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La réduction des normes ne changeront pas les revenus

La crise agricole semble mise sous l’éteignoir. Les tracteurs rentrés sous les hangars avec quelques centaines de kilomètres supplémentaires au compteur, se reposent avant de repartir aux champs. Les paysans ruminent leurs désillusions pour un certain nombre d’entre eux ou savent pertinemment que les consignes du co-ministre de l’agriculture FNSEA visaient à empêcher une récupération encore plus large par le RN de leurs manifestations. Le problème, et personne le dit ou l’écrit c’est que rien n’est réglé. Les mesures annoncées n’auront aucun effet sur la situation compliquée que traversent une majorité de « petites » et « moyennes » exploitations.

En effet il est assez rare que des propositions conjoncturelles effacent d’énormes failles structurelles accumulées depuis des décennies. Il est à peu près certain que dans quelques mois les comptes en banque de ce monde en souffrance n’auront pas changé. En fait encore une fois en lâchant un rideau de fumée électoraliste sur la réduction des normes, le gouvernement est parvenu à dissimuler l’essentiel : la rémunération et la qualité de la production. En quoi par exemple un viticulteur qui aura l’autorisation de reprendre l’utilisation de produits phytosanitaires comme il veut et quand il veut, vendra mieux sa récolte ?

Est-ce que l’arrachage relancera le marché du vin ? Peut-on imaginer que les propriétaires qui viennent de terminer la taille des vignes se passionnent pour leur récolte ils savent qu’elle finira à la distillerie ? Le marché s’effrite sur certains créneaux et s’effondre dans d’autres. En 2022, seule 11% de la population consommait du vin tous les jours ou presque, soit cinq points de moins qu’en 2015 et 19 % ne boivent plus du tout d’alcool, de plus 51% des consommateurs sont des consommateurs occasionnels. En quoi le fait d’afficher un retour en arrière sur les normes augmentera la consommation et aidera les producteurs à vendre auprès des négociants ou des centrales d’achat un produit que les acheteurs potentiels ne consomment plus.

La décision sur la remise immédiate de la taxe sur Gazole non routier ne va pas faire illusion longtemps car les événements planétaires replongeront les utilisateurs dans la spirale de l’augmentation des tarifs de base. Les exportations vers l’Asie (contrairement à celles d’Australie, d’Afrique du Sud et d’Amérique du Sud) souffriront très vite du conflit au Moyen-Orient. Le volume commercial transitant par le Canal de Suez, qui souffre des attaques des rebelles yéménites Houthis en mer Rouge, a diminué de 42% ces deux derniers mois, selon l’ONU.

Le plus grand transporteur maritime français annonce que le transport d’un conteneur de 40 pieds entre l’Asie et la Méditerranée occidentale va passer de 3.000 dollars à 6.000 dollars. Pour un conteneur de 20 pieds, il en coûtera 3.500 dollars contre 2.000 dollars jusqu’à présent. Le cognac, le champagne, le vin et par exemple les poulets qui sont expédiés par la mer ne seront plus compétitifs face à une concurrence internationale féroce. Quels sont les mesures qui changeront cette réalité ? Pire certaines d’entre elles clamées par les hérauts du libéralisme devenant protectionnistes risquent de nous valoir des rétorsions de certains pays…

La diminution des jachères subventionnées sont présentées comme une perspective d’augmentation des quantités produites et donc des revenus. Certes, mais à condition que les récoltes soient achetées et qu’une éventuelle surproduction ne réenclenche pas un processus de baisse des prix. Les terres des vignobles arrachés avec indemnisation sont gelés vingt ans et donc pas convertibles. Il n’y aura donc aucun revenu de remplacement aussi faible soit-il. Beaucoup d’exploitants ont été sauvés par l’étalement urbain qui leur a permis de vendre une parcelle constructible ce qui ne sera plus possible avec la mise en œuvre de la loi sur zéro-artificialisation des sols.

