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Mettez des grains de soleil sur vos oeufs mayo

Vous n’allez pas le croire mais une compétition passionnante est annoncée dans un mois à Bordeaux. Il s’agira de mobiliser les amateurs de la cuisine la plus ordinaire mais la plus délicate à réussir. Ce sera la première édition du championnat d’Aquitaine de « l’œuf mayo », un grand classique des brasseries au temps où ses dernières ne cherchaient pas à étonner par des agencements sophistiqués de leurs entrées du menu du jour. Seuls les vrais connaisseurs apprécieront l’importance de ce concours car rien n’est plus difficile que de confectionner ce plat d’apparence simpliste.

Les préparations sans artifices sont en fait les plus difficiles à réaliser. Il est en effet indispensable de respecter des règles élémentaires pour être digne de servir des « œufs mayo ». Rien ne doit être laissé au hasard sous peine de montrer les limites de ses talents de cuisinier. Il n’existe plus malheureusement de spécialistes de ce met « royal » quand il est entièrement assemblé par celui qui le propose au client. Tout parvient dans les brasseries quasiment préparé avec des seaux de mayonnaise et des œufs industriels qui donne un résultat fade et standardisé.

Ma grand-mère italienne et plus tard mon père, maîtrisaient parfaitement l’art subtil de réaliser ce que j’ai toujours considéré comme un plat royal. Le second avait hérité de la première les repères essentiels. Pas un repas de famille sans que les « œufs mimosa », variante transalpine des « oeufs mayonnaises » aient été sur la table. Les pontes de la semaine étaient conservées car la tablée se gavait de cette préparation traditionnelle ramenée de Vénétie et qui constituait un élément d’un menu de fête. Le plat disparaissait aussi vite qu’il étaait arrivé après une soupe de tagliatelles fabriquées sur la table de la cuisine et cuites dans le bouillon d’un vieille poule improductive.

La qualité des œufs tient une place essentielle dans la qualité de ce mets aussi simple que difficile à préparer. Venus d’un poulailler où les pondeuses vivent en liberté, nourries avec du maïs, des céréales, de la verdure et… des déchets de cuisine ils offriront un jaune orangé du meilleur effet. Les cuire constitue un autre défi. Délicatesse, précision, protection : les trois principes essentiels de leur goût final. Chassez l’idée reçue selon laquelle il suffirait de les plonger dans une simple casserole d’eau, de laisser bouillir durant dix minutes, pour obtenir un produit mangeable.

En effet, la cuisson par ébullition incontrôlée provoque une coagulation brutale (donc une perte d’eau par resserrement du tissu protéinique), ce qui apporte cette intolérable consistance caoutchouteuse du blanc d’œuf cuit. Un dicton circulait autrefois dans les villages, voulant qu’en demandant à sa future épouse de vous faire cuire un œuf dur, on savait si elle serait une bonne cuisinière ou non. 

Ainsi en réduisant, au bon moment, l’allure de chauffe, et en abaissant la température, on évite une « pressurisation » interne… et on écarte tout risque de fissuration de la coquille. Ah ! L’œuf dur fissuré, quelle catastrophe pour le gourmet : il prend l’eau et n’a plus du tout le même goût que celui dont on a réussi à préserver l’intégrité. Ce détail sert, dans un repas, de premier constat : si l’on vous sert un jour un œuf dont la coquille a explosé vous pouvez en déduire qu’en cuisine, il y a des progrès à faire.

Alors en exclusivité, je vous livre les secrets de l’œuf dur parfait. Ils reposent sur un constat scientifique : le blanc contient de l’eau, ce qui fait que si vous faites chauffer trop vite et trop fort votre œuf, vous faites certes bouillir l’eau de la casserole avec une cuillère de gros sel, mais aussi celle de l’intérieur. Si ça se produit, vous pouvez renoncer à la perfection. Comme le jaune cuit aux alentours de 70 degrés et le blanc autour de 60 il ne faut jamais que l’eau de la casserole bout à gros bouillons. Autrement c’est … cuit !

Plutôt que de baisser le gaz ou l’électricité, ajoutez de temps en temps, un peu d’eau froide, et  attendre une demi-heure pour arriver à un résultat idéal. On obtient alors, à la dégustation, un blanc moelleux et fondant, loin du blanc élastique habituel. Le jaune quant à lui laissera échapper ses arômes forts, tout en restant fondant. La seule chose que vous ne parviendrez jamais à réaliser c’est, quand vous le couperez en deux que le jaune soit parfaitement centré, car c’est totalement impossible. Passez les oeufs durs sous l’eau froide et ne les écalez que quelques heures plus tard, après avoir soufflé le plus fort possible sur la pointe la plus fine de la coquille.

