur blanc
On voit surtout du rouge, du rouge
Sang, sang, sans trêve ni repos
Qu’on soit, ma foi
Noir ou blanc de peau
Armstrong, un jour, tôt ou tard
On n’est que des os
Est-ce que les tiens seront noirs?
Ce serait rigolo
Allez louis, alléluia
Au-delà de nos oripeaux
Noir et blanc sont ressemblants
Comme deux gouttes d’eau »
« Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. »
Martin Luther King
« La première panacée pour une nation mal dirigée est l’inflation monétaire, la seconde est la guerre. Les deux apportent prospérité temporaire et destruction indélébile. Les deux sont le refuge des opportunistes économiques et politiques. »
Ernest Hemingway
Pour finir sur une note d’humour cette vidéo qui n’a pas pris une ride :
https://youtu.be/SRutvN46Lgo
et cette citation (c’est le jour ) toujours d’actualité : » S’il est vrai que l’humour est la politesse du désespoir, s’il est vrai que le rire, sacrilège blasphématoire que les bigots de toutes les chapelles taxent de vulgarité et de mauvais goût, s’il est vrai que ce rire-là peut parfois désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles, alors, oui, on peut rire de tout, on doit rire de tout. De la guerre, de la misère et de la mort. »
Pierre Desproges
Tribunal des flagrants délires sur France Inter 29.09.1982
Bonne journée
Bonjour J-M !
Les immigrés ! !…ou les émigrés ?
Que nous dit « 20 minutes » ?
L’essentiel
L’immigré est celui qui s’installe dans un autre pays que le sien.
L’émigré est celui qui quitte son pays pour un autre.
La différence est donc principalement une question de perspective.
Nous remarquons donc que les deux personnages sont les mêmes : tout dépend de l’observateur. Il faut aussi assimiler à ces êtres humains, les auvergnats qui montent à Paris, les vendéens ( gavaches) qui ont repeuplé notre Gironde, les chtis, les bretons, les basques, les corses, … les parisiens etc ! Tous, changeant de provinces, ont eu (ou ont) droit aux quolibets dégradants comme ceux que tu cites et que je désapprouve ! !.
Maintenant, épiloguons ! Vu le contexte agricole, j’arrive devant chez toi alors que tu ne m’attends pas. Le « 9 » étant ouvert, je rentre ! Là, déjà, je sens que tu vas m’indiquer … clairement (!) la rue de Baspeyras et le boulevard qu’elle dessert ! Mais, notre amitié aidant, tu me reconnais et tu m’offres … le gîte et le couvert ! Me trouvant à l’aise et ma besace étant vide (pas de rosé et j’ai planqué la came avant de venir!), j’investis le lieu et repère vite un beau bouquin ( le vide ne marquera pas dans la profusion !), le vase en opaline et la gourmette rutilante abandonnée sur le meuble du salon. Le tout rejoignant ma besace, tu t’interroges et … appelles les« bleus soutenus » qui, bien sur, font œuvre de scélérité et m’embarquent !
Explication de texte ? Toi, l’écrivain, tu as vite reconnu l’immigré envahissant, la frontière ( « 9 »porte ouverte), l’acceuil ( assoS), la came, les incivilités (à l’aise, mains crochues). Pourquoi te (re) parler de cela ? Simplement parce que c’est injurier tes anciens en faisant un copié-collé entre les immigrés de ces deux décennies et ceux comme ta Famille, les Italiens, les Polonais, les Espagnols, les Portugais, bref les êtres humains de MÊME CULTURE n’assurant leur avenir que PAR LE TRAVAIL ! ! Malgré la nostagie normale et compréhensible, ils n’ont jamais cherché à imposer les régles de vie de leur ancien pays qui n’avait pu leur assurer … la Vie ! !
Et Oui, J-M, difficile à entendre mais pourtant VRAI ! Ce n’est point de la « falk-new » mais simplement de l’observation … avec recul !
Amicalement …j’espère bien ☺! ! !
François @ Sans vouloir te contredire, les émigrés affublés à leur arrivée du qualificatif diffamatoire de gavaches étaient pour la plus grande partie originaires de Saintonge et d’Angoumois dont ils ont conservé la langue « vernaculaire ».
Bonsoir @J.J. !
Exact ! ! Remarque accordée ! De plus, nous habitons une maison …gavache ! ! ! !!!!!!!
Amicalement