L’endettement dans le milieu agricole fait du crédit Agricole de fait le premier propriétaire exploitant indirect de France. On atteint aux dernière statistiques à 193 000 euros en moyenne par exploitation en France. Ce qui était frappant sur les images des blocages c’était la « grosseur » et la sophistication des tracteurs… qui grâce à quelques ficelles permettent de défiscaliser sur la base des amortissements. En fait bien des exploitations sont sous perfusion des aides européennes et de mesures spécifiques arrachées en périodes pré-électorales.

Pas un mot sur la coopération et ses atouts pour diminuer les coûts, commercialiser et fournir un revenu stable. Pas un mot sur le statut d’exploitant agricole quand ceux qui tirent leur épingle du jeu sont des grandes fortunes, des assureurs, des banques, des mutuelles, des sociétés de placement, des professions libérales… et donc ne souffrent pas de l’inflation ! Sujets tabous.

Toutes les lois prises dans un système libéral et de « la concurrence libre et non faussée » exigée par le traité constitutionnel européen de 2005 n’ont qu’une portée limitée. Toutes les mesures restent des pansements provisoires qui n’effaceront absolument pas les causes profondes d’un milieu partiellement économiquement faible car fragilisé par des éléments externes qu’il ne maîtrise pas. Et rien n’a changé et ne changera fondamentalement.

Cet article a 11 commentaires

  1. Gilles Jeanneau

    Bonjour Jean-Marie
    Tout en étant sur la même longueur d’ondes que toi, je me demande s’il y a encore un pilote dans l’avion?
    Il ne nous reste que nos chères études pour se consoler!
    Carpe diem et le reste on s’en fout, même si c’est très égoïste
    Allez bonne journée quand même…

  2. PC

    Que tout ce que tu écrits est vrai et juste. De la récupération par le RN à travers la Coordination Rurale, jusqu’à la responsabilité de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs, tous deux grands pourvoyeurs de ministres et secrétaires d’état, et qui font semblant de s’intéresser à un problème qu’ils ont largement contribué à créer depuis les années 60 ( avec la GD pour complice), à savoir l’agriculture intensive.
    Mon père, alors élu à la chambre d’agriculture , ne cessait de s’en plaindre.
    Quant à la viticulture, elle n’est victime que d’elle même, trop planté, trop produit, gangrénée par les modes onéreuses, barrique à outrance souvent inutile et néfaste, illusion chinoise, phénomène Parker, vins bio ou natures bidonnés etc…
    mais les tracteurs à 150000€ pièce roulent suffisamment vide et bien pour monter à Paris en quelques jours, pendant que Leclerc, largement complice et profiteur des problèmes, fait le mort…

    1. facon jf

      @PC « pendant que Leclerc, largement complice et profiteur des problèmes, fait le mort… » Perdu de recherche l’a retrouvé!! Ce matin il causait dans le poste. Il n’a pas manqué de botter en touche les questions difficiles et a dénoncé les multinationales qui le fournissent. Toutes ont réalisé des bénéfices à 2 chiffres bien plus élevés que l’inflation alimentaire. Le prix de camaraderie va encore lui échapper cette année. La FNSEA dont le PDG est en plein conflit ( de canard ?) d’intérêts peut compter sur la justice de notre pays pour éviter les procès et sur le gouvernement pour être réélu après les élections en janvier 2025. La messe est dite, le représentant des lobbies agro-industriel pour défendre les petits paysans, c’est comme si le syndicat des ébénistes élisait IKEA à sa présidence.
      cordialement