Le plus exigeant reste la préparation de la mayonnaise. Pas question pour les puristes de bourrer l’espace libéré par le jaune, de cuillères de mayo tirée d’un pot acheté en supermarché. Monter dans un bol, un ou deux jaunes, à la main et avec le soutien d’ un aide laissant couler un filet d’huile d’arachide de qualité, nécessite un doigté qui n’est pas donné à tout le monde. Lorsqu’elle est réussie la cuillère tient droite dans la bol. C’est l’élément essentiel de la composition. Chacun a son truc pour réussir mais la température ambiante joue un rôle essentiel. Quand la mayonnaise éventuellement aromatisée selon son goût (crabe, thon, tomates séchées, betterave rouge…) a été répartie avec une râpe moulinette à gruyère dans laquelle ont été disposés les jaunes on nappe le tout d’une belle couche de « mimosa ». Un brin de persil sur chacun et le délice est au rendez-vous. J’en salive en écrivant…

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Cet article a 5 commentaires

  1. Gilles Jeanneau

    C’est mon entrée préférée que nous faisons régulièrement avec ma compagne qui est la reine de la mayonnaise!
    Je ne connaissais pas toutes ces subtilités sur la cuisson des oeufs mais je me régale à l’avance des prochains…
    Allez bonne journée quand même.

  2. J.J.

    …..une soupe de tagliatelles fabriquées sur la table de la cuisine et cuites dans le bouillon d’un vieille poule improductive. Mon marchand de volailles ne peut plus fournir de vieilles poules improductives : avec la grippe aviaire qui a fait des ravages dans les élevages, les malheureuses poules(en sursis …) ont vu elles aussi l’âge de la retraite reculer inexorablement et ne sont plus trop improductives afin d’assurer la « remonte ».

    Je me suis vengé en préparant un excellent bouillon préparé avec une belle carcasse de poulet pas trop déshabillée dont le charcutier traiteur volailler du marché m’a fait cadeau (geste commercial et amical). Quant aux œufs, j’ai le choix entre le traiteur et le volailler qui font assaut de qualité, des œufs de plein air(comme leurs volailles élevées au grain) et d’une taille remarquable (invendables dans le commerce « industriel » : trop gros ) ce qui nous fait dire très sérieusement qu’il en suffit de 10 pour faire une douzaine…

    Sans être un Paganini de la mayonnaise, je pratiquais cet art avec un certain succès (et l’œuf plutôt mimosa que « mayo »).
    Malheureusement , depuis que j’ai dû me séparer de ma vésicule biliaire, c’est une activité et une dégustation que je ne pratique plus, et ton évocation gastronomique m’a quelque peu fait frétiller les papilles.
    Pseudo mayonnaise du commerce ? la simple évocation de cet infâme brouet me coupe l’appétit.

  3. Alain.e

    Je ne participerais donc pas à cette compétition , et ne me joindrais donc pas à eux .
    Mon grand père était lui le spécialiste de l’ omelette sans œufs , il invitait des amis qui ne venaient pas et mangeait souvent son omelette sans eux .
    Mimosa , c’ était avant tout pour moi l’ enfant d’ Olive et Popeye , buveur de pinard et mangeur d’ épinard .
    Comme la mayonnaise ne prend pas avec mon texte , j’ arrête la , et puis les œufs mimosa , c’ est un peu une madeleine de Proust paradoxalement .
    Cordialement .

  4. Yvon BUGARET

    Je découvre que tu es un connaisseur en cuisine, bravo pour ce blog instructif. Etant un gourmand d’œufs cuits à la poêle, j’ai appris dans tes écrits plusieurs façons de les apprécier. Ca me rappelle mon enfance lorsque on allait ramasser les œufs dès que les poules chantaient .

  5. christian grené

    Bonsoir Jean-Marie.
    Et dire que j’ai failli passer à côté de ta rubrique quotidienne! Tu sais que tu m’a mis l’eau (oui oui, l’eau!) à la bouche. Mais tu m’as mis aussi le coeur à l’envers. Parce que l’oeuf mimosa faisait les délices de notre regretté Jeff notre chef mais surtout … notre ami commun.
    Merci Jean-Marie, tu m’as mis en appétit avant l’heure.

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