    2. François

      Bonjour @ PC !
      En vous lisant , je découvre … un autre fils de Paysan: bienvenu au club ! ! Parfois, on peut porter une double casquette en ayant opté pour ce métier, lointain cousin des serfs et vilains mais souvent … très proche frère !
      « De la récupération par le RN à travers la Coordination Rurale »: certes, c’est indubitable ! Comme un grand malade à l’agonie, l’être humain abandonne la médecine traditionnelle qui avait sa confiance. Dans un sursaut proche du dernier, il confie alors sa vieille peau aux nouveaux gouroux plein d’espoirs !
      « la responsabilité de la FDSEA et des J. A. » « un problème qu’ils ont largement contribué à créer depuis les années 60 » « à savoir l’agriculture intensive »: oui, surtout qu’à l’époque (application du plan Marshall, Europe, poussée démographie, abandon de l’Algérie, etc,etc,), le besoin de nourriture pas chère devenait premier objectif … nous faisant occulter voire oublier le Vrai Pouvoir de l’Agriculture qui est la multiplication des Valeurs dans un but pécunier par la production du sol arable ! Ce Pouvoir, toujours occulté bien que réel, est certainement la racine du mal (inflation, pouvoir d’achat !) qui ronge le pays car « si on a toujours des idées, on n’a toujours pas de pétrole » ! !
      « tous deux grands pourvoyeurs de ministres et secrétaires d’état »: la Campagne (devenue Ruralité !) étant alors le plus grand réservoir humain et son Éducation avançant, il ne pouvait en être autrement … surtout si « le bon sens paysan » était alors recherché ! !
      « Quant à la viticulture, ……. bio ou natures bidonnés etc » : j’approuve 100 % ! !
      J’y ajouterai deux dégringolades qui ont fortement touché le produit :
      – le permis de conduire et son ennemi le taux d’alcool dans le sang : tolérance <1,2 g/l de sang en 1960 , <0,8g en 1975 pour arriver à <0,5 g voire <0,2 g, ce avec des moyens de détection plus précis !
      – en conséquence, on arrive à la déconsommation : 120 l /an en 1964 pour arriver en 2022 à 40 l voire ….. !
      Enfin, n’oublions pas qu’avec un pouvoir d’achat en berne, malheureusement, le vin passe dans les produits de seconde nécessité ! !
      Amicalement

        1. François

          Bonjour @ facon jf !
          Certes, ces chiffres paraissent et SONT indécents aux yeux du citoyen lambda ! Souvent, ils sont le résultat des concentrations d’unités « pour diminuer les frais de gestion » (! !) sauf que, comme pour les regroupements de communes, l’économie se situe dans la colonne des centimes d’ € !
          Notons surtout que cela vise à améliorer la carte de visite (et le CV) du détenteur des casquettes, lesquelles, parfois, deviennent casseroles ! À décharge, permettez-moi de signaler l’absence ou l’abandon de responsabilités lors d’appels à candidature genre  » je n’ai pas le temps » ou « tu sauras mieux faire que moi ».
          Il faut aussi dire que tous ces postes ( maires, présidents d’assos, coops, clubs, syndicats, etc) furent créés au titre du bénévolat … avec indemnités, lesquelles furent transformées en « salaire » vu l’absence de candidats. J’entends des « Méa culpa … méa culpa …méa »: ce doit être un écho de l’édifice voisin ! ! !
          Bien que nous ne soyons pas experts à la Cour des comptes, heureusement nous pouvons encore débattre, démontrant ainsi que nous n’ignorons pas malgré leurs précautions. Oublions seulement nos critéres de … vieux c…s radoteurs: nous sommes des séniors, n’est-ce pas ?
          Avec le sourire…
          Amicalement

  3. facon jf

    Bonjour,
    la question de fond c’est où va l’agriculture ? Vaste question nos dépités tentent une réponse dans le RAPPORT D’INFORMATION de LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES sur l’autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires 8 décembre 2021. On peut y lire « Grande puissance agricole mondiale, premier producteur agricole de l’Union Européenne, l’autonomie alimentaire de la France a longtemps été considérée comme un acquis. Force est de constater que la dynamique a beaucoup changé. » et aussi  » Pour autant, l’autonomie et la souveraineté alimentaire de la France sont loin d’être conquises et la situation se dégrade depuis plusieurs années. Selon FranceAgriMer, depuis 2006, le solde commercial des produits agroalimentaires transformés hors vins et spiritueux est déficitaire. Au niveau mondial, la France est passée du deuxième pays exportateur derrière les États-Unis au début des années 2000 au sixième depuis 2015. Elle s’est fait dépasser successivement par les Pays-Bas, l’Allemagne et le Brésil. Au niveau européen, la France n’est plus que le troisième pays exportateur.  »
    La vision des grands mamamouchis qui croient nous gouverner est définie dans le rapport « La Vision de la France à l’horizon 2050 » qui présente la vision de la France neutre en carbone et respectueuse du vivant en 2050. Là ça fait envie non?
    Quand on le lit c’est moins glamour « En 2050, le cheptel bovin a été réduit (25% pour le cheptel bovin laitier et 33% pour le cheptel bovin autre que laitier), du fait de la diversification de l’alimentation et de la consommation accrue de protéines végétales. »
    Et aussi  » En 2050, les Français consomment plus de protéines végétales que de protéines animales (60% végétales, 40%animales). Les Français limitent leur consommation de charcuterie, de viande, de poisson et de lait et privilégient un approvisionnement de qualité chez les commerçants de proximité ou directement auprès des producteurs.
    La viande ne disparaît pas mais n’est pas présente à tous les menus, tous les jours de la semaine, ou alors dans des portions plus réduites et elle est de bonne qualité . La consommation d’insectes et d’algues se développe « .
    Manger de la farine d’insectes mélangée à des algues de culture mmmm! c’est bon ! c’est bon.
    Les belles idées contaminent aussi l’UE( rss) dans le rapport F2F. Adoptée en octobre 2021, la stratégie proposée par la Commission européenne vise un “système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement”. Depuis, elle a été déclinée en textes législatifs mais certains de ses objectifs pourraient être difficiles à atteindre compte tenu des répercussions du conflit en Ukraine sur l’agriculture européenne.
    Il y a un an la Commission a autorisé la commercialisation de grillons domestiques (Acheta domesticus) comme aliments dans l’UE. Il s’agit du troisième insecte autorisé à la consommation, après le ver à farine séché et le criquet migrateur.
    Je vous laisse, je m’en vais nourrir mes lombrics ( Lumbricus terrestris) pour me cuisiner un steak restructuré avec mon imprimante 3D. Merci monsieur Tricatel ( l’aile ou la cuisse) j’en salive d’avance.
    Bonne journée

  4. J.J.

    …ceux qui tirent leur épingle du jeu sont des grandes fortunes, des assureurs, des banques, des mutuelles, des sociétés de placement, des professions libérales…
    …Autrement dit, pour la plupart des gens qui ne connaissent de l’agriculture et de ses problèmes que les tracteurs qu’ils ont vus à la télé ou les vaches qu’ils ont rencontrées au salon de l’Agriculture, quand ils ont condescendu à s’y rendre.

    Ces pauvres agriculteurs de la FNSEA n’ont pas encore compris semble -t-il que le président de la FNSEA, comme ses prédécesseurs ou prédécesseuses(ça se dit ? ) sont avant tout des industriels de l’agro alimentaire et parfois des propriétaires particulièrement importants (voir les 700 ha du citoyen Rousseau et la PAC afférente qu’il touche en prenant ses chaussettes).

    Ces gens là à la tète de la FNSEA, c’est un peu comme si Bolloré ou François Pinault occupaient le poste de Secrétaire Général de la CGT…

  5. christian grené

    Ceux qui trouveraient à redire à la rubrique du jour, surtout si tard, ne sont que… détracteurs.

    1. Gilles Jeanneau

      Je ne la découvre que ce matin, mais alors celle-là, il fallait la trouver!
      Salut à toi, mon ami et ne tombe pas du tracteur…
      Amitiés

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